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11/12/2001 | FRANCE | N°98MA00456

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 11 décembre 2001, 98MA00456


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 mars 1998 sous le n° 98MA00456, présentée pour M. Jean-François X..., par la S.C.P. CHATEL CALAUDI CLERMONT TEISSEDRE TALON, avocats ;
M. X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement, en date du 18 décembre 1997, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Montpellier a refusé de réparer le préjudice qu'il a subi du fait de son travail au contact prolongé de chlo

re et d'ozone, d'autre part, à la condamnation de la commune de Montpe...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 mars 1998 sous le n° 98MA00456, présentée pour M. Jean-François X..., par la S.C.P. CHATEL CALAUDI CLERMONT TEISSEDRE TALON, avocats ;
M. X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement, en date du 18 décembre 1997, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Montpellier a refusé de réparer le préjudice qu'il a subi du fait de son travail au contact prolongé de chlore et d'ozone, d'autre part, à la condamnation de la commune de Montpellier à lui verser une indemnité et mis à sa charge les dépens de l'instance, pour un montant de 2.000 F ;
2°/ de condamner la commune de Montpellier à lui verser 450.000 F au titre de son incapacité permanente partielle, 150.000 F au titre du pretium doloris, 100.000 F au titre de son préjudice moral, 200.000 F au titre de son préjudice professionnel ;
3°/ de condamner la commune de Montpellier aux entiers dépens, y compris les honoraires de l'expert ;
4°/ de condamner la commune de Montpellier à lui verser la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2001 :
- le rapport de M. ZIMMERMANN, premier conseiller ;
- les observations de Me MONTAGNE de la S.C.P. CHATEL CALAUDI CLERMONT TEISSEDRE TALON pour M. X... ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur la responsabilité de la commune de Montpellier :
Considérant que le fonctionnaire qui ne peut prétendre à aucune réparation au titre de la législation sur les accidents de travail et les maladies professionnelles du fait, notamment, que l'affection dont il souffre n'est pas reconnue comme une maladie professionnelle, peut cependant exercer à l'égard de la collectivité publique qui l'emploie une action selon les règles du droit commun de la responsabilité administrative ; qu'il lui appartient alors d'établir l'existence d'un lien de cause à effet entre l'exercice des fonctions et le préjudice qu'il invoque ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Jean-François X... a été recruté le 3 février 1963 par la ville de Montpellier et affecté au service des eaux de la ville où il a notamment été à partir du 29 août 1964 jusqu'au 12 avril 1987, chef de station des eaux de Portaly ; qu'il est constant que l'exercice de ces fonctions impliquait une exposition au chlore et à l'ozone, qu'il devait manipuler régulièrement ; qu'il a manifesté à partir de l'année 1968 des troubles rhinopharyngés faisant soupçonner une allergie accompagnée de signes d'asthme, et que ces troubles se sont aggravés par la suite ; que l'asthme dont il est atteint n'est pas une maladie figurant au tableau des maladies professionnelles prévu aux articles L.461-1 et L.461-2 du code de la sécurité sociale et ouvrant droit à une indemnisation à ce titre ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier, et notamment du rapport d'expertise médicale ordonnée par les premiers juges, que la responsabilité du chlore et de l'ozone dans l'apparition et l'aggravation de la maladie asthmatique de M. X... est certaine, la circonstance que, selon les publications médicales nationales et internationales, ces produits agissent le plus souvent comme un irritant entretenant la maladie inflammatoire ne signifiant nullement que tel était le cas de M. X... ; qu'au contraire ces mêmes pièces relatent que la chronologie des faits établit que les premiers symptômes de la maladie de M. X... ne sont apparus qu'après plusieurs années d'exposition au chlore et à l'ozone, et que la maladie a cessé de s'aggraver quand le requérant n'a plus été exposé à ces produits ; qu'ainsi M. X... doit être regardé comme apportant la preuve du lien de causalité entre le préjudice invoqué et les fonctions exercées, et qu'il est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement en date du 18 décembre 1997 par lequel le Tribunal administratif a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la ville de Montpellier à l'indemniser de son préjudice ;
Considérant toutefois que la responsabilité de la commune de Montpellier doit être atténuée par la faute commise par M. X... qui s'est abstenu de demander son changement d'affectation quand l'origine des troubles dont il souffrait a été portée à sa connaissance, et qu'il a ainsi contribué à l'aggravation de son état de santé ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à sa charge un quart des conséquences dommageables de cette affection ;
Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que M. Jean-François X... demande une indemnité totale de 900.000 F, dont la moitié au titre de l'incapacité permanente de travail au taux de 35 % dont il est atteint, 200.000 F au titre de l'incidence professionnelle de cette invalidité, 150.000 F en réparation des souffrances endurées et 100.000 F au titre du préjudice moral ; qu'il n'établit cependant pas que l'affection dont il est atteint ait entraîné une perte de rémunération ou un autre préjudice professionnel indemnisable ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant la réparation due à M. X... à 350.000 F au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence, et à 50.000 F au titre des souffrances endurées ; qu'ainsi compte tenu du partage des responsabilités retenu, il y a seulement lieu à condamner la ville de Montpellier à verser à M. X... une somme totale de 300.000 F en réparation de son préjudice ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 300.000 F à compter du 24 mars 1998 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 8 octobre 1999 ; qu'à cette date il était du au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des dépens :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, soit la somme de 2.000 F, à la charge de la ville de Montpellier ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la ville de Montpellier à verser à M. X... la somme de 5.000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de rejeter les conclusions reconventionnelles présentées à ce titre par la ville de Montpellier ;
Article 1er : Le jugement susvisé en date du 18 décembre 1999 du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La ville de Montpellier est condamnée à verser à M. Jean-François X... une somme de 300.000 F (trois cent mille francs).
Article 3 : La somme de 300.000 F (trois cent mille francs) mentionnée à l'article 2 ci-dessus portera intérêts au taux légal à compter du 24 mars 1998. Les intérêts échus le 8 octobre 1999 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : La ville de Montpellier versera à M. Jean-François X... une somme de 5.000 F (cinq mille francs) au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, et lui remboursera le montant des frais d'expertise, soit une somme de 2.000 F (deux mille francs).
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... et les conclusions reconventionnelles de la ville de Montpellier sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X..., à la ville de Montpellier et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98MA00456
Date de la décision : 11/12/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-02-01-02-02 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE FONDEE SUR LE RISQUE CREE PAR CERTAINES ACTIVITES DE PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE FONDEE SUR L'OBLIGATION DE GARANTIR LES COLLABORATEURS DES SERVICES PUBLICS CONTRE LES RISQUES QUE LEUR FAIT COURIR LEUR PARTICIPATION A L'EXECUTION DU SERVICE


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative L761-1
Code de la sécurité sociale L461-1, L461-2
Instruction du 29 août 1964


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. ZIMMERMANN
Rapporteur public ?: M. BOCQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-12-11;98ma00456 ?
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