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10/10/2000 | FRANCE | N°99MA01822

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 10 octobre 2000, 99MA01822


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 8 septembre 1999 sous le n° 99MA01822, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;
Le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 8 juillet 1999, pris dans l'instance n° 99-855, par lequel le Tribunal administratif de Nice, d'une part, a prononcé l'annulation de la décision n° 5525, en date du 18 décembre 1998 par laquelle le commandant de la gendarmerie maritime a maintenu la punition disciplinaire de 20 jours d'arrêts infligés à M. X..., et, d'autre pa

rt, a condamné l'Etat à verser à M. X... la somme de 5.000 F au tit...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 8 septembre 1999 sous le n° 99MA01822, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;
Le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 8 juillet 1999, pris dans l'instance n° 99-855, par lequel le Tribunal administratif de Nice, d'une part, a prononcé l'annulation de la décision n° 5525, en date du 18 décembre 1998 par laquelle le commandant de la gendarmerie maritime a maintenu la punition disciplinaire de 20 jours d'arrêts infligés à M. X..., et, d'autre part, a condamné l'Etat à verser à M. X... la somme de 5.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Nice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 ;
Vu le décret n° 75-675 du 28 juillet 1975, modifié par le décret n° 82-598 du 12 juillet 1982 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2000 :
- le rapport de M. GONZALES, premier conseiller ;
- les observations de Me Y... pour M. X... ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que si la mention, dans le jugement attaqué, du nom du commissaire du gouvernement, comporte une erreur, celle-ci a, toutefois, été rectifiée par ordonnance du président du Tribunal administratif de Nice en date du 15 juillet 1999 ; que le défaut de notification régulière de cette ordonnance au MINISTRE DE LA DEFENSE est sans incidence sur la validité de la régularisation ainsi opérée ; qu'ainsi, le MINISTRE DE LA DEFENSE ne peut se prévaloir de l'erreur matérielle ayant initialement affecté le jugement attaqué ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des énonciations du jugement attaqué que le raisonnement qui a conduit les premiers juges à censurer la punition infligée à M. X... reposerait sur une interprétation partiale ou erronée des faits reprochés à l'intéressé et du contexte dans lequel ils sont intervenus, ni que l'appréciation du bien-fondé de cette punition, qui pouvait tenir compte des qualités professionnelles démontrées jusqu'alors par l'intéressé, reposerait sur des considérations juridiques dont l'examen ne relèverait pas de leur compétence ; qu'ainsi, le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient dénaturé les faits soumis à leur examen ni qu'ils auraient méconnu les règles d'exercice de leur mission de juges de l'excès de pouvoir ;
Considérant, en revanche, que, sauf disposition particulière prévue à cet effet, il n'appartient pas aux juridictions administratives de saisir le procureur de la République dans les conditions édictées à l'article 40-2° du code de procédure pénale ; qu'ainsi, le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il fait application de cet article et doit être annulé dans cette mesure ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant qu'à la suite d'un différend ayant opposé l'adjudant X... et son adjoint, le maréchal des logis-chef JODET à leur commandant de compagnie, à propos d'une difficulté de procédure concernant l'exécution d'une commission rogatoire, soulevée dans le cadre d'une enquête qui leur était confiée en qualité d'officiers de police judiciaire, l'adjudant X... a fait l'objet d'une punition disciplinaire de 20 jours d'arrêts ainsi motivée : "Motif n° 2.11 : porter gravement atteinte à l'autorité légitime ; motif n° 2.66 : avoir trompé la confiance de son chef ; à plusieurs reprises, et notamment le 2 octobre 1998, par son comportement et de fausses allégations, l'adjudant X..., gradé d'encadrement, a porté gravement atteinte à la crédibilité de son commandant de compagnie en mettant en cause son autorité tant vis à vis de ses supérieurs que de ses subordonnés et des magistrats" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a porté à la connaissance du magistrat qui dirigeait son enquête, l'existence d'une divergence d'interprétation qui s'était fait jour entre son commandant de compagnie et lui-même sur les conditions d'exécution de la commission rogatoire délivrée par ledit magistrat ; que cette démarche a donné lieu à un différend entre l'adjudant X... et son commandant de compagnie, lequel lui a reproché son comportement général par une lettre d'observations notifiée le 1er octobre 1998, rédigée en termes vifs et présentée comme une ultime mise en garde avant une sanction disciplinaire ; que l'adjudant X... a alors informé de ce différend le lieutenant-colonel commandant le groupement de gendarmerie auquel il appartenait, par lettre du 2 octobre 1998 ;
Considérant, d'une part, que le lien fonctionnel qui unit un officier de police judiciaire au magistrat qui dirige son enquête peut justifier que l'intéressé informe directement ce magistrat d'un problème de procédure concernant l'enquête ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas, de l'instruction que M. X... ait eu l'intention, à cette occasion, de porter atteinte à l'autorité de son commandant de compagnie ni que sa démarche ait abouti à ce résultat ;

Considérant, d'autre part, que M. X... a suivi la voie hiérarchique pour saisir le supérieur immédiat de son commandant de compagnie de ce différend ; que cette démarche est restée confidentielle ; que, malgré la vivacité de certains termes, sa lettre du 5 octobre 1998 est rédigée sans outrance ; qu'il ne résulte pas, par ailleurs, des pièces du dossier, qu'elle aurait fait une présentation mensongère des faits rapportés, laquelle aurait été de nature à porter atteinte à la crédibilité de cet officier ;
Considérant que, dans ces conditions, les démarches susrelatées de M. X..., si elles ont pu apparaître peu conformes aux usages en vigueur dans les corps militaires et, notamment, dans la gendarmerie, ne sauraient pour autant être regardées comme constitutives des griefs qui ont motivé la punition disciplinaire prononcée à son encontre ; que cette décision est, par suite, entachée d'erreur de droit; que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est, dès lors, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice en a prononcé l'annulation ;

Sur les conclusions incidentes de M. X... :
Considérant que le passage de la requête du MINISTRE DE LA DEFENSE commençant par les mots : "dans un considérant" et se terminant par les mots : "dont il a fait preuve", ainsi que le passage de cette requête commençant par : "tout cela démontre" et se terminant par : "du jugement attaqué", ne présentent pas le caractère d'écrits injurieux ou diffamatoires ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit aux conclusions de M. X... tendant à la suppression de ces passages ;
Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, d'allouer à M. X... la somme de 6.000 F, à la charge de l'Etat, au titre de ses frais de procédure ; que le surplus des conclusions de M. X... présentées à ce titre doit être rejeté ;
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nice, en date du 8 juillet 1999, est annulé en tant qu'il fait application de l'article 40-2 du code de procédure pénale.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté.
Article 3 : Les conclusions incidentes de M. X... sont rejetées.
Article 4 : L'Etat versera à M. X... la somme de 6.000 F (six mille francs) en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE et à M. X.... Copie en sera, en outre, adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Toulon et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Marseille.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 99MA01822
Date de la décision : 10/10/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUTS SPECIAUX - MILITAIRES (VOIR ARMEES).

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - MOTIFS - FAITS N'ETANT PAS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION.


Références :

Code de procédure pénale 40
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Berger
Rapporteur ?: M. Gonzalès
Rapporteur public ?: M. Bocquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2000-10-10;99ma01822 ?
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