Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 juillet 1998 sous le n 98MA01047, présentée pour la SARL CORSICA GARDIENNAGE SERVICES, dont le siège est Immeuble Pouillon, bâtiment E, rue de la Marine, par Me X..., avocat ;
La SARL CORSICA GARDIENNAGE SERVICES demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement en date du 30 avril 1998 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral en date du 20 février 1997 lui refusant l'autorisation de fonctionnement prévue par la loi n 83-629 du 12 juillet 1983 modifiée ;
2 / d'annuler ledit arrêté ;
3 / d'enjoindre à l'administration, sur le fondement des dispositions des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de statuer à nouveau sur la demande d'autorisation de fonctionnement présentée par la société, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 5.000 F par jour de retard ;
4 / de condamner l'Etat au paiement de la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 83-629 du 12 juillet 1983 ;
Vu le décret n 86-1058 du 26 septembre 1986 ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 1999 :
- le rapport de Mme LORANT, premier conseiller ;
- les observations de Me X... pour la SARL CORSICA GARDIENNAGE SERVICES ;
- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;
Considérant que l'article 7 de la loi susvisée du 12 juillet 1983 prévoit que : "Toute entreprise visée à l'article 1 ou 2 de la présente loi ne peut exercer ses activités qu'après avoir obtenu une autorisation administrative ; la demande d'autorisation est déposée, par le commerçant ou le dirigeant ayant le pouvoir d'engager la société, après inscription sur le registre du commerce et des sociétés, à la préfecture du département où l'entreprise est inscrite ... Cette demande, qui comporte le numéro d'inscription sur le registre du commerce et des sociétés, comprend notamment la justification de l'adresse du siège de l'entreprise, la dénomination et le statut de celle-ci, ainsi que la liste nominative de ses fondateurs, directeurs, administrateurs ou gérants et des membres du personnel employé. Elle doit permettre à l'autorité administrative compétente de s'assurer selon des modalités fixées par décret, que les conditions prévues aux articles 5 et 6 sont remplies", c'est à dire que ni les dirigeants, ni les employés ne sont frappés d'une incapacité pénale ; que l'article 5 du décret du 26 septembre 1986 dispose que : "Il est donné récépissé du dépôt de la demande. Le récépissé est refusé si la demande n'est pas accompagnée des justifications prévues aux articles 1 et 2 du présent décret", lesquels renvoient à l'article 7 précité de la loi ;
Considérant qu'il est constant que le préfet de Haute-Corse a délivré à la société CORSICA GARDIENNAGE, le 13 novembre 1996, le récépissé prévu par les dispositions précitées du dépôt de sa demande d'exercer une activité de surveillance et de gardiennage ; que la société doit être ainsi réputée avoir déposé un dossier complet ; que si le préfet soutient que la liste du personnel ne lui était pas parvenue, il lui appartenait alors d'en demander la production à la société ; qu'il ne se trouvait pas, dans ces conditions, en situation de compétence liée pour refuser l'autorisation sollicitée ; que, par suite, la société est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur ce motif pour rejeter sa requête ;
Considérant que le fait que la société ait exercé son activité avant d'obtenir l'autorisation administrative requise n'est pas, en lui même, de nature à empêcher le préfet de procéder aux vérifications prévues par la loi ;
Considérant que le préfet ne tient pas, de la loi du 12 juillet 1983, le pouvoir de refuser à une société de gardiennage l'autorisation administrative de fonctionner pour un motif autre que celui tiré de la vérification des conditions posées par les articles 5 et 6 ; qu'ainsi le motif énoncé à l'appui de la décision de refus opposée à la société CORSICA GARDIENNAGE le 20 février 1997 et tiré du fait que la société ayant fonctionné sans autorisation préalable et ayant affiché de la publicité sur ses activités "avait un comportement visant à s'affranchir des règles de droit en vigueur" ne pouvait légalement fonder ladite décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CORSICA GARDIENNAGE est fondée à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité et que c'est à tort que le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa requête tendant à son annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la société CORSICA GARDIENNAGE les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-2 du du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, 2ème alinéa :
Considérant qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article L.8-2 du du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public doit à nouveau prendre une décision après une nouvelle instruction, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit par le même jugement ou le même arrêt que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé." ;
Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui a annulé l'arrêté préfectoral du 20 février 1997 rejetant la demande de la SARL CORSICA GARDIENNAGE tendant à la délivrance d'une autorisation de fonctionnement implique que l'administration prenne une décision après une nouvelle instruction ; qu'il y a lieu de prescrire à l'administration d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia en date du 30 avril 1998 et l'arrêté préfectoral en date du 20 février 1997 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la société CORSICA GARDIENNAGE tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 3 : Il est enjoint à l'administration de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CORSICA GARDIENNAGE SERVICES et au MINISTRE DE L'INTERIEUR. Copie pour son information en sera adressée au préfet de Haute-Corse.