La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2025 | FRANCE | N°24LY02868

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, Juge des référés, 06 février 2025, 24LY02868


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C..., représentée par Me Demoustier, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise confiée à un spécialiste en oncologie aux fins de se prononcer sur la qualité de sa prise en charge au centre hospitalier de Brioude, le 30 juin 2022, et d'évaluer ses préjudices, d'autre part, sur le fondement de l'article R.

541-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier de Brioude à lu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C..., représentée par Me Demoustier, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise confiée à un spécialiste en oncologie aux fins de se prononcer sur la qualité de sa prise en charge au centre hospitalier de Brioude, le 30 juin 2022, et d'évaluer ses préjudices, d'autre part, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier de Brioude à lui verser une provision de 12 000 euros, à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, et, enfin, de mettre à la charge de ce centre hospitalier les dépens ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2402328 du 30 septembre 2024 la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, juge des référés, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2024, et un mémoire complémentaire, enregistré le 23 octobre 2024, Mme C..., représentée par Me Demoustier, demande au juge des référés de la cour de faire droit aux conclusions de sa demande d'expertise et de provision et de mettre à la charge du centre hospitalier de Brioude une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance du 30 septembre 2024, refusant d'ordonner une nouvelle expertise et de lui accorder une provision, présente une irrégularité de forme, comme le non respect du principe du contradictoire ou le soulèvement d'office d'un moyen d'ordre public non soumis à la discussion des parties ;

- le moyen tiré de la faute du centre hospitalier de Brioude a été rejeté à tort ;

- il existe un doute sur l'origine de la paralysie de sa main gauche, le docteur A..., expert judiciaire désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand par une ordonnance du 9 février 2024, et le docteur B..., son médecin oncologue, ayant des expertises opposées ;

- l'obligation d'indemniser n'étant pas sérieusement contestable, il y a lieu de réformer l'ordonnance attaquée et de lui accorder une provision de 12 000 euros.

La requête et le mémoire complémentaire ont été communiqués au centre hospitalier de Brioude et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Par décision du 2 septembre 2024, le président de la cour a désigné M. François Pourny, président de chambre, comme juge des référés.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C..., née le 26 décembre 1960, a bénéficié en 2017 d'une prise en charge, par chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie, pour le traitement d'une néoplasie mammaire. Présentant en juin 2022 des douleurs et fourmillements à la main gauche, elle a consulté un praticien du centre hospitalier de Brioude qui l'a opérée du canal carpien et d'un kyste à la main gauche le 30 juin 2022. A la suite de cette opération, elle a présenté une importante raideur de la main et a développé un syndrome algo-neuro-dystrophique conduisant à un déficit moteur complet de son membre supérieur gauche avec amyotrophie. Elle a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'ordonner une expertise concernant les conditions de sa prise en charge au centre hospitalier de Brioude le 30 juin 2022 et l'évaluation de ses préjudices. La présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, juge des référés, a confié cette expertise au docteur A... par une ordonnance n° 2400043 du 9 février 2024. Cet expert a conclu que Mme C... a bénéficié d'une prise en charge conforme aux données de la science en juin 2022, l'évolution défavorable de son état clinique étant exclusivement imputable à une reprise évolutive de sa pathologie mammaire indépendante de l'intervention chirurgicale du 30 juin 2022. Contestant les conclusions de cet expert, Mme C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand une nouvelle expertise, ainsi que la condamnation du centre hospitalier de Brioude au versement d'une provision, mais la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, juge des référés, a rejeté sa demande, par une ordonnance n° 2402328 du 30 septembre 2024 dont Mme C... interjette appel.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Si l'article R. 532-2 du code de justice administrative, concernant les requêtes présentées au juge des référés tendant à la prescription d'une mesure d'expertise ou d'instruction, et l'article R. 541-2 du même code, concernant les requêtes présentées au juge des référés tendant au versement d'une provision, disposent que " notification de la requête présentée au juge des référés est immédiatement faite au défendeur éventuel, avec fixation d'un délai de réponse ", l'article R. 611-8 du même code dispose : " Lorsqu'il apparaît au vu de la requête que la solution de l'affaire est d'ores et déjà certaine, le président du tribunal administratif ou le président de la formation de jugement ou, à la cour administrative d'appel, le président de la chambre ou, au Conseil d'Etat, le président de la chambre peut décider qu'il n'y a pas lieu à instruction. ".

3. Mme C... soutient, dans sa requête comme dans son mémoire ampliatif, qu' " Il sera démontré dans ce mémoire que le jugement attaqué encourt l'annulation en raison notamment d'une irrégularité de forme (par exemple, non respect du principe du contradictoire lors de la communication des mémoires, moyen d'ordre public soulevé d'office par le tribunal sans être soumis à la discussion des parties) ", toutefois, il résulte de l'instruction que la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative avant de rejeter la demande de Mme C..., sans communiquer cette demande ni soulever un moyen d'ordre public, la solution de l'affaire étant d'ores et déjà certaine au vu des pièces du dossier de première instance. Ce moyen doit par suite être écarté.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

4. Pour rejeter la demande de Mme C..., la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu que cette demande tendait, d'une part, à ce qu'une expertise soit ordonnée pour discuter les conclusions du rapport de l'expert précédemment désigné par l'ordonnance n° 2400043 du 9 février 2024, cette nouvelle expertise ne présentant pas de caractère utile au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, et, d'autre part, à l'octroi d'une provision, sur le fondement de l'article R. 541-1 du même code, en retenant que cette demande de provision aurait dû être présentée par une requête distincte.

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre de l'article R. 532-1 du code de justice administrative :

5. Selon le premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Il ressort de ces dispositions que l'octroi d'une mesure d'expertise est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal apprécié en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens, de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande d'expertise, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée.

6. Mme C... soutient qu'une mesure d'expertise serait utile dès lors que son oncologue, le docteur B..., ne partage pas les conclusions du docteur A..., expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, concernant les causes de la paralysie de la main gauche dont elle souffre. Toutefois, il résulte de l'instruction que le docteur A... a déjà répondu de manière circonstanciée par une lettre du 22 mai 2024 adressée à l'avocate de Mme C... aux observations du docteur B..., et Mme C..., qui n'apporte aucun élément nouveau, ne se prévaut d'aucune circonstance particulière conférant à la mesure qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner un caractère d'utilité différent de celui de la mesure que le juge du fond, s'il est saisi d'une demande indemnitaire, pourra décider, le cas échéant, dans l'exercice de ses pouvoirs de direction de l'instruction. Dans ces conditions, l'expertise demandée ne présente manifestement pas un intérêt suffisant pour être ordonnée sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'expertise.

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre de l'article R. 541-1 du code de justice administrative :

8. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés, qui ne peut trancher de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi, de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

9. Il résulte clairement de l'expertise médicale du docteur A... que les troubles dont souffre Mme C... ne sont pas liés à sa prise en charge au centre hospitalier de Brioude et que cette prise en charge a été conforme aux données de la science, aucune faute n'étant retenue à l'encontre de ce centre hospitalier. Dans ces conditions, la créance de Mme C... ne peut manifestement pas être regardée comme étant non sérieusement contestable.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre du rejet par l'ordonnance qu'elle conteste de ses conclusions tendant à l'octroi d'une provision.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Brioude, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme C... quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D... C..., au centre hospitalier de Brioude et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Fait à Lyon, le 6 février 2025.

Le président de la 6ème chambre,

Juge des référés

François Pourny

La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24LY02868
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-011 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé tendant au prononcé d'une mesure d'expertise ou d'instruction.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL CODEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;24ly02868 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award