Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... D... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 par lequel le maire de la commune de Saint-André-de-Cruzières (07460) a délivré à l'Office public de l'habitat (OPH) Ardèche-Habitat un permis de construire pour l'édification d'un ensemble immobilier de dix logements sur un terrain situé chemin de l'Huile de Cade, ensemble la décision du 25 mai 2021 de rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2106248 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur requête.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er août 2022, 9 janvier 2023 et 12 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... D... et M. C... A..., représentés par la SAS Huglo Lepage Avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 par lequel le maire de la commune de Saint-André-de-Cruzières (07460) a délivré à l'Office public de l'habitat (OPH) Ardèche-Habitat un permis de construire pour l'édification d'un ensemble immobilier de dix logements, ensemble la décision du 25 mai 2021 de rejet de leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-André-de-Cruzières et de l'OPH Ardèche-Habitat le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé et n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme relatives au traitement des espaces libres, notamment des plantations à conserver ou à créer ;
- la notice du projet architectural ne donne pas d'indications précises sur l'état initial du terrain et de ses abords, s'agissant de la végétation et des éléments paysagers existants sur le site et n'indiquent pas ce qui est modifié ou supprimé, en méconnaissance des dispositions du e) de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;
- le dossier de demande de permis de construire ne mentionne pas le chemin pédestre et la zone Natura 2000 présents à proximité et ne mentionne pas la présence de zones agricoles ;
- les photographies produites en noir et blanc ne permettent pas d'apprécier l'insertion du projet de construction, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ; l'importance du projet et son implantation dans un environnement naturel imposaient la réalisation de plusieurs vues d'insertion ;
- le projet contesté est de nature à affecter de manière significative la zone Natura 2000 " Marais des Agusas, montagnes de la Serre et d'Uzègues " située à proximité immédiate, et l'administration aurait dû en être informée ;
- le projet emporte une urbanisation déraisonnée du territoire en méconnaissance de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme ;
- le projet est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il n'est assorti d'aucune prescription au titre de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme et du principe de précaution de l'article 5 de la Charte de l'environnement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 novembre 2022 et 15 février 2023, la commune de Saint-André-de-Cruzières et l'OPH Ardèche-Habitat, représentés par la SELARL Cabinet Champauzac, concluent au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au prononcé d'un sursis à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, avec un délai de six mois, en vue de la régularisation du permis de construire litigieux, et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 3 000 euros à la commune de Saint-André-de-Cruzières et de la somme de 3 000 euros à Ardèche-Habitat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- à titre principal, les requérants ne disposent pas d'un intérêt pour agir à l'encontre du projet en litige ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement ;
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,
- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,
- les observations de Me Begel, substituant Me Lepage pour M. D... et M. A..., et de Me Brahimi, substituant Me Champauzac, pour la commune de Saint-André-de-Cruzières et l'OPH Ardèche-Habitat.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 27 janvier 2021, le maire de Saint-André-de-Cruzières a délivré à l'OPH Ardèche-Habitat un permis de construire en vue de l'édification de dix logements locatifs sociaux pour une surface de plancher créée de 701 m², sur une parcelle d'une superficie de 2 350 m², cadastrée section C n° ... et située ... chemin de l'Huile de Cade, au lieu-dit Le Clos de Baron. MM. D... et A... relèvent appel du jugement du 2 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur requête tendant à l'annulation de ce permis de construire et de la décision du 25 mai 2021 rejetant leur recours gracieux.
Sur la recevabilité de demande de M. D... et M. A... :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
4. Le propriétaire d'un terrain non construit est recevable, quand bien même il ne l'occuperait ni ne l'exploiterait, à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager si, au vu des éléments versés au dossier, il apparait que la construction projetée est, eu égard à ses caractéristiques et à la configuration des lieux en cause, de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien.
5. M. A..., viticulteur, exploite une parcelle située à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet en litige, dont il n'est séparé que par la voie communale n° 9 " chemin de l'huile de Cade ", et sa maison d'habitation se situe elle-même à moins de 150 mètres de ce même terrain d'assiette. Compte tenu de l'importance de ce projet, qui porte sur la construction d'un ensemble de dix logements, dans un environnement très peu construit et dépourvu de dénivelé important, le permis en litige aura un impact visuel significatif, induira une modification des conditions de circulation et emportera au demeurant également, nécessairement, des inconvénients pour la culture de la parcelle de l'intéressé. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée du défaut d'intérêt à agir de M. A... contre le permis de construire en litige doit être écartée.
6. Toutefois, s'agissant de M. D..., viticulteur qui soutient exploiter des parcelles situées à plus de 100 mètres du projet en litige, il ne ressort pas des pièces du dossier, en tout état de cause, que le projet précité emporterait, compte tenu de son éloignement avec les cultures de l'intéressé, une atteinte aux conditions de jouissance de son bien. La fin de non-recevoir opposée en défense à ce titre doit, dès lors, être accueillie.
Sur la légalité du permis de construire délivré :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant :/1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; /2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : /(...)/e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; /(...) ".
8. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
9. La notice du dossier de demande de permis de construire précise que le terrain d'assiette du projet se situe en bordure du chemin de l'huile de cade (voie communale n° 9), a une forte déclivité vers le Nord et supporte une végétation composée d'arbres et d'arbustes méditerranéens. Elle ne donne toutefois aucune indication sur les arbres présents sur le terrain, la seule photographie du terrain étant insuffisante à cet égard, ni ne précise si le projet prévoit de maintenir, supprimer voire de créer des plantations, le plan de masse représentant graphiquement quelques arbres sans comporter de légende particulière, ne précisant notamment pas s'il s'agit de plantations maintenues ou créées ni leur espèce. La notice se borne quant à elle, s'agissant des espaces verts, à relever que " Les espèces végétales employées pour aménager les espaces verts sont d'essences locales. Le principe général étant d'assurer une continuité du paysage dans les aménagements extérieurs. (...). Les végétaux sont adaptés au climat méditerranéen et aux particularités du site, et pourront supporter une période de sécheresse sans arrosage important. Les arbres à feuilles caduques de façon à jouer un rôle de régulateur thermique sur les bâtiments à générer un microclimat propice au confort humain ". Aucune autre pièce du dossier ne permet de combler l'insuffisance des indications exigées à cet égard par les dispositions précitées. Compte tenu de ces circonstances, et alors que le projet en litige se trouve dans une zone entièrement végétalisée et à forte proximité d'une zone Natura 2000, laquelle n'est au demeurant pas davantage mentionnée dans le dossier de demande de permis de construire, M. A... est fondé à soutenir que le dossier de demande de permis de construire méconnaît les dispositions précitées de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme.
10. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination :/ 1° A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés ;/(...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier, et, en particulier des vues aériennes, que le secteur où se trouve le terrain d'assiette du projet en litige est éloigné de l'urbanisation la plus proche, constituée par les hameaux de Chazelles et du Mas de la Lauze. S'agissant de son environnement immédiat, ce même terrain, vierge de toute construction, est situé au sein d'un espace naturel et agricole préservé, dans un secteur ne supportant que quelques maisons individuelles éparses, dont la plus proche est située à 150 mètres, sans que la circonstance qu'un permis d'aménager délivré en 2017 et modifié en 2021 sur un tènement situé au sud n'emporte une urbanisation du secteur au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, le projet est situé en dehors des parties urbanisées de la commune.
12. Ce projet, situé en dehors des parties urbanisées de la commune ainsi qu'il a été dit au point 11 et dans un secteur majoritairement dédié à l'agriculture, porte sur la création de dix logements. Il est ainsi de nature à favoriser une urbanisation dispersée, incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, alors même que la commune de Saint-André-de-Cruzières a voté, dans le cadre de la création à proximité d'un lotissement communal, une extension du réseau EDF par délibération du 4 décembre 2019. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que le permis de construire en litige du 27 janvier 2021 méconnaît les dispositions du 1° de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme.
13. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté du 27 janvier 2021 n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder son annulation.
14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait droit à sa demande.
Sur la mise en œuvre des dispositions de L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
15. Compte tenu du vice retenu par le point 13 du présent arrêt, tenant à ce que le projet, situé en dehors des parties urbanisées de la commune, favorise une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, aucune mesure de régularisation au titre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ne peut être envisagée. Les conclusions présentées, à titre subsidiaire, par la commune de Saint-André-de-Cruzières et l'OPH Ardèche-Habitat, tendant à la mise en œuvre de ces dispositions, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge solidaire de la commune de Saint-André-de-Cruzières et de l'OPH Ardèche-Habitat le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Saint-André-de-Cruzières et l'OPH Ardèche-Habitat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée, en tant qu'elle est présentée par M. D....
Article 2 : Le permis de construire du 27 janvier 2021 délivré par le maire de Saint-André-de-Cruzières à l'Office public de l'habitat (OPH) Ardèche-Habitat, ensemble la décision du 25 mai 2021 de rejet du recours gracieux présenté par M. A..., sont annulés.
Article 3 : Le jugement n° 2106248 du 2 juin 2022 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : La commune de Saint-André-de-Cruzières et l'OPH Ardèche-Habitat verseront, solidairement, à M. A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et M. C... A..., à la commune de Saint-André- de-Cruzières et à l'OPH Ardèche-Habitat.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
La rapporteure,
C. BurnichonLa présidente,
M. E...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY02484 2