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06/07/2023 | FRANCE | N°22LY03678

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 juillet 2023, 22LY03678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 26 février 2021 par laquelle l'inspecteur du travail du Rhône a retiré la décision implicite de rejet née le 28 octobre 2020 et accordé l'autorisation de la licencier pour inaptitude, ainsi que la décision implicite du 28 août 2021 de rejet de son recours hiérarchique contre cette décision et la décision du 8 novembre 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a confirmé la décision de l'insp

ecteur du travail.

Par un jugement n° 2108498 du 3 novembre 2022, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 26 février 2021 par laquelle l'inspecteur du travail du Rhône a retiré la décision implicite de rejet née le 28 octobre 2020 et accordé l'autorisation de la licencier pour inaptitude, ainsi que la décision implicite du 28 août 2021 de rejet de son recours hiérarchique contre cette décision et la décision du 8 novembre 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a confirmé la décision de l'inspecteur du travail.

Par un jugement n° 2108498 du 3 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2022, Mme B... représentée par Me Di Nicola demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions susmentionnées ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société But international ne peut bénéficier de la présomption établie par l'article L. 1226-12 du code du travail au seul motif qu'elle a proposé des postes de reclassement alors qu'elle n'établit pas l'impossibilité de reclassement et que de nombreux postes ne lui ont pas été proposés ;

- la société But international n'ayant pas étendu ses recherches de reclassement à l'ensemble des magasins franchisés, et aux postes de vendeurs, l'impossibilité de reclassement n'est pas démontrée.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 28 février 2023, la société But international représentée par Me Fregard conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 29 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Detry, substituant Me Di Nicola, pour Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., membre suppléant du comité social économique, titulaire d'un contrat à durée indéterminée avec la société But international depuis le 2 novembre 2017, en qualité de cariste a fait l'objet le 25 août 2020, d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude de la part de son employeur. Par une décision du 26 février 2021, l'inspecteur du travail du Rhône (Direccte) a retiré la décision implicite de rejet née le 28 octobre 2020 et accordé l'autorisation sollicitée. Par décision du 8 novembre 2021, la ministre du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail et le rejet implicite du recours hiérarchique de Mme B..., qui relève appel du jugement qui a rejeté ses demandes d'annulation des décisions précitées.

2. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel./ Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail./ Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. " Aux termes de l'article R. 4624-29 du code du travail : " En vue de favoriser le maintien dans l'emploi des travailleurs en arrêt de travail d'une durée de plus de trois mois, une visite de pré-reprise est organisée par le médecin du travail à l'initiative du médecin traitant, du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou du travailleur. " Aux termes de l'article R. 4624-30 du même code : " Au cours de l'examen de pré-reprise, le médecin du travail peut recommander : / 1° Des aménagements et adaptations du poste de travail ; / 2° Des préconisations de reclassement ; / 3° Des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du travailleur ou sa réorientation professionnelle. (...) pour l'obligation de formation / Il informe, sauf si le travailleur s'y oppose, l'employeur et le médecin conseil de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le maintien dans l'emploi du travailleur. " Enfin, aux termes de l'article R. 4624-32 du même code : " L'examen de reprise a pour objet : / 1° De vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé ; / 2° D'examiner les propositions d'aménagement ou d'adaptation du poste repris par le travailleur ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises le cas échéant par le médecin du travail lors de la visite de pré-reprise ; / 3° De préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du travailleur ; / 4° D'émettre, le cas échéant, un avis d'inaptitude. "

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si l'inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé et si, dans l'affirmative, l'employeur a cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise ou au sein du groupe, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. La circonstance que l'avis du médecin du travail déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter le groupe auquel il appartient, le cas échéant, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient.

4. Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige portant sur la légalité de la décision par laquelle l'autorité administrative a autorisé le licenciement d'un salarié protégé pour inaptitude physique et qu'il se prononce sur le moyen tiré de ce que l'administration a inexactement apprécié le sérieux des recherches de reclassement réalisées par l'employeur, il lui appartient de contrôler le bien-fondé de cette appréciation.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été déclarée définitivement inapte à son poste de travail de cariste par le médecin du travail par avis du 17 juin 2020 après visite médicale qui s'est tenue le même jour et qui précise " un reclassement est possible sur un poste sans manutention, sans conduite de chariot automoteur ". Par lettres des 3 juillet 2020 et 17 juillet 2020, la société But international a proposé à Mme B... dix-sept postes d'hôtes de caisse dont cinq postes en contrat à durée indéterminée et douze en contrat à durée déterminée. Il est constant que ces offres étaient précises et correspondaient aux qualifications de la salariée. L'intéressée a refusé l'ensemble de ces postes. Ni leur localisation géographique, ni le fait que plusieurs d'entre eux portaient sur des durées courtes avec des temps partiels ne faisaient obstacle à ce que ces propositions soient qualifiées de sérieuses. La société But international, qui n'était pas tenue de proposer l'ensemble des offres dans des sociétés du groupe, et qui a recherché des postes à offrir au reclassement au sein du groupe et effectué plusieurs propositions écrites, précises et sérieuses auxquelles la salariée n'a pas répondu favorablement, sans en contester le caractère sérieux et adapté à ses compétences, justifie de la réalité et du caractère suffisant de ses recherches, en dépit de la circonstance, à la supposer établie, que d'autres postes correspondant à ses aptitudes auraient été vacants au sein du groupe sans lui avoir été proposés.

6. En deuxième lieu, si la requérante soutient que son reclassement aurait dû être recherché dans les magasins franchisés, il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence de liens capitalistiques entre d'autres sociétés également liées par un contrat de franchise pour l'exploitation de commerces sous l'enseigne But, qui appartiennent à des groupes totalement indépendants du franchiseur, et la société But international, qu'il aurait été possible d'envisager d'y reclasser des salariés. En outre, la société But international n'avait pas à étendre sa recherche aux offres de poste de la société Conforama, dont elle n'avait pas encore réalisé l'acquisition à la date de la décision attaquée.

7. Enfin, si Mme B... fait valoir que des postes de vendeurs auraient dû lui être proposés dès lors qu'ils répondaient, selon elle, aux conditions posées par le médecin du travail, de tels postes nécessitent un profil de commercial nécessitant des connaissances approfondies en matière de vente, dont Mme B... n'établit pas disposer, sans que l'obligation de formation à la charge de l'employeur puisse y remédier.

8. Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que la société But international n'aurait pas cherché sérieusement à reclasser Mme B..., ainsi que l'a considéré à bon droit l'inspecteur du travail dans sa décision du 26 février 2021 et la ministre du travail dans sa décision du 8 novembre 2021. L'employeur doit être regardé comme ayant, à la date de la décision de l'inspecteur du travail confirmée par la ministre du travail, procédé à une recherche sérieuse et loyale des possibilités de reclassement de Mme B..., tant au sein de la société But international que dans les autres sociétés du groupe auquel elle appartient. Par suite, l'inspecteur du travail et la ministre du travail n'ont pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'employeur avait respecté l'obligation de reclassement à laquelle il est tenu. Dès lors, le moyen tiré de ce que ces derniers auraient méconnu l'étendue de leur contrôle doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'État une somme au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre des frais exposés par la société But international.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société But international au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la société But international.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Seillet

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY03678 2

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03678
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : FIDAL NANTES SELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-06;22ly03678 ?
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