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06/07/2023 | FRANCE | N°22LY03621

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 juillet 2023, 22LY03621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 21 décembre 2020 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, après avoir retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 24 octobre 2020, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 16 mai 2020 ayant refusé d'autoriser la société Debonix à la licencier et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2101131 du 14 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa dem

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Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 déce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 21 décembre 2020 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, après avoir retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 24 octobre 2020, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 16 mai 2020 ayant refusé d'autoriser la société Debonix à la licencier et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2101131 du 14 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 décembre 2022 et le 14 février 2023, Mme B... représentée par Me Novalic demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ;

- l'employeur a manqué à son obligation de loyauté dans la mesure où de nombreux postes qu'elle aurait pu accepter étaient disponibles au cours de l'année 2020 mais ne lui ont pas été proposés.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2023, la société Debonix, représentée par Me Chavrier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 30 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Novalic, pour Mme B..., ainsi que celles de Me Genevois pour la société Debonix ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... travaillait pour la société Debonix, depuis le 2 mai 2017, en qualité d'acheteuse et détenait un mandat de membre titulaire du premier collège du comité social et économique (CSE) de la société Debonix. Suite à la cessation de son activité le 1er octobre 2019, la société Debonix a demandé à deux reprises à l'inspection du travail l'autorisation de licencier Mme B.... Par une décision du 16 mai 2020, l'inspecteur du travail de l'unité départementale de la Haute-Savoie a refusé l'autorisation de la licencier. Par une décision du 21 décembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la société, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 16 mai 2020 et a autorisé le licenciement de Mme B..., qui relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation (...) ". Aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. " En l'espèce, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la décision du 21 décembre 2020 du ministre du travail portant autorisation de licenciement vise l'article L. 2411-5 du code du travail qui impose d'obtenir l'autorisation de l'inspecteur du travail avant de procéder au licenciement d'un salarié possédant un mandat, ainsi que celles explicitant les étapes de la procédure à suivre. La décision en litige fait apparaitre le fondement économique de la demande de licenciement, ainsi que les conditions de reclassement qui ont été proposées à l'intéressée. En effet la décision précise notamment que l'entreprise a diffusé des listes d'emplois disponibles (puis lui a notamment proposé des postes en juillet 2020). Elle détaille par ailleurs les éléments d'appréciation sur lesquels le ministre du travail a fait porter son contrôle, premièrement s'agissant de la réalité du motif économique et de la réalité de la suppression du poste de la requérante en tant que résultante de ce motif économique, deuxièmement s'agissant de l'effort de reclassement et enfin, s'agissant de l'absence de lien avec le mandat. En conséquence, la décision contestée, qui est dépourvue de toute ambiguïté sur les considérations de droit l'ayant fondée, comporte l'ensemble des éléments utiles pour permettre sa contestation. Si Mme B... soutient que le ministre du travail n'a pas répondu à ses griefs portant sur sa possible candidature à des emplois figurant sur la liste d'emploi disponible, et sur les propositions tardives de l'employeur pour lesquelles elle n'aurait pas été entendue, sa contestation se rattache au bien-fondé de la mesure de licenciement dont elle fait l'objet et non à sa régularité formelle. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse doit être écarté.

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'administration. Saisi ainsi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, l'inspecteur du travail et, le cas échéant le ministre compétent, doit notamment vérifier la régularité de ce licenciement au regard de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé.

4. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Au titre de son obligation de reclassement, l'employeur doit s'efforcer de proposer au salarié des offres de reclassement écrites, précises et personnalisées, portant, si possible, sur un emploi équivalent.

5. L'article L. 1233-4 du code du travail prévoit : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " L'article D. 1233-2-1 du même code précise " I. - Pour l'application de l'article L. 1233-4, l'employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l'actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine. II. - Ces offres écrites précisent : a) L'intitulé du poste et son descriptif ; b) Le nom de l'employeur ; c) La nature du contrat de travail ; d) La localisation du poste e) Le niveau de rémunération ; f) La classification du poste. III. - En cas de diffusion d'une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend les postes disponibles situés sur le territoire national dans l'entreprise et les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. La liste précise les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite. Ce délai ne peut être inférieur à quinze jours francs à compter de la publication de la liste, sauf lorsque l'entreprise fait l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire. Dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours francs à compter de la publication de la liste. L'absence de candidature écrite du salarié à l'issue du délai mentionné au deuxième alinéa vaut refus des offres. "

6. La société Debonix a fait parvenir à Mme B... des listes de postes disponible entre le 29 juillet 2019 et le 8 janvier 2020. Le périmètre de recherche de reclassement s'est étendu au groupe Descours et Cabaud auquel appartient la société Debonix. Ainsi qu'il ressort de la note économique relative au projet de cessation définitive d'activité de la société Debonix, un site Internet recensait les postes disponibles, précisait les fonctions et les localisations géographiques des postes. Pour chaque poste figurant sur les listes diffusées aux salariés et mises à jour, figuraient les mentions suivantes : famille métiers, libellé du poste, type de contrat, salaire de base (ETP), date de création, catégorie, société, ville, RH (identité du responsable des ressources humaines). Si l'offre doit comporter la localisation du poste et le niveau de rémunération, il n'est pas exigé qu'elle comporte l'adresse précise de l'entreprise mais seulement un secteur géographique permettant au salarié de s'assurer que ce lieu est compatible avec ses éventuels souhaits de mobilité et, de même, la mention d'un niveau de rémunération est suffisante, l'offre n'ayant pas à comporter l'ensemble des modalités de rémunération dans le détail. Dans ces conditions, et alors que les salariés destinataires des listes étaient invités, lors de chaque diffusion, par courriel, à s'adresser à l'expéditeur si un poste les intéressait, pour organiser un premier échange avec la direction de la filiale en local, le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnait les articles L. 1233-4 et D. 1233-2-1 du code du travail en l'absence de précision suffisante sur les postes présentés dans la liste de poste disponible est écarté.

7. Par ailleurs, si elle soutient que l'actualisation de cette liste ne lui a pas été communiquée après le 8 janvier 2020, cette liste était mise à jour sur le site Internet auquel elle avait accès ainsi qu'il a été dit.

8. Si Mme B... se prévaut en appel de postes qui auraient été disponibles au sein du groupe Descours et Cabaud qui ne lui auraient pas été proposés, postes situés à - L'Isle sur la sorgue, Labège, Mulhouse, Louvres, Vénissieux, poste de commercial sédentaire en fournitures industrielles ; commercial sédentaire en chauffage, sanitaire, plomberie ; commercial itinérant en chauffage, sanitaire, plomberie ; commercial itinérant ;commercial sédentaire clientèle industrie grands comptes, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces emplois étaient équivalents à celui qu'elle occupait précédemment, assortis d'une rémunération de même niveau, ni qu'ils correspondaient aux vœux de mobilité géographique exprimés par elle le 3 septembre 2019 et qu'elle n'établit pas avoir modifiés ultérieurement formellement, bien qu'elle ait postulé spontanément sur un poste situé à 150 kilomètres de chez elle. Ainsi, il n'est pas établi, par la requérante, que des emplois qui auraient pu lui correspondre auraient été vacants au sein de l'entreprise ou du groupe.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la diffusion des listes de poste disponibles, Mme B... a spontanément candidaté sur un poste de commercial sédentaire au sein de l'entreprise SMG, le 8 août 2019. Toutefois elle a fait savoir, le 27 septembre 2019, qu'elle ne souhaitait plus occuper ce poste compte tenu de la rémunération proposée ainsi que l'atteste le manager de l'entreprise SMG. La seule circonstance que la société, qui n'était pas tenue de lui proposer tous les postes disponibles, ne lui a pas proposé ce poste n'est pas de nature à démontrer que la société n'aurait pas rempli son obligation de proposer des offres de reclassement.

10. La requérante soutient que l'invitation à postuler sur le poste d'acheteur le 17 janvier 2020 était déloyale dès lors qu'il lui aurait été précisé que finalement elle n'avait pas le profil pour le poste. Toutefois il s'agissait d'une proposition sérieuse de reclassement, alors que l'entreprise était tenue de lui proposer des postes, étant soumise à une obligation de moyens en termes de reclassement et non à une obligation de résultat. Par suite ce moyen tiré de la déloyauté d'une offre de reclassement doit être écarté.

11. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision.

12. La ministre du travail a pris en considération les listes d'offres disponibles diffusées à partir du 29 juillet 2019, et a régulièrement apprécié si l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement après que l'inspecteur du travail eut rendu sa décision de rejet le 16 mai 2020, dès lors qu'elle procédait à l'annulation de cette décision de l'inspecteur du travail, et alors qu'il lui appartenait ainsi d'apprécier les recherches de reclassement effectuées par l'employeur jusqu'à la date de sa propre décision prise le 21 décembre 2020. Par suite, la ministre du travail pouvait sans erreur de droit retenir les offres formulées les 9 et 10 juillet 2020. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'interdisait à l'employeur de Mme B... de lui adresser une proposition de reclassement alors même que l'inspecteur du travail avait déjà statué sur la demande d'autorisation de licenciement le 16 mai 2020 et que le ministre était saisi d'un recours hiérarchique contre cette décision de l'inspecteur du travail.

13. La société Debonix a proposé à la requérante des offres de reclassement, le 9 juillet 2020 puis le 10 juillet 2020, offres qu'elle a refusées le 3 août 2020, le poste de gestionnaire tarif en raison du caractère limité de la durée du contrat et le poste de gestionnaire approvisionnement au motif qu'elle souhaitait connaître les possibilités de négociation concernant sa rémunération alors que l'offre précisait qu'un collaborateur intéressé pouvait bénéficier d'un entretien de positionnement avec le responsable du site d'accueil. Enfin, le 28 octobre 2020, la société Debonix lui a de nouveau proposé un poste au sein de la société Sogedesca en qualité d'approvisionneur, offre à laquelle elle n'a pas donné suite. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la ministre du travail n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en estimant, dans ces conditions, que la société Debonix avait satisfait à son obligation légale de recherche de reclassement.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête dans toutes ses conclusions doit être rejetée.

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre des frais exposés à l'occasion du présent litige par la société Debonix.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Debonix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la société Debonix.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Seillet

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY03621 2

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03621
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : FROMONT BRIENS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-06;22ly03621 ?
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