Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 22 mai 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Loisirs et Voyages (groupe Kéolis) à le licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par un jugement n° 1902204 du 20 septembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 novembre 2022 et le 16 janvier 2023, M. C... représenté par Me Borie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision contestée ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure spécifique en cas de licenciement pour inaptitude d'un salarié et la procédure de licenciement d'un salarié protégé n'ont pas été respectées par l'employeur ; en l'absence de prise en compte de ces irrégularités, la décision de l'inspectrice du travail est illégale ;
- les efforts de reclassement n'ont pas présenté un caractère réel et sérieux ; l'appréciation de l'inspectrice du travail selon laquelle l'employeur aurait satisfait à son obligation de recherche de reclassement est erronée.
Par un mémoire enregistré le 3 janvier 2023, la société Loisirs et Voyages représentée par Me Barthelemy conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
La requête de M. C... a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 22 novembre 2022 la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations Me Puso, substituant Me Barthelemy, pour la société Loisirs et Voyages ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né en 1952, qui avait été recruté en 1976 par la société Auvergne Autocars, a vu son contrat de travail transféré à la société Loisirs et Voyages (groupe Kéolis) depuis le 21 décembre 2016. M. C... exerce les fonctions de conducteur receveur et détient les mandats extérieurs de conseiller prud'hommes pour le mandat prud'homal 2018-2021 et de défenseur syndical de la région Auvergne Rhône-Alpes, en vertu d'un arrêté préfectoral du 5 août 2016. A la date du 18 juin 2019, fixée pour l'entretien préalable, l'intéressé était délégué syndical au sein de la société, désigné par une lettre du 1er juin 2017, puis désigné de nouveau le 24 juin 2019. Placé en arrêt de travail ininterrompu, pour maladie professionnelle, depuis le 10 août 2016, il a été déclaré inapte à ses fonctions par le médecin du travail le 22 mars 2019. M. C... relève appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 septembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
2. Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
Sur la procédure de consultation des instances représentatives du personnel :
En ce qui concerne la consultation sur la recherche de reclassement suite à l'avis d'inaptitude :
3. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ".
4. M. C... conteste tout d'abord la régularité de la procédure de consultation des délégués du personnel en qualité de membre de la délégation unique du personnel au titre de la recherche de reclassement suite à l'avis d'inaptitude. D'une part le requérant invoque le fait qu'ils n'auraient pas été convoqués dans le délai prévu par le règlement intérieur de cette délégation unique du personnel. Toutefois aucun délai de convocation des délégués du personnel ou du comité d'entreprise n'a été fixé dans ledit règlement intérieur. Au demeurant entre la date de la réunion des membres de la délégation du personnel, en tant que délégués du personnel, du 29 mai, au cours de laquelle les élus ont décidé du report de celle-ci au 4 juin, report confirmé par courriel du même jour concernant une " réunion CE DP ", et la date du 4 juin, un délai raisonnable leur avait été laissé. D'autre part s'il soutient, en se prévalant au demeurant des règles applicables à la consultation des instances représentatives dans le cadre d'une procédure spécifique de licenciement d'un salarié protégé et non au titre du licenciement d'un salarié pour inaptitude physique, que seuls les titulaires ont été convoqués et non les suppléants pour la nouvelle réunion du 4 juin, il est constant que, dans sa séance du 4 juin 2019, la délégation unique du personnel a émis un avis défavorable au licenciement projeté du requérant. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice qui entacherait la régularité de cette consultation, qui n'a exercé aucune influence sur le sens de l'avis rendu, est inopérant et doit être écarté comme tel.
5. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré l'irrégularité de la procédure en raison de sa non convocation en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise à une réunion des délégués du personnel, par adoption des motifs du tribunal.
En ce qui concerne la consultation sur le projet de licenciement :
6. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. En particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 2421-3 du code du travail que tout licenciement envisagé par l'employeur d'un salarié élu délégué du personnel est obligatoirement soumis à l'avis du conseil social et économique. A cette fin, il appartient à l'employeur de mettre le conseil à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause, sur la procédure dont fait l'objet le salarié protégé, en lui transmettant des informations précises et écrites sur les motifs de celle-ci, ainsi que le prescrivent les dispositions de l'article L. 2323-4 du code du travail. Aux termes de l'article L. 2315-30 du code du travail " L'ordre du jour des réunions du comité social et économique est communiqué par le président aux membres du comité, à l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 ainsi qu'à l'agent des services de prévention des organismes de sécurité sociale trois jours au moins avant la réunion. "
7. Il ressort des pièces du dossier, tout d'abord, que les membres du comité lors de la réunion du 28 juin 2019 au cours de laquelle le projet de licenciement de M. C... a été examiné, ont été convoqués, par remise en main propre de la convocation à cette réunion, le 25 juin 2019, les six membres du comité ayant signé leur convocation remise en main propre, alors que l'ordre du jour de ladite réunion a été adressé par courrier simple à tous les membres suppléants, au nombre desquels figuraient Mme B..., M. D..., ce dernier, non encore désigné par son syndicat à cette date, n'ayant, quant à lui, pas été convié. Cette convocation a été communiquée dans un délai suffisant, conforme à l'article L. 2315-30 du code du travail alors même que l'accord d'entreprise prévoit un délai de cinq jours. Un ordre du jour indiquant expressément le projet de licenciement en litige a été communiqué. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'un procès-verbal de la réunion a bien été rédigé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil n'a pas été à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause.
Sur les efforts de reclassement :
8. Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à, l'article L. 233-1 aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ". Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige portant sur la légalité de la décision par laquelle l'autorité administrative a autorisé le licenciement d'un salarié protégé pour inaptitude physique et qu'il se prononce sur le moyen tiré de ce que l'administration a inexactement apprécié le sérieux des recherches de reclassement réalisées par l'employeur, il lui appartient de contrôler le bien-fondé de cette appréciation.
9. Le médecin du travail, dans son avis du 22 mars 2019, a constaté l'inaptitude totale et définitive du requérant à son poste de conducteur receveur en formulant les recommandations suivantes en vue d'un éventuel reclassement : " : " Inaptitude médicale au poste de conducteur receveur. Contre-indications médicales à la posture assise prolongée au-delà d'une heure, à l'exposition aux vibrations du corps entier, au manutentions de plus de 3 kgs, aux tâches nécessitant une posture en flexion antérieure ou torsion du tronc. Doit pouvoir alterner la station assise-debout. Serait apte à occuper un poste respectant les contre-indications médicales émises. Une seule visite. Conformément à l'article R. 4624-2 du code du travail. " Suite à cet avis, la société était tenue à une obligation de recherche de reclassement. Après avoir constaté l'absence de poste disponible au sein de la société correspondant aux préconisations du médecin et aux qualifications de M. C..., ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que la société Loisirs et Voyages a fait diligence pour rechercher à reclasser son salarié au sein du groupe Kéolis en adressant le 10 avril 2019 à plusieurs dizaines de responsables de ressources humaines des entreprises qui le composent une demande de reclassement mentionnant le profil professionnel de M. C... et les préconisations du médecin du travail, et en relançant les représentants des filiales qui n'avaient pas répondu. M. C... n'est pas fondé à remettre en cause le sérieux de ces recherches de reclassement au motif que la société ne justifierait pas avoir contacté la totalité des entités du groupe et qu'elle n'a laissé que jusqu'au 23 avril 2019 aux responsables des services ressources humaines des différentes filiales pour répondre. Elle a également consulté la fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) afin que celle-ci effectue des recherches de possibilités de reclassement auprès de ses adhérents. Par ailleurs, la seule circonstance que la société ait relancé les filiales du groupe après la notification à l'appelant de l'impossibilité de reclassement n'est pas de nature à mettre en doute le caractère sérieux et loyal des recherches, dès lors que cet état de fait n'a pas privé l'intéressé d'une possibilité de se voir proposer un poste correspondant à ses souhaits, mais démontre que la société tentait toujours de le reclasser avant la fin de la procédure de licenciement.
10. Enfin, si M. C... soutient que divers postes administratifs auraient pu lui être proposés, l'employeur peut tenir compte de la position du salarié pour restreindre le périmètre des recherches de reclassement, et par ailleurs si l'employeur doit assurer l'adaptation du salarié à son poste, il n'est pas tenu de proposer au salarié un poste qui nécessite une formation de base différente de la sienne et relevant d'un autre métier.
11. Il résulte de ce qui précède que l'employeur doit être regardé comme ayant, à la date de la décision de l'inspectrice du travail, procédé à une recherche sérieuse et loyale des possibilités de reclassement de M. C..., tant au sein de la société Loisirs et Voyages que dans les autres sociétés du groupe Kéolis auquel elle appartient. En dépit de la rapidité avec laquelle la société a recherché à reclasser M. C..., l'inspectrice du travail a pu contrôler le périmètre de la recherche de reclassement au niveau des entreprises du groupe dont la société Loisirs et Voyages (groupe Kéolis) fait partie, et plus généralement la procédure de licenciement et le bien-fondé de la demande. Par suite, l'inspectrice du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'employeur avait respecté l'obligation de recherche de reclassement à laquelle il est tenu.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête est rejetée dans toutes ses conclusions.
13. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. C... la somme demandée par la société Loisirs et Voyages au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Loisirs et Voyages présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre du travail et du plein emploi et de l'insertion et à la société Loisirs et Voyages.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
Ph. Seillet
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY03231 2
lc