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06/07/2023 | FRANCE | N°22LY00578

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 juillet 2023, 22LY00578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 21 septembre 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire sans délai et interdisant son retour sur le territoire français pendant une période de douze mois et d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2102089 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procé

dure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 février 2022 et un mémoire enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 21 septembre 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire sans délai et interdisant son retour sur le territoire français pendant une période de douze mois et d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2102089 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 février 2022 et un mémoire enregistré le 14 novembre 2022, présentés pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102089 du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et les décisions susmentionnées ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier à défaut de réponse au moyen tiré de l'illégalité de la décision préfectorale en raison de la production d'une pièce en méconnaissance de l'article R. 166 du code de procédure pénale ;

- la décision de refus de délivrance du titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a justifié remplir les conditions posées par cet article pour se voir délivrer un titre de séjour.

Par des mémoires enregistrés les 4 avril et 18 novembre 2022, le préfet de la Haute-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-641 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Après s'être présenté à l'hôtel de police du Puy-en-Velay le 24 juin 2019, sans documents transfrontaliers, M. A..., ressortissant malien qui affirme être né le 31 décembre 2002 à Kayes au Mali, a sollicité sa prise en charge, en qualité de mineur, par les services sociaux français et, par un jugement du 16 janvier 2020, le juge des enfants du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay l'a confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Haute-Loire pour six mois et une tutelle d'État a été ouverte. Le 14 janvier 2021, M. A... a déposé une demande de titre de séjour en préfecture sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 21 septembre 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire sans délai et interdisant son retour sur le territoire français pendant une période de douze mois.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de sa demande devant le tribunal administratif, dans un mémoire ampliatif enregistré le 5 janvier 2022, M. A... soutenait que la procédure qui avait conduit à l'arrêté litigieux était entachée d'un vice de forme à défaut pour le préfet d'avoir sollicité, conformément aux dispositions de l'article R. 166 du code de procédure pénale, l'autorisation de produire le procès-verbal de son audition par les services de la police aux frontières le 6 juillet 2021, qu'il avait produit en pièce jointe à son mémoire en défense enregistré le 29 décembre 2021, alors qu'il s'agissait d'un acte de procédure qui avait fait l'objet d'un avis de classement sans suite. Toutefois, un tel moyen était inopérant, dès lors, d'abord, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait fondé sur ce procès-verbal pour prendre l'arrêté en litige, ensuite, que les dispositions invoquées du code de procédure pénale concernent, outre les arrêts de la Cour de cassation, les décisions des juridictions de jugement du premier ou du second degré, lorsqu'elles sont définitives et ont été rendues publiquement à la suite d'un débat public, et non les auditions dans le cadre d'une enquête, et, enfin, où le secret de l'instruction, prévu par l'article 11 du même code, qui n'est pas opposable au préfet qui ne concourt pas à la procédure pénale, ne peut faire obstacle au pouvoir et au devoir qu'a le juge administratif de joindre au dossier, sur production spontanée d'une partie, des éléments d'information recueillis dans le cadre d'une procédure pénale et de statuer au vu de ces pièces après en avoir ordonné la communication pour en permettre la discussion contradictoire. En ne répondant pas à ce moyen inopérant, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le fond :

3. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

4. Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code, la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de l'arrêté préfectoral en litige, que, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Loire s'est notamment fondé, outre sur les liens familiaux conservés par l'intéressé dans son pays d'origine, sur la circonstance qu'il ne justifiait pas qu'il était bien mineur lorsqu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance et que l'usage de faux documents ne permettait pas de confirmer son état civil ni, par suite, sa date de naissance. Le préfet a, notamment, pris en compte, sur ce point, des rapports d'analyse documentaire des services de la police aux frontières du 10 octobre 2019 ayant conclu que les actes d'état civil produits par l'intéressé, soit un acte de naissance (volet n° 3) et un jugement supplétif, n'étaient pas conformes, compte tenu de plusieurs irrégularités résultant, en particulier, pour le premier, d'un numéro de feuillet imitant la typographie, de l'absence de nom d'imprimerie officielle, de l'absence de numéro d'identification NINA, du formalisme de la date de délivrance et de l'incompétence du premier adjoint au maire pour les actes d'état civil établis par un centre principal. Cette autorité a également pris en compte un autre rapport d'analyse documentaire des services de la police aux frontières du 17 mai 2021 ayant conclu au caractère de document contrefait de l'acte de naissance (volet n° 3), eu égard aux nouvelles irrégularités constatées, résultant de relevés des côtes non conformes, d'une transcription d'un jugement supplétif au verso non réalisée, de la présence d'abréviations non conformes, d'une localité de naissance ne relevant pas de la commune mentionnée et de l'absence de numéro de registre, et ayant émis un avis défavorable concernant le jugement supplétif, eu égard à l'absence de date s'agissant de la requête et de mentions relatives au domicile et à la nationalité des parents, celles-ci ne permettant pas de faire une transcription complète sur les registres de l'état civil alors que cette transcription y est indiquée. Dans ces conditions, et même si M. A... se prévaut d'une copie certifiée conforme, le 27 octobre 2022, par le consulat général du Mali, de son acte de naissance, une telle mention se bornant à attester de la conformité de la copie au document original présenté sans pour autant attester de l'authenticité de ce dernier, et s'il a produit un passeport, lequel est dépourvu de toute force probante pour l'application de l'article 47 du code civil dès lors qu'il ne constitue pas un acte d'état civil , le préfet a pu en déduire que les documents d'état civil produits à l'appui de la demande de titre de séjour étaient entachés de fraude et ne pouvaient par suite être regardés comme faisant foi. Dès lors, le préfet de la Haute-Loire pouvait, à supposer même établi le sérieux de la formation suivie par le requérant, légalement se fonder sur ce seul motif pour rejeter la demande de l'intéressée, dont il n'est dans ces conditions pas davantage établi qu'elle avait été présentée dans l'année ayant suivi son dix-huitième anniversaire, nonobstant la circonstance que les autorités judiciaires l'avaient regardé comme mineur.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

Le président, rapporteur,

Ph. Seillet

L'assesseur le plus ancien,

J. Chassagne

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00578

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00578
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : LAFFONT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-06;22ly00578 ?
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