Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, en premier lieu et d'une part, d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 du ministre de la culture l'intégrant par la voie du concours interne de recrutement dans le corps des maîtres de conférence des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) au 1er septembre 2019, en tant qu'il ne la reclasse qu'au premier échelon de la deuxième classe avec un reliquat d'ancienneté d'onze mois et vingt-neuf jours, d'autre part, l'arrêté du 29 août 2019 par lequel la même autorité ne l'a promue qu'au deuxième échelon de son grade au 2 septembre 2019 sans ancienneté conservée, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux, en second lieu, d'enjoindre au ministre de la culture de la reclasser au 1er septembre 2019 en prenant en compte l'intégralité des services qu'elle a accomplis, puis de reconstituer sa carrière en conséquence
Par un jugement n° 2001493 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 septembre et 20 octobre 2021 et 19 avril 2022 (non communiqué), présentés pour Mme A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 20LY01493 du 7 juillet 2021 du tribunal administratif de Lyon et de faire droit à sa demande ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, faute de signature de l'expédition de la minute ;
- les arrêtés du ministre de la culture litigieux, pris sans consultation de la commission administrative paritaire et du conseil national des enseignants-chercheurs, sont irréguliers ;
- ils méconnaissent les dispositions des articles 16 et 18 du décret n° 2018-105 qui ne font pas obstacle à un cumul de reprise des services privés et publics, et sont entachés d'une erreur de droit et d'une erreur de fait ;
- dans l'hypothèse où le décret n° 2018-105 ferait obstacle à une reprise cumulée et intégrale des services antérieurs, ces dispositions devraient être écartées comme contraires à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 14 de cette convention et comme créant une rupture d'égalité entre maîtres de conférences des ENSA et maîtres de conférences de l'enseignement universitaire auxquels cet avantage est reconnu par les décrets n° 2009-462 et n° 84-431 ; le décret serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 18 février 2022, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
Par une ordonnance du 22 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2009-462 du 23 avril 2009 ;
- le décret n° 2018-105 du 15 février 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Après avoir effectué diverses courtes missions dans le secteur de l'architecture entre 2004 et 2007, Mme A... a exercé en qualité d'architecte de 2007 à 2010 puis, à partir d'octobre 2010, comme chef de projet salarié au Vietnam. Le 1er septembre 2013, Mme A... a été recrutée par l'école nationale supérieure d'architecture (ENSA) de Lyon en qualité de maître-assistante associée des écoles d'architecture, puis comme maître de conférences associée des ENSA à compter du 1er septembre 2018. Suite à sa réussite au concours interne pour l'accès au corps des maitres de conférences des ENSA organisé au titre de l'année 2019, l'intéressée a été recrutée dans le corps des maîtres de conférences de deuxième classe des ENSA à compter du 1er septembre 2019 et affectée à l'ENSA de Lyon. Elle a bénéficié d'un reclassement au premier échelon de la deuxième classe du corps d'accueil à compter du 1er septembre 2019, avec un reliquat d'ancienneté de onze mois et vingt-neuf jours, sur la base de mensualités de trente jours. Le premier jour de service de titulaire lui permettant d'acquérir une ancienneté de douze mois, soit un an, dans le premier échelon de son grade, Mme A... remplissait, dès le 2 septembre 2019, la condition d'ancienneté dans cet échelon pour bénéficier d'un avancement au deuxième échelon, en application de l'article 40 du décret du 15 février 2018 puis d'un avancement au deuxième échelon à la même date. Ainsi, par un arrêté du 29 août 2019, le ministre de la culture l'a promue au deuxième échelon de son grade à compter du 2 septembre 2019, sans reliquat d'ancienneté, intégralement consommé par l'avancement d'échelon. Par un recours gracieux du 18 octobre 2019, Mme A... a demandé le réexamen de son classement en tant qu'il aurait été déterminé sans tenir compte de l'ensemble des services et activités professionnelles et universitaires antérieurement réalisés lequel a été implicitement rejeté. Mme A... relève appel du jugement du 7 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2019 en tant qu'il limite son reclassement ainsi que de l'arrêté du 29 août 2019 et du rejet implicite de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte de la combinaison des articles R. 741-7, R. 751-2 et R. 751-4-1 du code de justice administrative que seule la minute du jugement doit comporter la signature manuscrite du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier, et que sont notifiées aux parties des expéditions qui ne mentionnent que les noms et fonctions des trois signataires. Il suit de là que le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour avoir été notifié sous forme d'expéditions dépourvues de signatures manuscrites, la minute en étant revêtue.
Sur la légalité des arrêtés en litige :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du tribunal le moyen tiré de l'absence de consultation de la commission administrative que Mme A... se borne à reproduire en appel.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 du décret du 15 février 2018 susvisé portant statut particulier du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture : " Les personnes nommées dans [le corps des maîtres de conférences des ENSA] (...) qui, avant leur nomination, avaient la qualité d'agent non titulaire de l'État, des collectivités locales ou de leurs établissements publics sont classées à un échelon de la 2e classe de ce corps déterminé en prenant en compte, sur la base des durées de service fixées pour l'avancement dans chacun des échelons de ce corps, une fraction de leur ancienneté de service, dans les conditions suivantes : 1° Les services accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie A sont retenus à raison de la moitié de leur durée jusqu'à douze ans et à raison des trois quarts au-delà de cette durée (...) / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents qui possédaient la qualité d'agent non titulaire pendant au moins deux mois au cours de la période de douze mois précédant la date de clôture des inscriptions aux concours (...) / Les dispositions du présent article ne peuvent avoir pour effet de placer les intéressés dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire ". Aux termes de l'article 18 du même décret : " Lorsque des personnes sont nommées dans [le corps des maîtres de conférences des ENSA] (...) après avoir exercé dans des organismes privés des fonctions d'un niveau équivalent à celui des fonctions exercées par les membres de ce corps, une fraction de la durée de ces services est prise en compte pour le calcul de l'ancienneté des intéressés dans ce corps, à raison du tiers de la durée de ces services si celle-ci est inférieure à douze ans et de la moitié de cette durée si elle excède douze ans (...) Les intéressés sont classés à un échelon de la 2e classe du corps déterminé en fonction des durées de service fixées pour l'avancement à l'ancienneté dans chacun des échelons ".
5. La reprise partielle d'ancienneté en litige repose sur le principe de non cumul de l'ancienneté acquise dans le secteur privé et dans le secteur public, d'une part, et sur l'absence de droit à une reprise intégrale des services à retenir, d'autre part. Ces motifs étant étrangers à l'appréciation de l'équivalence des fonctions exercées antérieurement avec celles de maître de conférences des ENSA qui, seule, nécessite la consultation du conseil national des enseignants-chercheurs des ENSA, le moyen tiré de l'absence de consultation de cet organe sur ce point doit être écarté comme inopérant alors, au demeurant, que ledit conseil a été consulté dans le cadre de l'inscription de Mme A... sur les listes de qualification aux fonctions de maître de conférences des ENSA, qualification obtenue le 3 avril 2019 comme le mentionne l'arrêté de recrutement qui vise la liste de qualification aux fonctions de maître de conférence des ENSA établie à cette date.
6. En troisième lieu, d'une part, le principe d'égalité de traitement ne trouvant à s'appliquer qu'aux agents appartenant à un même corps, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de dispositions plus favorables de reprise d'ancienneté ouvertes par le décret n° 2009-462 du 23 avril 2009 portant statut particulier des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur, alors même que les fonctions de maître de conférences de ce statut présentent de nombreuses analogies avec celles de maître de conférences des ENSA.
7. D'autre part, la différence de prise en compte entre les services antérieurs effectués au sein de services d'enseignement publics et ceux effectués dans des organismes d'enseignement privés se fonde sur une appréciation des missions effectuées dans le cadre de ces services. Par ailleurs, cette différence présente un objectif d'intérêt général, à savoir d'éviter l'émergence de " discriminations à rebours " au détriment des fonctionnaires statutaires. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'exception d'illégalité doit être écarté dans ses deux branches.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ". Aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Les personnes intégrées dans le corps des maîtres de conférences des ENSA ayant exercé antérieurement à leur titularisation les fonctions d'enseignant contractuel ne détenant aucun droit à une reprise d'ancienneté calculée selon un niveau minimum, aucune espérance légitime de Mme A... n'a pu naître d'être rémunérée, dès le 1er puis le 2 septembre 2019 à un indice supérieur à celui du premier puis du deuxième échelon de la deuxième classe de son corps. Il suit de là que la reprise partielle et exclusive de l'ancienneté acquise dans le secteur public de l'article 16 du décret du 15 février 2018 ne l'a pas privée du respect de ses biens, garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 14 de ladite convention, et qu'elle n'est pas fondée à demander que cette disposition soit écartée pour la détermination de son reclassement.
9. En dernier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 16 précité que l'administration a l'obligation, non pas d'opter pour la solution la plus favorable, mais de reprendre, dans les limites indiquées par ces dispositions, l'ancienneté des services accomplis en tant que non titulaire par les personnes qui, comme Mme A..., avaient cette qualité dans l'année ayant précédé la clôture des inscriptions au concours de recrutement, tandis qu'aucune disposition du décret n'ouvre la faculté de cumuler l'expérience acquise dans le secteur privé avec celle des fonctions exercées dans le secteur public, l'ouverture d'un tel droit, qui ne se présume pas, se heurtant, en outre, à l'interdiction, posée par le dernier alinéa de l'article 16, de prononcer un reclassement à un échelon qui ne serait pas égal ou immédiatement supérieur à celui du dernier emploi de non titulaire. Dès lors qu'il n'est pas contesté par Mme A... que la prise en compte de l'intégralité des services publics qu'elle a accomplis, en particulier au titre d'une activité à temps partiel, serait restée sans influence sur le reclassement effectué, eu égard à l'impossibilité de la reclasser à un échelon supérieur à celui retenu, les arrêtés litigieux n'ont donc pas méconnu les dispositions précitées en limitant la reprise d'ancienneté à une partie des services accomplis par Mme A... en tant qu'agent non titulaire de droit public.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
Le président, rapporteur,
Ph. Seillet
L'assesseur le plus ancien,
J. Chassagne
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02976
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