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28/06/2023 | FRANCE | N°21LY01374

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 28 juin 2023, 21LY01374


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 janvier 2018 par lequel le président de Grenoble-Alpes Métropole lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un mois et quinze jours.

Par un jugement n° 1801792 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 22 janvier 2018 en tant qu'il prend effet antérieurement au 22 janvier 2018, a mis à la charge de Grenoble-Alpes Métropole

le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 janvier 2018 par lequel le président de Grenoble-Alpes Métropole lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un mois et quinze jours.

Par un jugement n° 1801792 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 22 janvier 2018 en tant qu'il prend effet antérieurement au 22 janvier 2018, a mis à la charge de Grenoble-Alpes Métropole le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2021, M. B..., représenté par la Selarl Estelle Santoni, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif Grenoble du 2 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2018 ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de Grenoble-Alpes Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la matérialité des faits reprochés dans l'arrêté attaqué n'est pas établie ;

- il est victime de harcèlement moral ;

- l'arrêté attaqué est entaché de détournement de procédure et visait en réalité à l'évincer de ses fonctions, alors que le poste qu'il occupait convenait parfaitement à ses restrictions d'aptitude physique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2021, Grenoble-Alpes Métropole, représentée par la Selarl Conseil Affaires Publiques, agissant par Me Mollion, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par ordonnance du 5 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., adjoint technique territorial, employé par Grenoble-Alpes Métropole, a, consécutivement à un accident du travail survenu le 5 décembre 2003, été placé en congé de maladie jusqu'au printemps 2006. Reconnu inapte à son poste initial, il a fait l'objet de plusieurs affectations avant de se voir confier, à compter du 8 septembre 2016, les fonctions d'auxiliaire de vie professionnelle (AVP), chargé de l'accompagnement d'un agent souffrant de handicap. Par un arrêté du 22 janvier 2018, le président de Grenoble-Alpes Métropole a pris à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un mois et quinze jours. Par un jugement du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 22 janvier 2018 en tant qu'il prend effet antérieurement au 22 janvier 2018. M. B... relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour prononcer la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de M. B... pour une durée d'un mois et quinze jours, le président de Grenoble-Alpes Métropole s'est fondé sur le refus de cet agent d'effectuer sa mission d'auxiliaire de vie professionnelle et son attitude gravement inadaptée à l'égard de l'agent handicapé dont il avait la charge.

5. M. B..., en qualité d'auxiliaire de vie professionnel, était chargé d'accompagner et d'assister un agent handicapé employé au nettoyage extérieur de bâtiments d'un service administratif de la collectivité. Il ressort de l'audit réalisé par la société FORMELL SAS avant sa nomination sur ce poste, que, dès la réunion organisée le 24 août 2016 avec l'ensemble des acteurs concernés, M. B... avait manifesté des réserves à l'égard de ses futures fonctions, et suscité des interrogations sur sa capacité à manifester de la bienveillance à l'égard de l'agent qu'il devait accompagner. Le 9 septembre 2016, soit dès le lendemain de sa prise de poste, M. B... a manifesté son mécontentement et en particulier son intention de ne pas travailler en même temps que l'agent assisté. Un courrier du directeur santé prévention sécurité au travail du même jour lui a rappelé que " les mission d'AVP, outre l'accompagnement social de l'agent porteur de handicap, consistent également à participer activement aux tâches de réalisation opérationnelles ". Il ressort suffisamment des pièces du dossier, comme l'ont relevé les premiers juges, que, par son attitude totalement attentiste et passive, M. B... n'apportait pas à l'agent dont il avait la charge le minimum d'assistance requis pour que ce dernier puisse travailler dans de bonnes conditions. M. B... se prévaut des nombreuses attestations de collègues produites au dossier de première instance, rédigées en octobre, novembre 2016 et mai 2017, indiquant avoir été surpris des accusations portées par la collectivité et relevant l'absence de problème de comportement de M B... à l'égard de l'agent handicapé dont il avait la charge. Cependant, il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte rendu de la visite de contrôle qui a eu lieu le 5 octobre 2016 et de la note interne du directeur santé prévention sécurité au travail du 6 octobre 2016 corroborée par l'attestation de cet agent du 16 décembre 2016, que M. B... a fait preuve à son égard d'un comportement agressif et autoritaire, à tout le moins, gravement inadapté, conduisant à isoler l'agent handicapé des autres personnels travaillant sur le site, ce qui a engendré chez cet agent des difficultés psychologiques supplémentaires, voire une souffrance au travail, que le requérant ne reconnaît pas, ainsi qu'il résulte de l'avis du conseil de discipline. Dans ces conditions, le moyen, selon lequel la matérialité des manquements fautifs qui lui sont reprochés ne serait pas établie, ne peut qu'être rejeté.

6. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...). ".

7. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de discriminations ou d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser l'existence de tels agissements. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à toute discrimination et à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au regard de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. En outre, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte de l'ensemble des faits qui lui sont soumis, y compris des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

8. Pour soutenir qu'il ferait l'objet d'un harcèlement, M. B... soutient qu'en novembre 2015, il a subi un changement brutal d'affectation, sur un poste incompatible avec son état de santé, puis posté comme AVP comprenant des tâches de nettoyage contraires à son état de santé avec un collègue lourdement handicapé dont il a la charge quotidienne sans avoir jamais suivi aucune formation spécifique. Il fait valoir que la collectivité lui a supprimé ses outils de travail et ses accès aux outils informatiques. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que Grenoble-Alpes Métropole, qui n'est pas restée inactive dans ses recherches d'affectation, aurait manqué à l'obligation de moyens lui incombant, ni qu'elle aurait contribué aux difficultés rencontrées par M. B... pour trouver une nouvelle affectation compatible avec son état de santé. Le poste d'AVP lui a été proposé après le constat que le poste précédemment occupé n'était pas adapté à son état de santé, après un bilan de compétences, réalisé par l'intermédiaire d'une autre structure externalisée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet emploi ne serait pas compatible avec les préconisations du médecin de prévention du 18 novembre 2015. Comme l'ont relevé les premiers juges, la dotation en matériel informatique des agents publics n'est pas un droit et il ne ressort pas des pièces du dossier que les fonctions d'AVP exercées par M. B... nécessitaient la détention d'un tel matériel. La sanction en litige a pour fondement les manquements fautifs de M. B... dans l'exercice de ses missions et repose sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou à toute discrimination syndicale. Dans ces conditions, le requérant ne fait état d'aucun élément sérieux et corroboré par les pièces du dossier susceptible de faire présumer l'existence d'une discrimination ou d'un harcèlement à son égard.

9. Enfin, il résulte de ce qui précède qu'aucun détournement de procédure n'est établi.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de Grenoble-Alpes Métropole sur ce dernier fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Grenoble-Alpes Métropole en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à Grenoble-Alpes Métropole.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Gilles Fédi

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY01374


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01374
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SANTONI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-28;21ly01374 ?
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