Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 30 août 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont l'a révoqué à compter du 7 septembre 2018.
Par un jugement n° 1900122 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 mars 2021 et un mémoire enregistré le 25 avril 2022, M. C..., représenté par Me Punzano, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 novembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont du 30 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont de le réintégrer dans son grade d'origine et de reconstituer sa carrière ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de révocation litigieuse a été signée par une autorité incompétente ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, les faits fautifs qui lui sont reprochés n'étant pas établis ;
- la sanction prononcée est disproportionnée.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 22 février 2022 et le 6 avril 2022, le centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont, représenté par la SELARL Jean-Michel et Sophie Detroyat, avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle a été accordé à M. C... par décision du 27 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Punzano, avocate, représentant M. C..., et de Me Detroyat, avocate, représentant le centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ancien ouvrier principal de 2ème classe, relève appel du jugement du 17 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont du 30 août 2018 le révoquant, à titre disciplinaire, à compter du 7 septembre 2018.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...) ". La sanction litigieuse a été signée par Mme B..., directrice adjointe du centre hospitalier désignée pour assurer l'intérim des fonctions de directeur par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes du 9 juillet 2018, dans l'attente du retour de la directrice alors placée en congé de maladie. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté.
3. En deuxième lieu, en application de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la décision prononçant une sanction disciplinaire à l'encontre d'un fonctionnaire doit être motivée. Le législateur a ainsi entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre du fonctionnaire de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.
4. Après avoir visé notamment la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, celle du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et le décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière, la décision de révocation litigieuse énumère les griefs reprochés à M. C..., en particulier les " refus d'obéissance, comportement menaçant et violent, agression verbale et physique, destruction de matériel ". Alors même qu'elle ne précise pas les dates et lieux des faits en cause, cette décision, qui énonce ainsi les griefs retenus sans être motivée par référence à un document distinct, comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et est, par suite, suffisamment motivée.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité (...). Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte (...) leur dignité (...) ". L'article 28 de cette même loi dispose en outre que : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique (...) ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". L'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière prévoit que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : (...) la révocation (...) ".
7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
8. Pour prononcer la révocation de M. C..., le directeur du centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont a retenu à son encontre " des refus d'obéissance, comportement menaçant et violent, agression verbale et physique et destruction de matériel ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport de saisine du conseil de discipline daté du 18 juillet 2018 et des documents qui lui sont annexés, qu'à compter du 3 juin 2017, M. C... a été exclu de ses fonctions au sein de la blanchisserie de l'établissement pour une durée de trois mois, en raison, comme cela a été indiqué par la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique dans son avis du 24 octobre 2017, d'un comportement inapproprié envers ses collègues, notamment féminines, et de son incapacité à travailler en équipe, à l'origine d'un climat délétère et angoissant au sein du service et de dysfonctionnements persistants de l'établissement et du service public hospitalier. A son retour dans le service à compter du mois de septembre 2017, M. C... n'a pas modifié son comportement, ainsi que l'établissent les témoignages précis de différents collègues, faisant état notamment des propos désobligeants, de l'usage intimidant d'un couteau et d'un comportement amenant l'agent concerné à démissionner, produits à l'appui du rapport disciplinaire, jusqu'à sa suspension à compter du 29 novembre 2017 pour inaptitude médicale temporaire justifiée par un " danger réel et immédiat pour la sécurité " de l'intéressé lui-même et de l'équipe. Affecté comme jardinier dans un nouveau service à compter du 3 mai 2018, il ne conteste pas s'en être pris violemment aux responsables du service, en renversant brusquement une table et en détruisant le matériel présent, nécessitant l'intervention de trois agents pour le contenir, lors d'un entretien de suivi organisé le 14 juin 2018 pour aborder notamment son refus d'accomplir certaines tâches. Il ne conteste pas davantage s'être rendu le lendemain au domicile de son ancien supérieur pour le menacer verbalement et physiquement. Contrairement à ce qu'il prétend, la sanction litigieuse est ainsi justifiée par des faits nouveaux, distincts de ceux ayant justifié la précédente sanction, lesquels, par leur caractère inapproprié ou violent, revêtent un caractère fautif.
9. Pour contester la proportionnalité de la sanction prononcée, M. C... reproche au centre hospitalier de ne pas être intervenu pour mettre fin au climat conflictuel qui existait au sein du service de blanchisserie depuis sa réintégration contrainte en juin 2015 et la pétition alors signée à son encontre, et de ne pas avoir suivi certaines préconisations d'affectation du médecin du travail. Toutefois, si le centre hospitalier a effectivement tardé à envisager un changement d'affectation, certains des faits les plus graves qui lui sont reprochés sont, comme indiqué ci-dessus, intervenus après son affectation dans un nouveau service en mai 2018, à laquelle il s'est d'ailleurs opposé. Il est par ailleurs constant que M. C... avait déjà fait l'objet de deux exclusions temporaires de fonctions, de, respectivement trois jours et trois mois, en 2004 et en 2017 pour des faits similaires. La nécessité d'améliorer ses relations professionnelles lui avait également été rappelée lors de son entretien professionnel du 10 octobre 2017. Compte tenu de la particulière gravité des faits ainsi reprochés, pour certains menaçants ou violents envers d'autres agents, qui ont nécessairement eu pour effet de perturber le bon fonctionnement du service et de la réitération de faits déjà précédemment sanctionnés qu'ils constituent, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la révocation prononcée à son encontre est disproportionnée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. C... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par le centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Pont.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Gilles Fédi
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00965