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27/06/2023 | FRANCE | N°22LY03424

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 27 juin 2023, 22LY03424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 janvier 2021 par laquelle la préfète de la Loire lui a accordé la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour donnant autorisation de travail probatoire de six mois, non renouvelable, portant la mention " autorise son titulaire à rechercher un emploi et à exercer une activité professionnelle ", en tant qu'elle ne lui délivre pas un titre de séjour portant la mention " salarié" et les décisions du 3 janvie

r 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 janvier 2021 par laquelle la préfète de la Loire lui a accordé la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour donnant autorisation de travail probatoire de six mois, non renouvelable, portant la mention " autorise son titulaire à rechercher un emploi et à exercer une activité professionnelle ", en tant qu'elle ne lui délivre pas un titre de séjour portant la mention " salarié" et les décisions du 3 janvier 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par jugement n° 2200818 du 19 avril 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. C... A..., représenté par la SCP Robin Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 28 janvier 2021 par laquelle la préfète de la Loire lui a accordé la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour donnant autorisation de travail probatoire de six mois, non renouvelable, portant la mention " autorise son titulaire à rechercher un emploi et à exercer une activité professionnelle ", en tant qu'elle ne lui délivre pas un titre de séjour portant la mention " salarié " ;

3°) d'annuler les décisions du 3 janvier 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire, mention " vie privée et familiale " ou, à tout le moins, " salarié ", dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir ou, à tout le moins, de lui délivrer un récépissé dans le cadre du réexamen de sa situation administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- s'agissant de la décision du 28 janvier 2021, elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que la délivrance d'une autorisation de travail probatoire de six mois n'est pas prévue par ces dispositions, que le préfet ne lui a pas délivré une carte de séjour temporaire " salarié " et qu'il lui a délivré une autorisation de travail probatoire de six mois non renouvelable ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, 1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; c'est à tort que le tribunal a estimé que cette décision ne faisait pas grief et n'était pas susceptible de recours ;

- s'agissant de l'arrêté du 3 janvier 2022, en premier lieu, la décision de refus de délivrance du titre de séjour est illégale en raison de l'illégalité de la décision du 28 janvier 2021 ; elle est insuffisamment motivée et dépourvue d'un examen complet ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du même code en ce que sa demande n'a pas à être instruite conformément aux dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail et le préfet a méconnu les dispositions de la circulaire " Valls " du 28 novembre 2012 ; en deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours est illégale en ce qu'elle est fondée sur un refus de séjour lui-même illégal, qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3, 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; en troisième lieu, la décision fixant le pays de renvoi sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours ; en dernier lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 à L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Loire qui n'a pas présenté d'observations.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... A... a été rejetée par décision du 12 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. C... A... né le 6 décembre 1980 à Cabinda (Angola) et de nationalité angolaise, est entré irrégulièrement sur le territoire français au cours de l'année 2006. Il a eu le 22 décembre 2008 un titre de séjour d'un an portant la mention vie privée et familiale pour soins, et un refus de séjour lui a ensuite été opposé, en mai 2012, après le rejet de sa demande d'asile. Le tribunal administratif de Lyon, par un jugement n° 1901980 du 12 juin 2020, a annulé pour insuffisance de motivation la décision implicite de la préfète de la Loire rejetant la demande de titre de séjour déposée en avril 2016, et a enjoint à cette autorité de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois. Par un courrier du 28 janvier 2021, la préfète de la Loire lui a accordé un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail probatoire de six mois non renouvelable et portant la mention " autorise son titulaire à rechercher un emploi et à exercer une activité professionnelle ". Par un arrêté du 3 janvier 2022, la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du courrier du 28 janvier 2021 et de l'arrêté du 3 janvier 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation du courrier du 28 janvier 2021 :

2. Il ressort des termes de ce courrier du 28 janvier 2021, qui s'inscrivait dans le cadre de l'exécution de l'injonction de réexamen du tribunal administratif dans son jugement du 12 juin 2020 cité au point 1, que le récépissé de demande de titre de séjour assorti d'une autorisation de travail probatoire de six mois non renouvelable est plus favorable que ce qu'impliquait l'injonction précitée. Un tel récépissé, qui ne préjuge pas de la décision définitive prise sur la demande de titre de séjour présentée par M. A... en 2016, constitue une mesure purement gracieuse qui ne fait pas grief à l'intéressé, lequel n'était dès lors pas, ainsi qu'il a été jugé par le tribunal, recevable à en contester la légalité.

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions du 3 janvier 2022 :

3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent sur le territoire français depuis le 21 janvier 2006. Si, après l'obtention d'un titre de séjour d'une année en raison de son état de santé en 2008, il a fait l'objet de deux mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées, et s'il a été condamné le 17 octobre 2014 à trois ans de prison pour des " faits de faux dans un document administratif commis de manière habituelle, altération frauduleuse de la vérité dans un écrit et complicité d'escroquerie " commis entre le 1er janvier 2012 et le mois de mars 2013 emportant une incarcération entre le 29 mars 2013 et le 5 mars 2015, il ressort toutefois des pièces du dossier que cette condamnation est ancienne et qu'aucun autre fait n'est reproché à l'intéressé, lequel est dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine qu'il a quitté en 2006 et à l'âge de vingt-six ans. Par ailleurs, M. A... est père de trois enfants nés en 2010, 2016 et 2019, dont les mères résident régulièrement sur le territoire français. A ce titre, il justifie des liens entretenus avec ses enfants par les attestations de leurs mères ou par différentes autres pièces qu'il produit, émanant notamment de membres du corps médical et éducatif ou encore constituées par des billets de bus. M. A... démontre enfin une volonté d'intégration professionnelle, ayant un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de monteur-échafaudeur. Dans les circonstances particulières de l'espèce, M. A... est fondé à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé le 3 janvier 2022 méconnaît les dispositions et stipulations précitées.

5. La décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour doit dès lors être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions contenues dans le même arrêté du 3 janvier 2022, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour d'une durée d'une année.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt implique que le préfet de la Loire délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

8. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A... d'une somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2200818 du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de la Loire du 3 janvier 2022.

Article 2 : L'arrêté du 3 janvier 2022 de la préfète de la Loire est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. B...

La greffière,

D. Meleo

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Une greffière,

N° 22LY03424 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03424
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-27;22ly03424 ?
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