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27/06/2023 | FRANCE | N°22LY03182

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 27 juin 2023, 22LY03182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2205318 du 28 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 octobre 2022, M. A... B..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2205318 du 28 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 octobre 2022, M. A... B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa situation relève des dispositions du 3° de l'article L. 200-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la décision en litige et le jugement attaqué sont entachés d'une erreur de base légale ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen et d'erreurs de fait au regard de sa situation familiale et personnelle ; elle est insuffisamment motivée au regard de l'intérêt supérieur de son enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 252-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il doit bénéficier d'un droit au séjour en application de l'article L. 233-3 du même code ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3, 1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ; ce délai de départ volontaire est inférieur au délai minimum d'un mois prévu par les dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision d'interdiction de retour est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... né le 8 mars 1997 à Kinshasa (République démocratique du Congo), de nationalité congolaise, est entré en France le 17 août 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 septembre 2018 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 20 mars 2019. Suite à son interpellation, le préfet du Rhône, par une décision du 21 juillet 2022, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec interdiction de retour pour une durée de douze mois et fixation du pays de destination. Il relève appel du jugement du 28 septembre 2022, par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 200-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent livre détermine les règles applicables à l'entrée, au séjour et à l'éloignement : /(...)/ 4° Des étrangers entretenant avec les citoyens de l'Union européenne et les étrangers qui leur sont assimilés des liens privés et familiaux, tels que définis à l'article L. 200-5. ". Aux termes de l'article L. 200-5 du même code : " Par étranger entretenant des liens privés et familiaux avec un citoyen de l'Union européenne on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, ne relevant pas de l'article L. 200-4 et qui, sous réserve de l'examen de sa situation personnelle, relève d'une des situations suivantes :/(...)/ 3° Étranger qui atteste de liens privés et familiaux durables, autres que matrimoniaux, avec un citoyen de l'Union européenne. ". Il résulte de ces dispositions que les liens autres que matrimoniaux doivent faire l'objet d'un examen de la situation personnelle du demandeur du titre de séjour et ne permettent pas la délivrance automatique d'un tel titre.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 233-3 du même code : " Les ressortissants étrangers mentionnés à l'article L. 200-5 peuvent se voir reconnaître le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 233-2. ".

4. Si M. B... entend se prévaloir de sa relation avec une ressortissante hollandaise qui dispose d'un droit au séjour sur le territoire français, avec laquelle il vit depuis le mois de juin 2021, et de la conclusion d'un pacte civil de solidarité (PACS) le 11 mars 2022, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, qui n'a pas fait état de cette relation lors de son audition par les services de police, au cours de laquelle il a au demeurant déclaré vivre chez son oncle à Feyzin (69), ne démontre pas, par les seules factures d'énergie, d'eau et de quittances de loyer pour une adresse à Villefontaine (38), entretenir une relation commune réelle et effective avec sa partenaire, étant au surplus relevé que les fiches de paie produites par cette dernière indiquent une adresse à Feyzin ou à Meyzieu (69). En l'absence d'autres éléments et alors que le PACS invoqué est récent, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables aux citoyens de l'Union européenne et aux membres de leur famille, et, notamment celles des articles L. 200-5 et L-233-3 de ce code. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions, ou d'une insuffisance de motivation à cet égard, ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

5. En deuxième lieu, la décision en litige comporte les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement. L'absence de mention, dans l'arrêté en litige, de la présence en France de sa fille mineure, née d'une compatriote dont il est séparé, et des liens entretenus avec elle, ou encore l'absence de visa de la convention internationale des droits de l'enfant, n'entachent pas cet arrêté d'une insuffisance de motivation, ni d'un défaut d'examen, dès lors que la décision en litige n'a pas été prise sur le fondement de ces stipulations, étant au surplus relevé que l'intéressé n'apporte aucun élément sur la régularité du séjour de la mère de l'enfant ou sur un droit au séjour qui en découlerait pour lui. Pour les mêmes motifs, l'erreur de fait alléguée à ce titre est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

6. En troisième lieu, M. B... n'établit pas avoir produit la déclaration conjointe de son pacte civil de solidarité avec une ressortissante hollandaise aux services de police lors de son interpellation, ni en avoir informé le préfet. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'un défaut d'examen en l'absence de précisions sur ce point.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... était présent sur le territoire français depuis près de cinq années à la date de la décision en litige, il s'y maintient irrégulièrement depuis le rejet de sa demande d'asile et s'est abstenu de présenter une demande de titre de séjour. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit, la relation invoquée avec une ressortissante hollandaise est récente et il ne démontre pas que la mère de sa fille née sur le territoire français en 2018, qui est de la même nationalité que M. B..., disposerait d'un droit au séjour sur le territoire français. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant serait séparé de ses parents, la mère de la fille de M. B..., de même nationalité, n'établissant pas disposer d'un droit au séjour ou être dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, M. B... ne démontre pas que l'obligation de quitter le territoire français porterait atteinte aux stipulations précitées.

11. En sixième lieu, et en l'absence d'autres éléments, M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur le délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire de trente jours doit être écarté par les motifs retenus aux points 2 à 11.

13. En second lieu, et pour les motifs exposés au point 4, M. B... ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une année :

15. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français./Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

16. M. B... ayant disposé d'un délai de départ volontaire, le préfet avait la faculté d'assortir l'éloignement du territoire d'une interdiction de retour. Toutefois, si, en vertu des dispositions précitées, une telle mesure n'est pas soumise à la réunion cumulative des critères de l'absence d'ancienneté de la présence sur le territoire, de l'absence de liens personnels en France, de l'antériorité d'un éloignement du territoire et de risques d'atteinte à l'ordre public, le bilan de la situation personnelle de l'intéressé, au regard de ces critères combinés, doit néanmoins faire ressortir l'intérêt qui s'attache à ce que cette décision soit prononcée.

17. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement antérieure et son interpellation en possession d'un document d'identité appartenant à un tiers ne constitue pas à elle seule une menace d'atteinte à l'ordre public. L'interdiction de retour, qui ne se justifie pas au regard d'autres critères, ne permettrait en outre pas à l'intéressé de rendre visite à sa partenaire, laquelle, en tant que ressortissante d'un Etat de l'Union européenne, dispose d'un droit au séjour en France.

18. Il suit de là que M. B... est fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur d'appréciation et à demander l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône du 21 juillet 2022 en tant qu'il lui a été fait interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et à demander l'annulation de cette dernière décision.

20. Compte tenu des motifs précédemment indiqués, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution.

21. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratif, l'Etat n'étant pas partie perdante pour l'essentiel.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2205318 du 28 septembre 2022 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet du Rhône a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois à l'encontre de M. B....

Article 2 : La décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet du Rhône a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois à l'encontre de M. B... est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. C...

La greffière,

D. Méléo

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Une greffière,

N° 22LY03182 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03182
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-27;22ly03182 ?
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