Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté en date du 23 août 2018 du maire de la commune de Neuvecelle faisant opposition à sa déclaration préalable portant sur un changement de portail.
Par un jugement n° 1806630 du 25 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2021, Mme A... B... épouse C... et M. D... C..., représentés par Me Merotto, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 23 août 2018 par laquelle le maire de la commune de Neuvecelle s'est opposé à la déclaration préalable qu'ils ont déposée pour le recul et le changement d'un portail ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Neuvecelle de prendre une nouvelle décision sur leur déclaration préalable, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Neuvecelle le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont décidé en 2018 de faire procéder au décalage de leur portail afin que celui-ci ne soit plus en limite de la voie publique et ont déposé à cette fin une déclaration préalable ;
- le motif de l'opposition à cette demande est insusceptible de justifier l'arrêté en litige et il n'appartenait pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande, de la validité de l'attestation établie par le demandeur sur le fondement des articles R. 423-1 et R. 431-35 du code de l'urbanisme ; le maire ne pouvait pas se fonder sur la prétendue violation d'une règle de droit privé pour s'opposer à leurs demandes ;
- la circonstance que le portail, lorsqu'il s'ouvre, empiète en partie sur la servitude de passage, ne constitue pas un non-respect de cette servitude et ne porte pas atteinte au droit de passage du bénéficiaire de cette servitude.
La requête a été communiquée à la commune de Neuvecelle, qui n'a pas présenté d'observations.
Par lettre du 16 mai 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de retenir l'irrecevabilité de la requête d'appel en tant qu'elle est présentée par M. D... C..., lequel n'était pas partie à l'instance devant le tribunal administratif de Grenoble.
Par lettre du 16 mai 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que la cour était susceptible d'ordonner d'office au maire de la commune de Neuvecelle, en application du 2ème alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, dans l'hypothèse où elle annule la décision en litige, de délivrer une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée par Mme C....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
- et les observations de Me Frigière substituant Me Merotto pour M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a déposé le 10 juillet 2018 un dossier de déclaration préalable portant sur le changement d'un portail et son recul sur des parcelles cadastrées section AE nos ..., situées ... avenue de Milly à Neuvecelle. Par une décision du 23 août 2018, la maire de Neuvecelle a fait opposition au projet décrit dans la déclaration susvisée. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 25 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande d'annulation présentée par Mme C... à l'encontre de cette décision du 23 août 2018.
Sur la recevabilité de la requête d'appel en tant qu'elle est présentée par M. C... :
2. M. C..., qui n'était pas partie à l'instance devant le tribunal administratif concernant le litige opposant son épouse à la commune de Neuvecelle, n'est pas recevable à faire appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté la demande de son épouse.
Sur le bien-fondé de la requête :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ".
4. D'autre part, en vertu de l'article R. 431-4 du même code, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations et pièces limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33-1, aucune autre information ou pièce ne pouvant être exigée par l'autorité compétente. Par ailleurs, comme le rappelle le dernier alinéa de l'article A. 428-4 du même code, l'autorisation d'urbanisme est délivrée sous réserve du droit des tiers, elle vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme, elle ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si cette autorisation d'urbanisme respecte les règles d'urbanisme.
5. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l'article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte également de ces dispositions qu'une demande d'autorisation d'urbanisme concernant un terrain soumis à une servitude de droit privé peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l'autorisation du bénéficiaire de cette servitude, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire. Une telle contestation ne saurait, par elle-même, caractériser une fraude du pétitionnaire entachant d'irrégularité la demande d'autorisation d'urbanisme.
6. Mme C... a attesté dans sa déclaration préalable avoir qualité pour la déposer, et, ainsi qu'il a été dit, les autorisations d'urbanisme sont délivrées sous réserve des droits des tiers. Le maire de Neuvecelle, alors même qu'il avait connaissance d'une servitude de passage, ne pouvait, par suite, s'opposer au projet en litige au motif que le sens de l'ouverture du portail, vers l'extérieur, empièterait sur cette servitude. La décision d'opposition qu'il a prise est, par suite, entachée d'illégalité.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 août 2018 par laquelle le maire de la commune de Neuvecelle a fait opposition à sa déclaration préalable de recul et de changement de portail.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
9. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eut égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt.
10. Il ne résulte pas de l'instruction et alors que la commune de Neuvecelle n'a pas présenté d'observations en défense devant le tribunal ou devant la cour, qu'une disposition d'urbanisme applicable sur le territoire de la commune ferait obstacle à la déclaration préalable en litige. Dès lors le présent arrêt, qui annule la décision précitée du 23 août 2018, implique nécessairement, eu égard à ses motifs, que le maire de la commune de Neuvecelle délivre une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée par Mme C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
11. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Neuvecelle, partie perdante, le versement à Mme C... de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête en tant qu'elle est présentée par M. C... est rejetée comme étant irrecevable.
Article 2 : Le jugement n° 1806630 du 25 octobre 2021 du tribunal administratif de Grenoble et la décision du 23 août 2018 par laquelle le maire de la commune de Neuvecelle s'est opposé à la déclaration préalable déposée par Mme C... sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint à la commune de Neuvecelle de délivrer une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée par Mme C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Neuvecelle versera à Mme C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. D... C... et à la commune de Neuvecelle.
Copie sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
La rapporteure,
C. Burnichon La présidente,
M. E...
La greffière,
D. Meleo
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Une greffière,
N° 21LY04206 2