Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le titre exécutoire n° 4405 d'un montant de 11 584,88 euros émis le 19 décembre 2019 par la trésorerie municipale de Romans-sur-Isère et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 11 584,88 euros.
Par un jugement n° 2001269 du 27 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 2 septembre 2021, M. B... A..., représenté par la Selarl Bard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 juillet 2021 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire n° 4405 d'un montant de 11 584,88 euros émis le 19 décembre 2019 par la trésorerie municipale de Romans-sur-Isère et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 11 584,88 euros ;
3°) de mettre à la charge du comptable de la trésorerie municipale de Romans-sur-Isère et de la commune de Romans-sur-Isère le paiement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient que :
- le titre exécutoire en litige est insuffisamment motivé ;
- le rapport d'expertise justifiant les travaux exécutés n'a pas été versé aux débats ;
- les sommes poursuivies au titre des factures Ferlay Maçonnerie Générale et Charpentiers du Grésivaudan et l'indemnité de 8% ne sont pas dues dès lors qu'il a fait procéder à un ensemble de travaux en exécution de l'arrêté de péril imminent ; il n'y avait aucune urgence à diligenter les travaux ; les travaux réalisés ont été facturés à un coût prohibitif, sans mise en concurrence préalable, et sont disproportionnés, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation ;
- s'agissant des autres sommes poursuivies au titre de l'arrêté de péril, les frais d'expertise judiciaire et les factures relatives à l'accès au bâtiment ne sont pas à sa charge, ainsi que les frais de constats d'huissier.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2023, la commune de Romans-sur-Isère, représentée par la SELARL Cabinet d'avocat Philippe Petit et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Sovet substituant Me Saban pour la commune de Romans-sur-Isère.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'une opération programmée de l'amélioration de l'habitat et de renouvellement urbain (OPAH RU) au sein de la commune de Romans-sur-Isère, l'immeuble situé (ANO)7(/ANO) rue Perollerie sur une parcelle cadastrée section ..., appartenant à M. A... et à son épouse, a été identifié comme un immeuble prioritaire nécessitant un diagnostic technique. Suite à une visite des services de la ville le 5 février 2019 et un rapport du 12 février 2019 déposé par l'expert désigné par ordonnance du 7 février 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, le maire de la commune de Romans-sur-Isère a pris, le 15 février 2019, un arrêté de péril imminent, notifié le 20 février suivant, et a ordonné à M. A... d'exécuter différentes mesures pour remédier à l'état de péril imminent dans un délai de quinze jours. Après un constat de carence du 19 mars 2019, la commune a fait réaliser d'office, en mars et avril 2019, les travaux nécessaires pour remédier à l'état de péril imminent. Elle a engagé une procédure contradictoire portant sur les mesures envisagées pour mettre fin au péril, a constaté le 6 septembre 2019 l'absence de travaux de nature à y répondre, et le maire, par un arrêté du 13 septembre 2019, a pris un arrêté de péril ordinaire mettant en demeure les propriétaires de réaliser les travaux qu'il définit, dans un délai de dix-huit mois. M. A... relève appel du jugement du 27 juillet 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 19 décembre 2019 par la trésorerie municipale de Romans-sur-Isère et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 11 584,88 euros.
Sur les conclusions à fins d'annulation et de décharge :
2. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.
En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :
3. Aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 de ce code, alors en vigueur : " Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu'elle s'est substituée aux propriétaires ou copropriétaires défaillants, en application des dispositions des articles L. 511-2 et L. 511-3, sont recouvrés comme en matière de contributions directes. Si l'immeuble relève du statut de la copropriété, le titre de recouvrement est adressé à chaque copropriétaire pour la fraction de créance dont il est redevable. / Lorsque la commune s'est substituée à certains copropriétaires défaillants, le montant de la créance due par ceux-ci est majoré de celui des intérêts moratoires calculés au taux d'intérêt légal, à compter de la date de notification par le maire de la décision de substitution aux copropriétaires défaillants. (...) ". L'article R. 511-5 du code dispose, dans sa rédaction alors en vigueur : " la créance de la commune sur les propriétaires ou exploitants née de l'exécution d'office des travaux prescrits en application des articles L. 511-2 et L. 511-3 comprend le coût de l'ensemble des mesures que cette exécution a rendu nécessaires, notamment celui des travaux destinés à assurer la sécurité de l'ouvrage ou celle des bâtiments mitoyens, les frais exposés par la commune agissant en qualité de maître d'ouvrage public et, le cas échéant, la rémunération de l'expert nommé par le juge administratif ".
4. Les travaux visés par l'arrêté de péril imminent du 15 février 2019, notifié le 20 février suivant, avaient pour objet de mettre fin au danger grave et imminent que représente l'immeuble litigieux. A cette fin, le maire de Romans-sur-Isère a ordonné à M. A... et à son épouse, pour remédier à l'état de péril imminent dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêté, d'évacuer l'ensemble des gravats à l'origine des surcharges des planchers, de procéder à l'étaiement des grosses pièces des planchers de l'immeuble depuis le rez-de-chaussée jusqu'au dernier étage, et de mettre en place, provisoirement, un bâchage résistant au niveau de la toiture de manière à protéger efficacement le bâtiment des intempéries jusqu'à la réfection complète de la toiture de l'immeuble.
5. En premier lieu, le rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif tel que cité au point 1 indique qu'il a été communiqué à M. A... et il résulte des pièces produites et des écritures qu'il en avait connaissance. La circonstance, au demeurant inexacte et à la supposer opérante, qu'il n'a pas été produit à l'instance, est sans incidence sur le bien-fondé de la créance mise à sa charge par le titre exécutoire en litige.
6. En deuxième lieu, si M. A... soutient que les sommes poursuivies au titre des factures Ferlay Maçonnerie Générale et Charpentiers du Grésivaudan et l'indemnité de 8 % ne sont pas dues dès lors qu'il a fait procéder à un ensemble de travaux en exécution de l'arrêté de péril imminent, la seule attestation du 22 avril 2019 d'un entrepreneur polyvalent qui atteste avoir été appelé par M. A... pour sécuriser à titre provisoire l'immeuble, précisant qu'il avait installé une bâche sur le toit ainsi que huit étais, sans aucune précision, n'est pas de nature à démontrer que les travaux prescrits par l'arrêté de péril imminent précité ont été effectués, ainsi que le relève d'ailleurs le rapport de constatations du 18 mars 2019 par les services de la commune et dont les résultats ne sont pas contestés par l'intéressé.
7. En troisième lieu, faute pour M. A... d'avoir contesté l'arrêté de péril imminent du 15 février 2019, notifié le 20 février suivant avec la mention des voies et délai de recours, il n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre du titre exécutoire du 19 décembre 2019 en soutenant qu'il n'y avait aucune urgence à diligenter les travaux, un tel arrêté de péril étant définitif.
8. En quatrième lieu, si M. A... soutient que les travaux réalisés ont été facturés à un coût prohibitif sans mise en concurrence préalable et sont disproportionnés en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose une mise en concurrence préalable pour l'exécution d'office de travaux dans le cadre d'un arrêté de péril imminent et M. A... n'apporte aucun élément tendant à démontrer la disproportion qu'il invoque.
9. En dernier lieu, en application des dispositions précitées de l'article R. 511-5 du code de la construction et de l'habitation, la commune de Romans-sur-Isère pouvait légalement mettre à la charge de M. A..., qui n'a pas exécuté les travaux ordonnés par l'arrêté de péril imminent, les frais d'expertise judiciaire, les factures relatives à l'accès au bâtiment ainsi que les frais de constat d'huissier.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions aux fin de décharge de l'obligation de payer la somme de 11 584,88 euros.
En ce qui concerne la régularité du titre exécutoire :
11. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 susvisé : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Ces dispositions imposent à la personne publique qui émet un état exécutoire d'indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis.
12. L'état exécutoire du 19 décembre 2019 porte pour seule mention " Péril imminent 7 rue Perollerie - Refacturation des frais avancés par la commune - 19/12/2019 ". Si la commune de Romans-sur-Isère justifie avoir notifié par lettre recommandée l'arrêté du 15 février 2019 portant péril imminent et comprenant les mesures que M. A... devait réaliser dans un délai de quinze jours afin de remédier à l'état de péril imminent, et si elle produit le courrier du 29 octobre 2019 adressé au directeur de la gestion financière et reprenant le détail des frais exposés, il ne résulte pas de l'instruction que l'état exécutoire adressé à M. A... aurait été accompagné de ce dernier courrier ou de pièces justifiant des sommes mises à sa charge, la commune de Romans-sur-Isère n'assortissant son allégation d'aucun élément de preuve. Il ne résulte par ailleurs d'aucun élément antérieur à cet état exécutoire que la commune de Romans-sur-Isère aurait notifié à M. A... des indications sur le détail des sommes mises à sa charge par le titre exécutoire du 19 décembre 2019. Dans ces conditions, les seules mentions du titre exécutoire ne permettaient pas à M. A... de connaître et de comprendre les modalités de calcul de la créance réclamée. Par suite, M. A... est, pour ce seul motif, fondé à soutenir que le titre exécutoire du 19 décembre 2019 est entaché d'illégalité.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation du titre exécutoire d'un montant de 11 584,88 euros émis à son encontre le 19 décembre 2019, et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dans cette mesure.
Sur l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Romans-sur-Isère la somme demandée, pour son conseil, par M. A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce dernier n'ayant pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans cette instance et étant, en tout état de cause, partie perdante pour l'essentiel. Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, aucuns frais de cette nature n'ayant été exposés.
15. Il n'y a pas lieu, compte tenu des circonstances particulières, de faire droit aux conclusions de la commune de Romans-sur-Isère tendant à la mise à la charge de M. A... des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le titre exécutoire n° 4405 d'un montant de 11 584,88 euros émis le 19 décembre 2019 par la trésorerie municipale de Romans-sur-Isère à l'encontre de M. A... est annulé.
Article 2 : Le jugement n° 2001269 du 27 juillet 2021 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Romans-sur-Isère tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Romans-sur-Isère et à la trésorerie municipale de Romans-sur-Isère.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
La rapporteure,
C. BurnichonLa présidente,
M. C...
La greffière,
D. Meleo
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Une greffière,
N° 21LY02952 2