La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/07/2022 | FRANCE | N°20LY02231

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 26 juillet 2022, 20LY02231


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme J... I... veuve H..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils, M. C... H..., M. G... H..., Mme D... H..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure K... L..., et M. F... H..., agissant ensemble en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de M. E... H..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon : de mettre à la charge solidaire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatr

ogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et du centre hospitalier u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme J... I... veuve H..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils, M. C... H..., M. G... H..., Mme D... H..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure K... L..., et M. F... H..., agissant ensemble en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de M. E... H..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon : de mettre à la charge solidaire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne le versement des sommes de : 120 289,50 euros aux ayants droit de M. H..., 699 362,22 euros à Mme J... H..., 156 092,45 euros à Mme J... H... en sa qualité de représentante légale de son fils C... H... ; 15 000 euros à M. G... H..., 15 000 euros à Mme D... H..., 10 000 euros à Mme D... H... agissant en sa qualité de représentante légale de sa fille K... L... et 71 211,93 euros à M. F... H..., ces sommes étant assorties des intérêts de droit à compter de la demande préalable ;

Par un jugement du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur la requête de Mme H... et autres, a sursis à statuer sur cette requête afin de transmettre au Conseil d'État, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, le dossier de l'affaire et lui soumettre les questions suivantes :

1°) Dans sa décision du 23 juillet 2014 Mme B... A..., n° 375829, le Conseil d'État a jugé qu'il résulte des dispositions du chapitre II du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, que le législateur a entendu soumettre à la prescription décennale les actions engagées contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) sur le fondement de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique. Le législateur a, par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, puis la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, modifié la rédaction de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, en indiquant désormais que les demandes d'indemnisation formées devant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application du II de l'article L. 1142-1 et des articles L. 1124-9, L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. Cette rédaction ne vise pas ainsi l'article L. 1142-1-1 du code. Les actions engagées contre l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, sont-elles malgré tout toujours soumises à une prescription décennale ' Si non, quel est le délai de prescription applicable et quelles sont les modalités d'application dans le temps du changement de délai de prescription '

2°) Le dernier alinéa de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique dispose que " La saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure prévue par le présent chapitre. ". Dans quelle mesure cette disposition doit-elle être combinée avec l'alinéa 2 de l'article 2238 du code civil, qui prévoit que lorsque la médiation ou la conciliation est terminée le délai de prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois '

3°) Une demande indemnitaire, postérieure à l'avis rendu par une commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, peut-elle suspendre ou interrompre le délai de prescription '

Le Conseil d'État a statué sur la question posée par le tribunal administratif de Lyon par un avis n° 435498 du 12 février 2020.

Par un jugement n° 1806153 du 16 juin 2020, déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à verser des sommes de 1 920,80 euros aux ayants droit de M. H..., de 2 638,41 euros à Mme H... agissant en son nom personnel, de 650 euros à M. G... H... agissant en son nom personnel, de 650 euros à Mme D... H... agissant en son nom personnel, de 1 600 euros à Mme J... H... agissant en qualité de représentante de M. C... H..., de 1 600 euros à M. F... H... agissant en son nom personnel, de 300 euros à Mme D... H..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille K... L..., a mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux iatrogènes et des infections nosocomiales des sommes de 17 287,20 euros aux ayants droit de M. H..., de 23 745,64 euros à Mme H... agissant en son nom personnel, de 5 850 euros à M. G... H... agissant en son nom personnel, de 5 850 euros à Mme D... H... agissant en son nom personnel, de 14 400 euros à Mme J... H... agissant en qualité de représentante de M. C... H..., de 14 400 euros à M. F... H... agissant en son nom personnel, de 2 700 euros à Mme D... H..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille K... L..., l'ensemble de ses sommes portant intérêt au taux légal à compter du 19 avril 2017, a condamné le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à verser une somme de 2 854,63 euros à l'État, et une somme de 528,75 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 176,25 euros et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 août 2020, le 22 février 2021, le 14 avril 2021 et le 6 août 2021, Mme J... I... veuve H..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils M. C... H..., M. G... H..., Mme D... H..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure K... L..., et M. F... H..., agissant ensemble en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de M. E... H..., représentés par la SELARL Coubris, Courtois et Associés, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer ce jugement du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a statué sur l'indemnisation des préjudices personnels subis ;

2°) s'agissant du préjudice économique de Mme J... I... veuve H..., et de MM. F... et Lenny H..., à titre principal d'ordonner une expertise médicale sur la personne de Mme J... H..., confiée à un expert psychiatre en vue de déterminer l'existence d'un deuil pathologique à la suite du décès de son époux, à titre subsidiaire d'allouer à Mme H... une somme de 783 480,16 euros, à M. F... H... une somme de 19 761,14 euros, à M. C... H... une somme de 75 399,04 euros en réparation de leur préjudice économique respectif, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du19 avril 2017 ;

3°) de rehausser les montants réparant les préjudices d'accompagnement subis à titre personnel en les portant aux sommes de 10 000 euros pour Mme H..., et 5 000 euros chacun pour Hannah, Steven, F... et Lenny H..., de leur allouer en réparation du préjudice d'affection les sommes de 35 000 euros à Mme J... H..., 15 000 euros chacun à Hannah et Steven H..., 30 000 euros chacun à F... et Lenny H..., ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du19 avril 2017 ;

4°) de réformer le dispositif du jugement de l'erreur matérielle figurant à l'article 4 qui mentionne que " les sommes mentionnées aux articles 1er et 2 porteront intérêt au taux légal à compter du 19 avril 2017 " au lieu de faire référence aux articles 2 et 3 de ce dispositif ;

5°) de confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;

6°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux iatrogènes et des infections nosocomiales aux entiers dépens, ainsi qu'au versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

* A titre principal, ils recherchent la responsabilité partagée de l'ONIAM en raison de l'infection nosocomiale inoculée à M. H... et du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne en raison de la perte de chance évaluée à 10 % d'éviter le décès du fait des fautes entachant sa prise en charge ;

* l'évaluation des préjudices économique subis à titre personnel par Mmes J... et Hannah H... et MM. Steven, F... et Lenny H... sont erronées sur un plan méthodologique en déduisant des charges fixes à hauteur de 30 % et en retenant une part d'autoconsommation du défunt de 20 % au lieu de 15 % eu égard aux charges particulières liées à la prise en charge de Lenny, enfant autiste, et à la perte de revenus subis par Mme H..., parti à la retraite précocement ; la capitalisation du préjudice économique sera effectuée par application du barème 2020 de la gazette du palais ;

* les préjudices d'accompagnement et d'affection devront être rehaussés dans les circonstances de l'espèce, notamment compte tenu du deuil pathologique subi par l'épouse de la victime ; il y a lieu, en effet, d'ordonner une expertise médicale psychiatrique contradictoire afin de déterminer si le deuil subi par Mme H... est de nature pathologique et d'évaluer les préjudices consécutifs au deuil résultant du décès de son époux et dans l'attente de surseoir à statuer sur la liquidation de ce préjudice ;

* à titre subsidiaire, si l'appel incident de l'ONIAM était accueilli par la cour, leurs conclusions tendraient à la condamnation solidaire de l'ONIAM et du CHU de Saint-Etienne à les indemniser de leurs préjudice.

Par des mémoires, enregistrés le 24 décembre 2020, le 9 mars 2021, le 27 avril 2021 et le 19 octobre 2021, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne conclut au rejet de la requête et des conclusions incidentes de l'ONIAM et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de réduire l'indemnité allouée à Mme H... au titre du préjudice d'accompagnement.

Il soutient que :

- conformément aux conclusions du rapport d'expertise, le caractère nosocomial de l'infection est établi ; sa responsabilité ne saurait excéder 10 % au titre de la perte de chance, au regard de la probabilité pour le patient d'échapper à l'aggravation de son état et au décès ;

- le calcul des préjudices économiques subis doit tenir compte du taux d'autoconsommation de M. H... justement évalué par le tribunal administratif de Lyon à 20 % et des pensions de réversion et d'orphelins ainsi que le capital décès versés aux intéressés ; dès lors, aucun préjudice économique n'a été subi par Mme H... ; le lien de causalité entre le décès de son époux et les congés de maladie puis son départ à la retraite anticipé n'est pas établi ; la demande d'expertise n'est pas justifiée, en l'absence d'élément justifiant l'imputation au décès de M. H... d'un état pathologique de Mme H... ;

- l'indemnité allouée au titre du préjudice d'affection de Mme H... est conforme à la jurisprudence ; en revanche, le jugement doit être réformé en ce qu'il a alloué à Mme H... une indemnité excessive au titre du préjudice d'accompagnement qui devra être ramenée à de plus justes proportions, l'accompagnement de M. H... en raison de l'infection nosocomiale, objet du litige, n'ayant duré que quatre jours ;

- l'indemnisation du préjudice spécifique d'accompagnement et d'affection accordée par le tribunal administratif de Lyon aux enfants majeurs du défunt, Steven et Hannah, ainsi qu'à Andréane L..., n'est pas, en l'espèce, insuffisante ;

- les demandes présentées à ce titre pour ses enfants F... et C... H... et sa petite fille K... L... sont excessives au regard de la jurisprudence ;

- l'application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2020 n'a aucune valeur réglementaire ; plusieurs barèmes de capitalisation existent ; il ne s'agit que de taux indicatifs déterminés à partir d'une table de mortalité INSEE et d'un taux d'intérêt de 1,29 %, qui ne peuvent être retenus tels quels pour liquider les préjudices, mais restent soumis à la discussion des parties, arbitrée souverainement par le juge ; la cour appliquera le barème de capitalisation pour l'indemnisation des victimes, ou subsidiairement, le barème officiel de capitalisation de l'ONIAM publié en 2018.

- aucun autre des moyens soulevés par les requérants n'est fondé ;

Par un mémoire, enregistré le 29 juin 2021, le ministre de l'éducation, de la jeunesse, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne au versement au profit de l'Etat de la somme de 28 677,84 euros, modulée en fonction du pourcentage de responsabilité retenu.

Le ministre expose que :

- dans l'hypothèse où la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne serait retenue dans une proportion plus importante, il y aura augmentation dans cette même proportion de la somme accordée à l'Etat en première instance au titre du remboursement du capital-décès versé aux ayants droit de M. E... H... ;

- le remboursement dans la même proportion de la somme de 131,50 euros versée à M. E... H... au titre de son traitement, le lien entre l'indisponibilité de la victime le 28 avril 2007 et le dommage survenu n'étant pas contestable en l'espèce.

Par un mémoire, enregistré le 30 juin 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Welsch, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée à son encontre ;

2°) subsidiairement à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Etienne à supporter l'entière indemnisation des préjudices à raison des fautes commises à l'origine du dommage et au rejet de toute demande à son encontre ;

3°) plus subsidiairement, qu'il soit fait droit à son recours récursoire à l'encontre du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, à hauteur de 90 %, à le relever et le garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit des consorts H... ;

4°) au rejet des demandes indemnitaires des consorts H... présentées en appel, et à la confirmation du jugement s'agissant de l'indemnisation allouée.

Il expose que :

- les conditions d'intervention de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies, ni au titre de l'article L 1142-1-1 du code de la santé publique, ni au titre des dispositions de l'article L. 1142-1 du même code ; en effet, le point de départ de l'infection n'a pas été identifié et le germe retrouvé a une origine endogène en raison des antécédents infectieux de la victime et de la baisse de ses défenses immunitaires ;

- la responsabilité du centre hospitalier est pleinement engagée à raison des fautes commises dans la prise en charge et le suivi du patient qui n'ont pas été conformes aux règles de l'art comme aux données acquises de la science, le cumul des fautes ayant favorisé la survenue de l'infection et sa prise en charge tardive ; subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour estimerait que seule une perte de chance peut être réparée, elle la fixera à 90 % et en tout cas à un pourcentage bien supérieur à 10 % ; plus subsidiairement, les fautes commises par le centre hospitalier étant à l'origine directe du dommage, il sera fait droit à son action récursoire contre cet établissement, le centre hospitalier universitaire de Saint Etienne serait alors condamné à relever et garantir l'Office de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre, les demandes des consorts H... étant par ailleurs réduites à de plus juste proportions ;

- s'agissant des préjudices de M. H..., le préjudice d'angoisse sera rejeté, sinon indemnisé à hauteur de 5 000 euros ; le jugement attaqué sera confirmé s'agissant des autres chefs de préjudice ;

- s'agissant des préjudices de Mme H... et de ses enfants vivant au domicile, les conclusions présentées en appel au titre du préjudice économique, des préjudices d'accompagnement et d'affection des consorts H... et autres seront rejetées ainsi que la demande d'expertise médicale.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et à la mutuelle générale de l'éducation nationale qui n'ont pas produit d'écritures dans le cadre de la présente instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bonnat, représentant les consorts H... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E... H..., né le 3 novembre 1949, a été pris en charge par le service de rhumatologie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne pour un myélome multiple faisant suite au développement d'un plasmocytome diagnostiqué et traité à compter de l'année 2000. Un traitement consistant en trois à quatre cures de chimiothérapie de type VAD suivies d'une chimiothérapie intensive avec deux greffes de cellules souches hématopoïétiques lui a été proposé. Il a alors été hospitalisé du 26 au 30 mars 2007 pour la réalisation d'un bilan pré-thérapeutique et la pose d'une chambre implantable (CIP) le 28 mars 2007. Il a été hospitalisé du 16 au 20 avril 2007 pour la réalisation de la première cure de chimiothérapie ; il est noté le 16 avril 2007 que le site de la chambre implantable est inflammatoire, sans écoulement purulent. Le 24 avril 2007, Mme H... a contacté par téléphone à plusieurs reprises le service de rhumatologie du centre hospitalier de Saint Etienne pour signaler que l'état de santé de M H... se dégradait, mais le médecin en charge du suivi de son mari était absent et non remplacé. Mme H... a interrogé le service pour savoir si elle devait conduire son mari à l'hôpital ce dont elle a été dissuadée en l'absence de lit disponible dans le service. Plus tard dans la journée, elle a, de nouveau, contacté le service qui a préconisé l'administration d'anti-inflammatoires. Le 25 avril 2007, après un léger mieux, l'état de santé de M. H... s'est brutalement aggravé dans l'après-midi avec l'apparition de douleurs diffuses s'intensifiant. Mme H... a plusieurs fois contacté téléphoniquement le service de rhumatologie qui lui aurait répondu de ne pas venir faute de lit disponible. Dans la nuit du 25 au 26 avril 2007, M. H... souffrant de violentes douleurs, Mme H... a appelé le service d'aide médicale urgente (SAMU) à 0h55. Le médecin du SAMU est intervenu à domicile à 2h38 du matin, et après examen, a considéré que M. H... souffrait de douleurs osseuses en rapport avec le myélome et n'a pas jugé nécessaire de transporter M. H... au centre hospitalier, l'attente aux urgences sur un brancard étant trop douloureuse. Le compte-rendu d'intervention mentionne un diagnostic de douleurs vertébrales d'origine néoplasique et la nécessité de l'instauration d'un traitement morphinique à domicile, que le médecin traitant a renouvelé sans toutefois se déplacer au chevet du patient. Le 27 avril 2007, le SAMU a été appelé à 17h20 et M. H..., fébrile avec frissons, a été transféré au service de rhumatologie du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne où a été constaté un choc septique. Le patient a été admis en service de réanimation pour sepsis sévère sur bactériémie à staphylocoque aureusmetis sensible à la méticilline. L'état de M. H... a évolué brutalement sous la forme d'un arrêt cardio-circulatoire en rapport avec un infarctus du myocarde massif entraînant son décès par asystolie réfractaire, malgré une réanimation prolongée, le 28 avril 2007, à l'âge de 57 ans.

2. En première instance, les consorts H... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de M. H... dans le cadre de sa prise en charge par cet établissement hospitalier. Par un jugement déclaré commun avec la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, le tribunal administratif de Lyon a condamné le CHU de Saint-Etienne à verser une somme de 1 920,80 euros aux ayants droit de M. H..., de 2 638,41 euros à Mme H... agissant en son nom personnel, de 650 euros à M. G... H... agissant en son nom personnel, de 650 euros à Mme D... H... agissant en son nom personnel, de 1 600 euros à Mme J... H... agissant en qualité de représentante de M. C... H..., de 1 600 euros à M. F... H... agissant en son nom personnel, de 300 euros à Mme D... H..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille K... L.... Le juge de première instance a décidé que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) verserait les sommes de 17 287,20 euros aux ayants droit de M. H..., une somme de 23 745,64 euros à Mme H... agissant en son nom personnel, une somme de 5 850 euros à M. G... H... agissant en son nom personnel, une somme de 5 850 euros à Mme D... H... agissant en son nom personnel, une somme de 14 400 euros à Mme J... H... agissant en qualité de représentante de M. C... H..., une somme de 14 400 euros à M. F... H... agissant en son nom personnel, et une somme de 2 700 euros à Mme D... H..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille K... L.... Il a également mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne une somme de 2 854,63 euros au profit de l'État, en remboursement du capital-décès versé aux ayants droit de M. H... en proportion du taux de perte de chance retenu de 10 %, et une somme de 528,75 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire au titre des frais hospitaliers imputables à l'accident médical calculés selon le taux de perte de chance.

3. Les consorts H... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire de Saint Etienne et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à leur verser en réparation de leurs préjudices économiques, d'accompagnement et d'affection, des montants indemnitaires qu'ils estiment insuffisants. Ils demandent, à titre principal, s'agissant du préjudice économique de Mme H... que soit ordonnée une expertise médicale aux fins de déterminer l'existence d'un deuil pathologique résultant du décès de son époux, et subsidiairement, le rehaussement des montants alloués en première instance, assortis des intérêts à compter du 19 avril 2017, de procéder à la correction de l'erreur de plume de l'article 4 du dispositif du jugement et, pour le reste, de confirmer le jugement. Le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande la réduction à de plus justes proportions de l'indemnité allouée à Mme H... au titre du préjudice d'accompagnement. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales conclut au rejet de la requête et doit être regardé comme concluant, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a mis à sa charge au titre de la solidarité nationale 90 % de l'indemnisation des préjudices. Enfin, le ministre de l'éducation, de la jeunesse, des sports, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à verser à l'Etat une somme de 28 677,84 euros, modulée en fonction du pourcentage de sa responsabilité finalement retenue.

Sur la responsabilité :

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...) ".

5. D'une part, en vertu des dispositions du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article L. 1142-1-1 du même code, les dommages résultant d'infections nosocomiales correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, ainsi que les décès provoqués par des infections nosocomiales, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale. En vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM, laquelle dispose en vertu de l'article L. 1142-21 du même code d'une action récursoire contre le professionnel de santé ou l'établissement, service ou organisme mentionné au I de l'article L. 1142-1 de ce code dont un acte fautif serait à l'origine des dommages corporels invoqués ou seulement d'une perte de chance de les éviter.

6. D'autre part, doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. La présomption de responsabilité des établissements de santé en cas d'infection nosocomiale posée par le I de l'article L. 1142 du code de la santé publique vaut y compris en cas d'infection due à un germe présent dans l'organisme du patient avant l'intervention et la circonstance de l'état initial fortement dégradé du patient ne suffit pas à rapporter la preuve que l'infection nosocomiale contractée serait due à une cause étrangère, au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dès lors que la condition d'extériorité n'est pas remplie.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise produit devant la commission de conciliation et d'indemnisation de Rhône-Alpes, que le cathéter veineux associé à la chambre implantable nécessaire à la réalisation de la chimiothérapie pour le traitement du myélome multiple dont M. H... était atteint, a été implanté selon les règles de l'art, au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne le 28 mars 2007 lors d'une hospitalisation du 26 au 30 mars 2007, nonobstant la circonstance relevée par l'ONIAM que le protocole de soins, le lieu de la pose du cathéter ou le dossier infirmier n'ont pas été communiqués par l'hôpital. Si les experts soulignent qu'une inflammation a été constatée le 16 avril 2007, dans les suites immédiates de la première cure de chimiothérapie, aucun signe clinique d'une infection liée à la chambre implantable n'a été constaté dans la suite du séjour hospitalier s'achevant le 20 avril 2007, M. H... allant bien dans les trois premiers jours de son retour à domicile. Dans ces conditions, il n'apparait pas que l'absence de consignes de surveillance et d'utilisation de ce matériel après la sortie de l'hôpital relève d'une faute de la part du CHU, ni même qu'elle ait pu avoir une incidence sur la prise en charge ultérieure de l'infection. Si, à partir du 24 avril 2007, Mme H... soutient qu'elle a plusieurs fois signalé au service de rhumatologie les douleurs affectant son mari, sans néanmoins indiqué d'état fébrile, les seules recommandations orales reçues de ce service de ne pas venir à l'hôpital par manque de lits disponibles et de reprendre des anti-inflammatoires ne révèlent pas non plus une faute de l'établissement de santé. En revanche, dans la nuit du 25 au 26 avril 2017, lors de l'intervention au chevet du malade du SAMU, service hospitalier du CHU de Saint-Etienne, ce dernier doit être regardé comme ayant commis une faute en posant le seul diagnostic de douleurs vertébrales d'origine néoplasique et en prescrivant un traitement morphinique, à l'origine d'un retard de prise en charge par le service de réanimation du CHU le 27 avril 2007 en fin de journée, laquelle prise en charge a été réalisée selon les données acquises de la science médicale mais n'a pu empêcher le décès de M. H... le lendemain vers 7 heures du matin. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'infection à l'origine du décès du patient a connu un développement fulgurant compte tenu de son état affaibli par un myélome multiple et le traitement par chimiothérapie. Les experts ayant indiqué qu'une infection systémique non traitée évolue vers une forme grave avec une probabilité très élevée de décès estimée entre 80 % et 90 %, le tribunal administratif de Lyon n'a pas inexactement apprécié les faits de l'espèce en retenant un taux de perte de chance de M. H... d'éviter son décès à 10 %.

8. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise produit devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Rhône-Alpes, que l'infection à staphylococcus aureus dont M. H... a été victime est apparue quelques jours seulement après l'administration de la première cure de chimiothérapie effectuée dans le service de rhumatologie du CHU de Saint-Etienne au moyen d'une chambre implantable dont le cathéter a été inséré dans la veine sous-clavière, ce dispositif ayant vraisemblablement constitué la porte d'entrée du germe dans l'organisme de la victime. Cette infection doit donc être regardée comme étant survenue au décours de la prise en charge assurée par le CHU de Saint-Etienne. Comme indiqué au point précédent, l'ONIAM ne peut utilement faire valoir que ce germe aurait une origine endogène au vu des antécédents infectieux ORL de la victime, ni que l'infection aurait été favorisée par la baisse des défenses immunitaires liées aux effets conjugués de la pathologie et de la chimiothérapie. Il n'est pas sérieusement contesté que cette infection généralisée a été à l'origine d'un choc septique ayant conduit rapidement au décès de M. H....

9. Il résulte de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a mis à sa charge, au titre de la solidarité nationale, l'indemnisation des préjudices de la victime et de ses ayants droit, dans la limite de la prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne de l'indemnisation de la perte de chance d'éviter le dommage à raison d'une prise en charge inadéquate de la dégradation de l'état de santé de M. H.... L'action récursoire de l'ONIAM à l'encontre du centre hospitalier présentée à titre subsidiaire doit également être rejetée dès lors que les premiers juges ont procédé à la répartition des responsabilités encourus du fait du décès de M. H....

Sur les préjudices :

En ce qui concerne la réparation des préjudices de la victime :

10. L'évaluation par les premiers juges des préjudices de M. H... supportés avant son décès tenant à des frais d'assistance par tierce personne, de son déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, d'un préjudice esthétique temporaire et d'un préjudice d'angoisse face au décès brutal ne fait l'objet d'aucune critique de la part des parties et il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif de Lyon ait procédé à une estimation inexacte de ces préjudices. Il résulte de ce qui précède que la somme de 19 208 euros due en réparation des préjudices de la victime à verser à la succession de M. H..., est mise à la charge de l'ONIAM à hauteur de 90 %, soit la somme de 17 287,20 euros, et du CHU de Saint-Etienne à hauteur de 10 %, soit la somme de 1 920,80 euros.

En ce qui concerne la réparation des préjudices des requérants :

S'agissant de divers frais pris en charge par Mme H... :

11. Pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, il y a lieu de condamner l'ONIAM et le CHU de Saint-Etienne à rembourser Mme H..., selon le partage de responsabilité retenu, des dépenses engagées à raison de frais d'obsèques pour un montant de 2 359,35 euros, de frais de déplacements pour 255,80 euros, de frais postaux pour 67,25 euros, de frais de médecin conseil pour 1 680 euros, et de frais de dossier médical pour 21,65 euros, soit un montant global de 4 384,05 euros. Compte tenu du partage de responsabilité retenu, l'ONIAM devra verser à Mme H... la somme de 3 945,60 euros tandis que le CHU de Saint-Etienne lui versera celle de 438,40 euros.

S'agissant des préjudices économiques de Mme H... et de MM. F... et Lenny H... :

12. Le préjudice économique subi du fait du décès d'une victime par les ayants droit appartenant au foyer de celui-ci est constitué par la perte de revenus de la victime consacrés à l'entretien de chacun d'eux, compte tenu de leurs propres revenus éventuels, et déduction faite des revenus consacrés par la victime à sa propre consommation. Ce préjudice doit tenir compte de l'évolution prévisible des revenus de la personne décédée comme de ceux des ayant-droits, notamment lorsque ces derniers sont amenés à percevoir des sommes en raison de ce décès. L'indemnité allouée aux enfants est déterminée en tenant compte de la perte de la fraction des revenus de leur parent décédé qui aurait été consacrée à leur entretien jusqu'à 25 ans au plus ; celle du conjoint est déterminée de façon viagère en tenant compte des évolutions prévisibles du revenu du foyer.

13. S'agissant du préjudice économique subi par le foyer en raison du décès de M . H... à compter du 28 avril 2007, date du décès, il résulte de l'instruction, notamment de l'avis d'imposition sur les revenus du foyer au titre de l'année 2006 versé au débat, que le revenu annuel perçu par M. H... avant son décès était de 26 274 euros et celui de son épouse de 43 415 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise sur ce point, que, suite au décès de son époux, Mme H..., née le 16 avril 1954, a été placée en congés maladie à compter du 5 mai 2007, puis en mi-temps thérapeutique à compter du 27 octobre 2007 et enfin a fait valoir ses droits à la retraite de façon anticipée à compter du 1er septembre 2008. Ainsi, dans les conditions particulières de l'espèce, il sera procédé au calcul du revenu du foyer au vu des revenus effectifs de Mme H... en 2009 sur la base des bulletins de pension produits qui indiquent une pension personnelle de 2 614,57 euros et une pension de réversion de 629,33 euros par mois, soit un revenu annuel de référence de 39 826, 80 euros arrondi à 40 000 euros. Au demeurant, M. H..., âgé de 57 ans à la date de son décès et placé en congés maladie depuis la prise en charge de sa maladie à compter de 2000, était également susceptible de partir à la retraite à partir de fin 2009 et de subir une diminution de ses revenus. Par suite, l'ensemble des revenus annuels du foyer, composé de deux adultes et de deux enfants à charge, F... et Lenny, peut être évalué à un montant d'environ 66 000 euros, sans tenir compte des aides versées au titre du handicap de M. C... H.... La part consommée par la victime décédée peut être évaluée, compte tenu de la composition du foyer de deux parents et deux enfants pris en charge, à 20 % des revenus, soit 13 200 euros. Si les requérants font valoir que le handicap de Lenny entraine des charges plus lourdes pour la famille, comme indiqué plus haut, ils ne l'établissent pas alors que des aides et prestations étaient et sont toujours versées au titre de ce handicap. En revanche, aucune règle ne prévoit l'abattement des charges fixes du foyer à hauteur de 30 % retenu à tort par les premiers juges. Compte tenu des revenus de Mme H... à déduire d'un montant de 40 000 euros, le revenu non perçu par tous les membres de la famille du fait du décès de M. H... peut être estimé à 12 800 euros par an.

14. Il résulte de l'instruction qu'à la date du décès de M. H..., F... né le 21 septembre 1991, et Lenny, né le 19 octobre 1986 étaient à la charge de leurs parents alors que M. G... H..., né le 24 juillet 1977, et Mme D... H..., née le 29 décembre 1980, disposaient de leurs propres revenus professionnels alors même qu'ils habitaient toujours au domicile parental. Au regard des principes indiqués au point 12, pendant la période de mai 2007 à mai 2017, date à laquelle M. F... H... a atteint l'âge de 25 ans et M. C... H... celui de 30 ans, le revenu disponible retenu au point précédent doit être regardé comme étant partagé selon les ratios suivants : 60 % pour Mme H..., 20 % pour M. F... H... et 20 % pour M. C... H.... Il résulte de l'instruction que ces deux derniers ont perçu un capital décès de 9 784,24 euros chacun ainsi qu'une pension d'orphelin versée de mai 2007 à septembre 2012 pour un montant global de 7 380 euros s'agissant de M. F... H... et à titre viager pour M. C... H..., soit un montant global de 13 200 euros pour la période de mai 2007 à mai 2017. S'agissant de M. F... H..., son préjudice propre correspond à la différence entre sa part dans le revenu disponible, soit 20 % de 12 800 euros, multiplié par un euro de rente de 9,979 correspondant à un homme ayant 15 ans à la date d'attribution et 25 ans à la date de dernier arrérage selon la gazette du palais 2020, laquelle peut servir de base de liquidation du préjudice contrairement à ce que soutient l'hôpital, et le montant cumulé du capital décès et de la pension d'orphelin perçue pendant cette même période. Il s'ensuit que M. F... H... a droit à la somme de 26 344,56 moins 17 164,24 euros, soit 9 180,32 euros. S'agissant de M. C... H..., son préjudice propre correspond à la différence entre sa part dans le revenu disponible, soit 20 % de 12 800 euros, multiplié par un euro de rente de 8,990 correspondant à un homme ayant 20 ans à la date d'attribution et 30 ans à la date de dernier arrérage selon la gazette du palais 2020, et le montant cumulé du capital décès et de la pension d'orphelin perçue pendant cette même période. Il s'ensuit que M. C... H... a droit à la somme de 23 014,40 moins 22 984,24 euros, soit 30,16 euros. S'agissant enfin de Mme H..., son préjudice propre peut être calculé à sa part dans le revenu disponible, soit 60 % de 12 800 euros, multiplié par un euro de rente de 9,818 correspondant à une femme ayant 53 ans à la date d'attribution et 63 ans à la date de dernier arrérage selon la gazette du palais 2020, diminué du capital décès perçu par l'intéressée pour un montant de 8 977,86 euros. Il s'ensuit qu'elle a droit à la somme de 66 424,38 euros au titre de son préjudice économique pour cette période.

15. Pour la période postérieure à mai 2017, il résulte de l'instruction que s'il est soutenu que M. C... H..., atteint d'autisme sévère, ne peut être pris en charge que par sa mère, et non en institution, ces allégations ne sont pas établies alors qu'il est mis en exergue la fragilité de l'état de santé de Mme H... suite au décès de son époux. Dans ces conditions, nonobstant le handicap supporté par M. C... H..., il n'est pas établi qu'il subirait un préjudice économique au-delà de l'âge de trente ans retenu pour fixer la période à laquelle il a droit à réparation d'un tel préjudice. Au demeurant, au vu du point précédent, son préjudice économique s'avère faible compte tenu notamment de la pension d'orphelin perçu à titre viager et alors que les aides perçues en raison de son handicap n'ont pas été prises en compte dans les calculs. S'agissant de Mme H..., son préjudice sera justement évalué en retenant un montant de 12 800 euros multiplié par un euro de rente de 24,394 correspondant à une capitalisation à titre viager applicable à une femme âgée de 63 ans à la date d'attribution comme en l'espèce. Il s'ensuit que Mme H... a droit à la somme 312 243,20 euros au titre de son préjudice économique pour cette période.

16. Il découle des points précédents que le préjudice économique de Mme J... H... peut être évaluée à 378 667,58 euros, celui de M. F... H... à 9 180,32 euros et celui de M. C... H... à 30,16 euros. Compte tenu de la part de responsabilité retenue, l'ONIAM sera condamné à verser à Mme H... la somme de 340 800,82 euros, à M. F... H... celle de 8 262,29 euros et à M. C... H... celle de 24,43 euros tandis que le CHU de Saint-Etienne devra leur verser respectivement 37 866,76 ; 918,03 et 3,07 euros.

S'agissant des préjudices d'accompagnement et d'affection des consorts H... :

17. L'état de M. H... s'est dégradé le 24 avril 2007. Il a été hospitalisé le 27 avril 2007 et est décédé le lendemain. Mme H..., son épouse, était à ses côtés. Compte tenu de la durée de cet accompagnement, il en sera fait une juste appréciation par l'octroi d'une somme de 1 000 euros.

18. M. H... est brutalement décédé à l'âge de 57 ans, nonobstant sa pathologie. Dans ces conditions, la réparation du préjudice d'affection de Mme H... a été correctement évaluée par le tribunal administratif de Lyon à hauteur de 20 000 euros.

19. La réparation du préjudice d'affection de M. C... H... et de M. F... H... n'a pas été insuffisamment évalué par le tribunal administratif de Lyon en allouant la somme de 16 000 euros chacun.

20. La réparation du préjudice d'affection de Mme D... H... et de M. G... H..., majeurs à la date du décès, a été également correctement estimée par l'octroi d'une somme de 6 500 euros à chacun.

21. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection d'Andréane L..., petite-fille de M. H..., née le 27 août 2005, en lui accordant une somme de 3 000 euros.

22. Il découle des points précédents que les préjudices d'accompagnement et d'affection peuvent être évalués à 21 000 euros s'agissant de Mme H..., à 16 000 euros s'agissant de MM. F... et Lenny H..., à 6 500 euros s'agissant de Mme D... H... et de M. G... H... et enfin de 3 000 euros s'agissant de Mme K... L.... Compte tenu du partage de responsabilité retenu, l'ONIAM est condamné à verser la somme de 18 900 euros à Mme H..., celle de 14 400 euros chacun à MM. F... et Lenny H..., celle de 5 850 euros chacun à Mme D... H... et M. G... H... et enfin celle de 2 700 euros à Mme K... L... tandis que le CHU de Saint-Etienne est condamnée à verser la somme de 2 100 euros à Mme H..., celle de 1 600 euros chacun à MM. F... et Lenny H..., celle de 650 euros chacun à Mme D... H... et M. G... H... et enfin celle de 300 euros à Mme K... L....

23. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-7 du code civil courent à compter de la réception de la demande préalable à l'administration ou, à défaut, de l'enregistrement de la requête introductive d'instance. Les requérants ont droit, ainsi qu'ils le demandent, aux intérêts sur les sommes mentionnées aux points précédents mises à la charge de l'ONIAM au titre de la solidarité et du CHU de Saint-Etienne au titre de sa faute à l'origine d'une perte de chance d'éviter le décès, en réparation de leurs préjudices en ce qui les concerne, à compter du 19 avril 2017, date de leur demande préalable d'indemnisation.

En ce qui concerne la créance de l'Etat :

24. Le ministre de l'éducation nationale sollicite tout d'abord une somme de 131,50 euros au titre des traitements et accessoires de traitement, abondés des charges patronales y afférent, versés à M. H... le 28 avril 2007. Toutefois, il n'établit pas de lien entre ce versement et le décès de M. H... alors que celui-ci était en congés maladie. En revanche, l'Etat est fondé à réclamer au seul CHU de Saint-Etienne le remboursement du capital-décès versées aux ayants droit, soit la somme de 2 854,63 euros, après application du taux de perte de chance de 10 %. Il s'ensuit que les conclusions incidentes de l'Etat tendant à la majoration de la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Lyon doivent être rejetées.

En ce qui concerne les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire:

25. Il y a lieu de confirmer le jugement du tribunal administratif de Lyon sur ce point en condamnant le seul CHU de Saint-Etienne à verser à la CPAM de la Loire la somme de 528,75 euros correspondant à l'application du taux de perte de chance de 10 % au montant des débours exposés pour le prise en charge de M. H... pour un montant global de 5 287,50 euros ainsi qu'une somme de 176,25 euros au titre de l'indemnité de gestion.

Sur les frais liés au litige :

26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM et du CHU de Saint-Etienne le versement d'une somme de 750 euros chacun au consorts H..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et le CHU de Saint-Etienne sont condamnés à verser à la succession H... respectivement la somme de 17 287,20 euros et celle de 1 920,80 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 19 avril 2017.

Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne sont condamnés à verser à Mme H... les sommes de 363 646,42 et 40 405, 16 euros respectivement, à M. F... H... les sommes de 22 669,29 et 2 518,03 euros respectivement, à M. C... H..., représenté par Mme J... H..., les sommes de 14 424,43 et 1 603,07 euros respectivement, à Mme D... H... les sommes de 5 850 et 650 euros respectivement, et à Mme D... H..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille K... L..., les sommes de 2 700 et 300 euros respectivement. Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2007.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1806153 en date du 16 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne verseront aux consorts H... et autres une somme de 750 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... H..., MM. Steven, Lenny et F... H..., à Mme D... H..., au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, à la mutuelle générale de l'éducation nationale, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.

La rapporteure,

E. Conesa-Terrade

Le président,

J-P. Gayrard

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02231


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award