La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°21LY00267

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 juin 2022, 21LY00267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... et Mme B... E..., agissant en leurs noms personnels et en qualité de représentants légaux de leurs deux enfants Mme C... E... et M. A... E..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à leur verser, pour le compte de M. E..., la somme de 1 260 872,48 euros, pour le compte de Mme E... la somme de 20 000 euros et, pour le compte de leurs enfants, la somme de 30 000 euros, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à

la suite de la prise en charge de M. E... dans cet établissement le 2 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... et Mme B... E..., agissant en leurs noms personnels et en qualité de représentants légaux de leurs deux enfants Mme C... E... et M. A... E..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à leur verser, pour le compte de M. E..., la somme de 1 260 872,48 euros, pour le compte de Mme E... la somme de 20 000 euros et, pour le compte de leurs enfants, la somme de 30 000 euros, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite de la prise en charge de M. E... dans cet établissement le 2 avril 2014.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à lui verser la somme de 562 166,25 euros au titre du remboursement des prestations servies à M. E....

Par un jugement n° 1908371 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser, d'une part, à M. E... une somme de 271 918,47 euros, une rente de 1 507,23 euros, versée tous les sept ans, ainsi qu'une rente trimestrielle dont le montant, avant revalorisation, ne pourra excéder ni 2 751,62 euros, ni la différence entre 2 927,26 euros et les sommes versées au titre de la prestation de compensation du handicap, correspondant à un besoin d'aides humaines, à Mme E... une somme de 9 400 euros et à M. A... E... une somme de 450 euros, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire une somme de 293 950,05 euros en remboursement de ses débours, ainsi qu'une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et une rente annuelle de 16 465,26 euros, et a rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2021 et des mémoires enregistrés le 22 juin 2021 et le 28 décembre 2021, M. D... E..., Mme B... E..., Mme C... E... et M. A... E..., représentés par Me Lavocat, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1908371 du 8 décembre 2020 en ce que le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs prétentions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser à M. D... E... une somme de 1 886 522,26 euros, à Mme B... E... une somme de 15 000 euros, à Mme C... E... une somme de 10 000 euros et à M. A... E... une somme de 10 000 euros ;

3°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019 ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, outre les frais de l'expertise, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M. E... n'a pas bénéficié d'une information préopératoire, liée notamment au risque d'accident vasculaire cérébral inhérent à la levée des anticoagulants, conforme aux dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;

- l'opérateur a manqué de rigueur dans la préparation de la colectomie réalisée le 2 avril 2014 ; le geste d'hémicolectomie qui a été pratiqué était inadapté à l'état du patient, ce qui a eu pour conséquence d'occulter une seconde lésion suspecte ; le geste opératoire du 3 juillet 2014, qui avait pour objet de fermer l'iléostomie justifiée par la survenue d'une fistule à la suite de l'opération de l'hémicolectomie initiale, révèle un manque de préparation de l'opérateur ; ces manquements sont de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône ;

- cette prise en charge défaillante est à l'origine d'une perte de chance, devant être estimée à 94 % au regard des éléments issus de l'expertise, d'éviter la survenue de l'accident vasculaire cérébral ischémique qui a notamment causé une hémiplégie ;

- il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a ainsi reconnu la responsabilité du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône et en ce qu'il a indemnisé leurs préjudices à hauteur d'un taux de perte de chance de 94 % ;

- M. E... a droit à :

* la somme de 90,70 euros au titre de frais de copie et de droits d'accès à un téléviseur lors de ses séjours hospitaliers ;

* la somme de 220,15 euros au titre des frais de déplacement pour se rendre à des consultations et aux opérations de l'expertise ;

* la somme de 98 228,30 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne pour la période du 11 octobre 2015 au 31 décembre 2021, déduction faite de la prestation de compensation du handicap qui lui a été versée ;

* la somme capitalisée de 536 609,91 euros, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 %, au titre des frais d'assistance par une tierce personne pour la période postérieure au 31 décembre 2021 ;

* la somme capitalisée de 900 609,06 euros au titre de la perte de gains professionnels, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 % ;

* la somme de 47 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 % ;

* la somme de 1 740 euros au titre de l'assistance aux opérations de l'expertise ;

* la somme de 24 601,55 euros au titre des frais d'aménagement d'un véhicule, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 % ;

* la somme de 25 724,04 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 % ;

* la somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 % ;

* la somme de 15 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 % ;

* la somme de 258 147 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 % ;

* la somme de 15 000 euros au titre du préjudice sexuel, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 % ;

* la somme de 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 % ;

* la somme de 15 000 euros au titre du préjudice d'impréparation ;

- l'indemnisation par le versement d'une rente est complexe à appliquer en pratique et, en outre, soumise à l'impôt sur le revenu ; M. E... est fondé à solliciter que l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, de l'aménagement du véhicule et de l'assistance permanente par une tierce personne soit versée sous forme de capital et non sous forme d'une rente ;

- Mme E... a droit, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 %, à la somme de 15 000 euros au titre du préjudice d'affection qu'elle a subi ;

- Mme C... E... et M. A... E..., enfants majeurs de M. E..., ont droit chacun à la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'affection qu'ils ont subis, compte tenu d'un taux de perte de chance de 94 %.

Par des mémoires en défense enregistrés le 29 mars 2021 et le 20 décembre 2021, le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, représenté par Me Fabre, conclut :

1°) au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce que l'indemnité accordée à M. E... excède, outre la rente qui lui a été allouée au titre des besoins d'assistance par une tierce personne, la somme de 229 347,63 euros, et à ce que l'indemnité allouée à Mme C... E... soit limitée à la somme de 450 euros ;

3°) à ce que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dépens de l'instance soit réduites à de plus justes proportions.

Il soutient que :

- il ne conteste pas le jugement attaqué en ce qu'il a retenu le manquement commis dans la prise en charge de M. E... engageait sa responsabilité pour faute et était à l'origine d'une perte de chance de 94 % pour l'intéressé d'éviter un accident vasculaire cérébral ;

- il n'y avait pas lieu d'informer M. E... sur le risque de survenue d'un accident vasculaire cérébral, et, dès lors, d'un risque d'hémiplégie dès lorsqu'il ne s'agit pas d'une information habituellement délivrée ; en outre, même informé de ce risque, M. E... n'aurait pas renoncé à l'intervention qui était indispensable ; le préjudice moral d'impréparation droit ainsi être écarté ;

- l'indemnité due à M. E... au titre des frais divers doit être limitée, compte tenu du taux de perte de chance de 94 %, à la somme de 51,70 euros s'agissant de frais de photocopies ;

- M. E... ne justifie pas de la réalité des frais de déplacement qu'il allègue ;

- il a droit à une somme limitée à 56 915,56 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne entre le 11 octobre 2015 et le 31 décembre 2021 ;

- pour l'avenir, il convient de confirmer la rente allouée par les premiers juges pour réparer le besoin en tierce personne, en en limitant le montant trimestriel à la somme de 2 751,62 euros ;

- M. E... ne justifie pas des revenus professionnels qu'il percevait avant le fait générateur ; il n'est pas dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle ; il n'établit pas qu'il aurait obtenu une promotion ; il n'a subi aucune perte de gains professionnels futurs ;

- la somme de 2 000 euros allouée par les premiers juges au titre de l'incidence professionnelle est suffisante, dès lors que le reliquat de pension d'invalidité versée par la caisse primaire d'assurance maladie doit être imputé sur ce poste de préjudice ;

- M. E... ne justifie pas du coût de l'adaptation d'un véhicule à son handicap de sorte que le jugement contesté sera réformé sur ce point ;

- le montant des frais d'assistance à expertise doit être limité, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 1 635,60 euros ;

- la somme de 12 862,02 euros allouée par les premiers juges au titre du déficit fonctionnel temporaire doit être confirmée ;

- l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent ne saurait excéder la somme de 134 182,75 euros, après déduction du reliquat de la pension d'invalidité ;

- l'indemnité allouée au titre des souffrances endurées doit être limitée, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 9 400 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire doit être limité à la somme de 4 700 euros, compte tenu du taux de perte de chance ;

- la somme de 6 800 euros allouée par les premiers juges au titre du préjudice esthétique permanent doit être confirmée ;

- le préjudice sexuel allégué n'est pas établi ;

- la somme de 2 800 euros allouée par les premiers juges au titre du préjudice d'agrément doit être confirmée ;

- la somme de 9 400 euros allouée par les premiers juges à Mme E... au titre du préjudice d'affection doit être confirmée ;

- l'indemnisation des enfants de la victime ne saurait excéder la somme de 450 euros chacun ;

- il sera donné acte des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire sollicitant la confirmation des articles 6 et 7 du jugement attaqué.

Par un mémoire enregistré le 15 juin 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain, ayant pour mandataire la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, représentée par Me Rognerud, conclut à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'outre les dépens, la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône a commis des fautes dans l'information et les soins prodigués à M. E... à l'origine d'un taux de perte de chance de 94 % ;

- elle a droit à la somme de 163 648,81 euros au titre des dépenses de santé actuelles et à la somme de 48 543,65 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, compte tenu du taux de perte de chance ;

- elle a droit à la somme de 38 506,27 euros au titre des dépenses de santé futures et à la somme de 43 251,32 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, compte tenu du taux de perte de chance, outre une rente annuelle de 16 465,26 euros ;

- il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'établissement de santé à lui verser une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Vu les autres pièces du dossier.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées en appel par Mme C... E... dès lors que ses conclusions étaient irrecevables devant le tribunal administratif.

Par un mémoire enregistré le 20 mai 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire a présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rousseau, représentant le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 avril 2014, M. E..., alors âgé de 40 ans, a subi au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône une colectomie, rendue nécessaire par la découverte, lors d'une coloscopie pratiquée le 27 mars précédent, de deux polypes localisés au niveau du colon droit et du colon transverse. Toutefois, lors de cette intervention, il a été procédé seulement à l'exérèse de la première de ces lésions, l'opérateur n'ayant pas recherché la seconde d'entre elles. Le 29 avril 2015, une nouvelle colectomie a été pratiquée dans ce même établissement afin de procéder à l'ablation du polype du colon transverse. Préalablement à cette intervention, le traitement par anticoagulants suivi par M. E..., en raison de la pose en 2013 d'une valve mitrale, a été interrompu afin de limiter le risque hémorragique et remplacé par un traitement de substitution par héparine. Dans les suites immédiates de cette intervention, M. E... a été victime d'un accident vasculaire cérébral ischémique. Il est resté atteint d'une hémiparésie gauche. Estimant que ces dommages étaient liés aux conditions de sa prise en charge au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, M. E... et son épouse, en leurs noms propres et en leur qualité de représentants légaux de leurs deux enfants, ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande indemnitaire. Par un jugement du 8 décembre 2020, le tribunal administratif a condamné l'établissement, d'une part, à verser à M. E... une somme de 271 918,47 euros ainsi qu'une rente trimestrielle au titre de l'assistance par une tierce personne et une rente versée tous les sept ans au titre des frais d'aménagement d'un véhicule, à Mme E... une somme de 9 400 euros, et à M. A... E... une somme de 450 euros, d'autre part à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire une somme de 293 950,05 euros en remboursement de ses débours, ainsi qu'une rente annuelle de 16 465,26 euros. Les consorts E... relèvent appel de ce jugement en vue d'obtenir la majoration des sommes qui leur ont été allouées. Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident, à ce que l'indemnité totale allouée à M. E... soit ramenée, outre la rente qui lui a été accordée au titre des besoins d'assistance par une tierce personne, à la somme de 229 347,63 euros.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône :

En ce qui concerne les fautes médicales :

2. Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône ne conteste pas en appel que sa responsabilité est engagée, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, à raison du manquement commis par l'équipe médicale de cet établissement de santé, laquelle n'a pas procédé, lors de la colectomie pratiquée le 2 avril 2014, à la résection de la plus volumineuse des deux lésions du colon dont était porteur M. E... et qui avait été identifiée, ce qui a nécessité une nouvelle intervention, imposant au préalable une modification du traitement anticoagulant que suivait l'intéressé, laquelle a été à l'origine d'une perte de chance pour le patient d'éviter un accident vasculaire cérébral ischémique, dont il conserve des séquelles. Il n'est pas davantage contesté en appel que l'ampleur de cette chance perdue a justement été évaluée par les premiers juges, au vu notamment des indications fournies par les experts, à 94 %.

En ce qui concerne le manquement au devoir d'information :

3. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

4. Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône ne rapporte pas la preuve, ni même ne soutient que M. E..., porteur d'une valve mitrale et auquel était administré un traitement anticoagulant, a, préalablement à la colectomie, été informé du risque grave d'accident vasculaire cérébral qui s'est produit et dont il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, qu'il est connu et fréquent, dans les suites d'une telle chirurgie nécessitant l'interruption du traitement anticoagulant. Alors même que les experts ont relevé qu'il ne serait pas d'usage de délivrer une telle information aux patients, ce manquement du médecin à son devoir d'information est, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices subis par M. E... :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant à l'assistance par une tierce personne :

5. D'une part, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

6. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune. Ces règles ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.

7. Il résulte des dispositions des articles L. 245-1, L. 245-3, L. 245-4, et L. 245-7 du code de l'action sociale et des familles que le montant de la prestation de compensation du handicap peut être déduit d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne. Ainsi qu'il a été dit au point 6, lorsque l'auteur de la faute n'est tenu de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction n'a lieu d'être que lorsque le montant cumulé de l'indemnisation incombant normalement au responsable et de l'allocation ainsi que de son complément excède le montant total des frais d'assistance par tierce personne. L'indemnisation doit alors être diminuée du montant de cet excédent.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif, que, du 11 octobre 2015 au 11 octobre 2016, l'état de santé de M. E..., en lien avec les séquelles de l'accident vasculaire cérébral, a requis l'aide d'une tierce personne à raison de trois heures par jour. Dès lors que l'aide par une tierce personne consiste en une aide à l'habillage, la toilette et la préparation des repas, laquelle peut être fournie par un personnel non spécialisé, il y a lieu de calculer la somme due à partir d'un taux horaire de 14 euros, légèrement supérieur au coût horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance alors applicable, majoré des cotisations sociales, afin de tenir compte des majorations de rémunération pour travail du dimanche et non, comme le fait valoir M. E..., à partir d'un taux horaire de 22,21 euros. Au cours de la période en cause, M. E... a été hospitalisé durant deux jours, les 28 et 29 octobre 2015. Compte tenu du taux horaire de 14 euros, du nombre de 365 jours au cours desquels l'aide par un tiers a été requise entre le 11 octobre 2015 et le 11 octobre 2016 après déduction de la période d'hospitalisation, et dès lors qu'une année doit être calculée sur la base de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, les besoins en assistance d'une tierce personne à domicile doivent être évalués, sur cette période à la somme de 17 304 euros.

9. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction, et notamment de l'expertise, que M. E... a eu besoin, entre le 12 octobre 2016 et le 30 juin 2022, date du présent arrêt, soit durant 2 088 jours, d'être assisté par une tierce personne à raison de deux heures par jour. Sur la base d'un taux horaire moyen évalué à partir du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui s'établissait alors à 14,10 euros, majoré à 14,50 euros pour tenir compte de la rémunération pour travail du dimanche, et d'une année de 412 jours, les frais au titre de l'aide d'une tierce personne sur cette période s'élèvent ainsi à la somme de 68 349,11 euros.

10. Le préjudice résultant de la nécessité, pour M. E..., de recourir à l'aide d'une tierce personne, doit ainsi être évalué, pour la période du 11 octobre 2015 au 30 juin 2022, à la somme de 85 653,11 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 94 %, l'indemnisation due par le centre hospitalier ne saurait dépasser la somme de 80 513,92 euros. M. E... a perçu, à compter du mois de janvier 2018, un aide mensuelle de 177,96 euros au titre de la prestation de compensation du handicap, soit, sur la période considérée, un total de 9 431,88 euros. Le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations de compensation du handicap, soit 89 945,80 euros, excède de 4 292,69 euros le montant total des frais d'assistance par une tierce personne, soit 85 653,11 euros. Par suite, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier, telle que précédemment déterminée, doit être fixée à la somme de 76 221,23 euros.

11. En troisième lieu, s'agissant des futurs d'assistance par tierce personne non échus à la date du présent arrêt, il y a lieu de fixer le tarif horaire à 15 euros afin de tenir compte du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales et de la majoration de rémunération pour travail du dimanche. Compte tenu de ce tarif horaire, d'une assistance quotidienne de deux heures, de ce qu'une année doit être calculée sur la base de 412 jours pour prendre en compte les majorations de rémunération liées aux congés payés et au travail les jours fériés, le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône doit être condamné, au titre de cette assistance par une tierce personne après la date du présent arrêt, à verser à M. E... une rente annuelle, et non un capital compte tenu de l'âge de la victime, née en 1974, et de son taux d'incapacité permanente partielle, de 11 618,40 euros, versée trimestriellement. Le taux horaire de 15 euros sera revalorisé annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Les sommes perçues au titre de prestations d'assistance par tierce personne en seront, le cas échéant, déduites, comme indiqué aux points 6 et 7 du présent arrêt, dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations perçues excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. Il appartiendra en conséquence à M. E... de fournir au centre hospitalier les justificatifs établissant le montant des prestations qu'il est susceptible de percevoir à ce titre. La rente pourra ainsi, le cas échéant, être minorée ou suspendue sous le contrôle du juge de l'exécution de la décision fixant l'indemnisation.

Quant à la perte de gains professionnels avant consolidation :

12. Il résulte de l'avis d'impôt sur le revenu produit à l'instance, que M. E... a tiré de son activité professionnelle de chef d'équipe dans une entreprise de métallurgie, dans laquelle il était employé depuis 1994, un revenu annuel net de 27 801 euros au titre de l'année 2012. Si M. E... produit, pour la première fois en appel, une attestation de son ancien employeur, rédigée six ans après les faits, indiquant que l'intéressé aurait pu prétendre à évoluer professionnellement vers un emploi de chef d'équipe ou de chef d'atelier, il résulte des indications fournies par le requérant lui-même qu'il occupait déjà, avant son accident vasculaire cérébral, un tel emploi de chef d'équipe. Dès lors, il n'est pas établi M. E... aurait justifié d'une chance sérieuse d'augmenter ses revenus professionnels à l'avenir, alors qu'ils ont été relativement stables entre 2012 et mars 2015. Il y a donc lieu de retenir ses revenus obtenus en 2012 comme référence pour le calcul des ressources de l'intéressé. Entre le 29 avril 2015, date à laquelle l'accident vasculaire cérébral a été révélé dans les suites de l'intervention, et le 29 avril 2018, date de consolidation de son état, M. E... aurait dû percevoir des revenus à hauteur de 83 403 euros. Il résulte des bulletins de paie et des avis d'imposition sur le revenu produits que M. E... a perçu des revenus nets, incluant les indemnités journalières puis une pension d'invalidité versée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, à hauteur de 18 113,23 euros entre le 29 avril 2015 et le 31 décembre 2015, de 29 664 euros au titre de l'année 2016, de 32 014 euros au titre de l'année 2017, et de 9 812 euros du 1er janvier 2018 au 29 avril 2018 soit un total, sur la période considérée, de 89 603,23 euros. Par suite, M. E... n'a pas subi de perte de gains professionnels avant consolidation.

Quant à la perte de gains professionnels après consolidation et l'incidence professionnelle :

13. Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du même code, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire les pertes de revenus professionnels résultant de l'incapacité permanente et l'incidence professionnelle de cette incapacité, et ne saurait être imputée sur un poste de préjudice personnel.

14. Il convient, en conséquence, de déterminer si l'incapacité permanente conservée par M. E... à la suite des séquelles de son accident vasculaire cérébral a entraîné pour lui des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils ont donné lieu au versement d'une pension d'invalidité. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices ont été réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels après consolidation et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur à celui perçu au titre de la pension.

15. Il résulte de l'instruction que M. E..., dont les séquelles de l'accident vasculaire cérébral qu'il a subi se traduisent par une hémiparésie du côté dominant et des troubles neurologiques associés, ne peut plus exercer sa profession de chef d'équipe dans une entreprise métallurgique. Il a d'ailleurs été licencié pour inaptitude physique le 1er juin 2016. En revanche, il résulte de l'instruction, notamment d'un avis émis par le médecin du travail, que M. E... n'est pas inapte à l'exercice de toute fonction, et, en particulier, serait apte à l'exercice d'un emploi administratif à temps partiel. Dès lors, il n'est pas établi que M. E..., âgé de 44 ans à la date de consolidation fixée au 29 avril 2018, n'aurait pas été en mesure d'opérer une reconversion professionnelle. Dans ces conditions, compte tenu notamment de l'âge de M. E..., des restrictions apportées à l'exercice d'une activité professionnelle à raison de l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime et de la pénibilité accrue à toute activité, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'incidence professionnelle qu'il a subi, distinct de la perte de gains professionnels futurs, en mettant à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, après application du taux de perte de chance, la somme de 9 400 euros à lui verser à ce titre.

16. Il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire a versé à M. E... une pension d'invalidité de catégorie 2 à compter du 1er février 2016. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 12, M. E... n'établit pas qu'il aurait eu une chance sérieuse d'augmenter ses revenus professionnels par rapport à ceux qu'il a perçus en 2012. Ainsi, le revenu mensuel net moyen que M. E... aurait dû percevoir s'élève à la somme de 2 316,75 euros. Ainsi, M. E... aurait dû percevoir entre le 29 avril 2018 et le 30 juin 2022, soit durant 50 mois, des revenus issus de son activité professionnelle à hauteur de 115 837,50 euros soit, après application du taux de perte de chance, la somme de 108 887,25 euros.

17. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 15 et 16, la perte de revenus depuis la consolidation de son état de santé et l'incidence professionnelle subie par M. E... s'élèvent à la somme totale, après application du taux de perte de chance, à la somme de 118 287,25 euros. Il résulte des avis d'impôt sur le revenu produits que M. E... a perçu, postérieurement à la consolidation, des revenus nets mensuels moyens, issus de la pension d'invalidité qu'il perçoit, de 2 453 euros en 2018 et de 2 456 euros en 2019. M. E..., qui ne précise pas le montant des revenus qu'il a perçus au-delà de l'année 2019, n'établit pas ni même ne soutient qu'il aurait, depuis lors, perçu des revenus d'un montant différent. Par suite, en tenant compte d'une augmentation annuelle de 0,0015 % des revenus de l'intéressé, au vu de la progression constatée entre 2018 et 2019, les revenus perçus par M. E... entre le 29 avril 2018 et le 30 juin 2022 doivent être fixés à la somme de 123 007 euros. Dès lors, la perte de revenus subie par M. E... sur cette période ainsi que son incidence professionnelle ont été intégralement réparées par la pension d'invalidité qui lui a été allouée.

Quant aux frais d'aménagement d'un véhicule :

18. Il résulte du rapport d'expertise que le handicap de M. E... nécessite l'utilisation d'un véhicule équipé d'une boîte automatique et d'une boule avec commandes au volant. M. E... produit un devis duquel il résulte que le coût d'installations de commandes au volant s'élève à la somme de 1 603,44 euros. Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône ne conteste pas utilement que le surcoût moyen d'un véhicule doté d'une boîte automatique par rapport à un véhicule pourvu d'une boîte de vitesse manuelle est de l'ordre de 2 000 euros. En outre, il y a lieu, en l'absence de circonstances particulières, de prendre en compte un renouvellement du véhicule tous les sept ans et non tous les cinq ans. Dès lors que ces aménagements ont été rendus nécessaires en raison des séquelles imputables à la faute dont M. E... a été victime, 94 % de leur coût doivent être pris en charge par le centre hospitalier. Dans ces conditions, M. E... est seulement fondé à soutenir, dans le cadre d'un renouvellement tous les sept ans de son véhicule, que le montant de la rente que les premiers juges lui ont alloués à ce titre soit portée à la somme de 3 387,23 euros.

Quant aux frais divers :

19. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation émise le 2 mars 2016 par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, que M. E... justifie avoir exposé la somme de 55 euros au titre de la reproduction de son dossier médical. Ces frais, qui résultent entièrement du dommage subi, doivent être intégralement remboursés au requérant par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.

20. En deuxième lieu, M. E... demande la prise en charge d'une somme de 35,70 euros correspondant à des frais qu'il a exposés lors de ses hospitalisations entre décembre 2013 et octobre 2015 pour la location d'un poste de télévision. Il résulte des justificatifs produits que les frais exposés en décembre 2013, à hauteur de 31,20 euros, l'ont été à l'occasion d'hospitalisations qui n'étaient pas imputables à la faute commise par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône. En revanche, les frais exposés à ce titre en octobre 2015 et justifiés à hauteur de 4,50 euros l'ont été lors d'une hospitalisation imputable à une crise d'épilepsie en lien l'accident vasculaire cérébral subi par M. E... et directement lié à la faute commise par le centre hospitalier. Par suite, M. E... est fondé, compte tenu du taux de perte de chance de 94 %, à réclamer à ce titre la somme de 4,23 euros.

21. En troisième lieu, M. E... justifie avoir supporté des honoraires de médecin conseil pour l'assistance aux opérations de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon pour un montant de 1 740 euros. Il justifie également s'être rendu à quatre reprises au cabinet de ce médecin conseil, situé à Lyon et distant de 36 km de son domicile, lui ayant occasionné des frais de déplacement pour un montant de 171,36 euros. Ces frais, qui résultent entièrement du dommage subi, doivent être intégralement remboursés au requérant par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône. Il y a lieu, par suite, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 911,36 euros à ce titre.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

22. Il résulte du rapport de l'expertise que M. E... a subi, en lien avec l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime, un déficit fonctionnel temporaire total du 27 avril 2015 au 10 octobre 2015 puis les 28 et 29 octobre 2015, soit durant 169 jours, puis un déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 80 % du 11 au 27 octobre 2015 et du 30 octobre 2015 au 28 avril 2018, soit durant 929 jours. En allouant à M. E... la somme de 12 862,02 euros, tenant compte du taux de perte de chance, les premiers juges ont fait une appréciation de ce préjudice qui n'est pas insuffisante.

Quant au déficit fonctionnel permanent :

23. M. E..., âgé de 44 ans à la date de consolidation de son état, subit, ainsi qu'il résulte en particulier de l'expertise, un déficit fonctionnel permanent de 65 %, en lien avec l'hémiparésie du côté dominant et les troubles neurocognitifs qui y sont associés. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, la pension d'invalidité, qui répare les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, ne saurait être imputée sur un poste de préjudice personnel. Par suite, les arrérages de la pension d'invalidité ne peuvent, en tout état de cause, être imputés sur l'indemnisation allouée au titre du déficit fonctionnel permanent subi par M. E.... Le tribunal administratif a fait une évaluation de ce préjudice qui n'est, ni insuffisante, ni exagérée, en en fixant la réparation, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 160 000 euros.

Quant aux souffrances endurées :

24. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise que M. E... a subi des douleurs, en lien avec la faute commise, évaluées à 4,5 sur une échelle de 7. Le tribunal administratif n'a pas fait une évaluation insuffisante ou exagérée de ce chef de préjudice en fixant l'indemnité allouée au requérant à ce titre à la somme de 10 000 euros, après application du taux de perte de chance.

Quant au préjudice esthétique temporaire :

25. Selon le rapport d'expertise, le préjudice esthétique temporaire, consistant en une altération de l'apparence physique de M. E... du fait de l'hémiplégie gauche dont il a été affecté jusqu'à sa consolidation, a été évalué à 5 sur une échelle de 7. En allouant à M. E... la somme de 12 000 euros, compte tenu du taux de perte de chance, les premiers juges ont fait une appréciation de ce préjudice qui, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, n'est pas excessive.

Quant au préjudice esthétique permanent :

26. M. E... a subi un préjudice esthétique permanent, évalué par les experts à 4 sur une échelle de 7, consistant en une hémiparésie séquellaire et une déformation abdominale associée à une éventration médiane. Les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation insuffisante du préjudice esthétique permanent subi par M. E... en l'indemnisant, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 6 800 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

27. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que, du fait des séquelles dont il demeure atteint, M. E... n'a pas pu reprendre les activités sportives et de loisirs qu'il pratiquait auparavant, et a été contraint en particulier d'arrêter le football, le ski alpin, le VTT ainsi que la pêche. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de l'indemnité due en réparation de ce préjudice en la fixant, compte tenu du taux de perte de chance, à 2 800 euros.

Quant au préjudice sexuel :

28. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en ayant fixé à 2 800 euros, compte tenu du taux de perte de chance, le préjudice sexuel subi à raison des séquelles de l'hémiparésie, les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice.

S'agissant du préjudice spécifique d'impréparation fondé sur le défaut d'information du patient :

29. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

30. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, M. E... est en droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer psychologiquement aux risques liés à l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime et qui se sont produits. Il résulte des circonstances de l'espèce que le tribunal n'a fait une évaluation, ni excessive, ni insuffisante, du préjudice moral d'impréparation subi par l'intéressé en lui allouant à ce titre une indemnité de 3 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme E... :

31. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice d'affection subi par l'épouse de M. E... en l'évaluant, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 9 400 euros.

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme C... E... et M. A... E... :

32. En premier lieu, M. A... E..., qui était âgé de 13 ans à la date de l'accident vasculaire cérébral de son père, a subi un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en portant l'indemnité qui lui est due, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 2 000 euros.

33. En second lieu, lorsqu'un requérant présente des conclusions au nom de son enfant majeur, le juge ne peut, eu égard au lien de parenté en cause, rejeter comme irrecevable un telle demande sans avoir au préalable invité l'intéressé à régulariser sa demande en la faisant signer par son enfant.

34. Par un mémoire en défense qui a été communiqué par le tribunal administratif de Lyon le 26 février 2020 aux consorts E..., le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône a soulevé une fin de non-recevoir tirée de ce que l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. et Mme E... pour le compte de leur fille, Mme C... E..., qui était majeure à la date d'introduction de la demande. En dépit de cette fin de non-recevoir, Mme C... E... n'a pas régularisé sa demande indemnitaire. Elle n'est, par suite, pas recevable à présenter, pour la première fois en appel, des conclusions indemnitaires en son nom propre. De telles conclusions doivent, dès lors, être rejetées.

35. Il résulte de ce qui précède que M. E... est seulement fondé à demander que l'indemnité de 271 918,47 euros que les premiers juges ont mis à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône soit portée à la somme de 288 453,84 euros. Les frais d'assistance par une tierce personne pour l'avenir ainsi que les frais d'aménagement d'un véhicule seront réparés sous la forme du versement de rentes selon les modalités décrites respectivement aux points 11 et 18. Mme A... E... est fondé à demander que l'indemnité que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier à lui verser soit portée la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi.

Sur les intérêts :

36. Les consorts E... ont droit, ainsi qu'ils le demandent pour la première fois en appel, aux intérêts au taux légal sur les sommes qui leur sont dues par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à compter du 10 juillet 2019, date de réception de leur réclamation indemnitaire préalable par l'hôpital.

Sur les dépens :

37. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

38. D'une part, les frais de déplacement des parties pour se rendre auprès de l'expert désigné par une juridiction administrative faisant partie des dépens, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, les frais de déplacement en voiture, dont M. E... justifie valablement avoir dû supporter pour se rendre de son domicile aux opérations des expertises ordonnées par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon, qui se sont tenues à Lyon le 27 juin 2018. Compte tenu de la distance de 82 km parcourue par M. E... pour se rendre aux opérations de l'expertise, et sur la base du barème kilométrique de l'administration fiscale applicable au cours de l'année 2018, pour les distances inférieures à 5 000 kilomètres, lequel prévoit respectivement un montant de 0,595 euro par kilomètre parcouru pour un véhicule de plus de sept chevaux, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à ce titre la somme de 48,79 euros.

39. D'autre part, il y a lieu de maintenir à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône les frais de l'expertise, ordonnée le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, et taxés et liquidés à la somme de 4 920 euros par ordonnance du président de ce tribunal du 19 mars 2019.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

40. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, partie tenue aux dépens, la somme de 1 500 euros à payer à M. E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 271 918,47 euros que le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône a été condamné à verser à M. E... par l'article 1er du jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est portée à la somme de 288 453,84 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019.

Article 2 : Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône versera à M. E..., par trimestre échu, une rente au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne dont le montant annuel, fixé à 11 618,40 euros à la date du présent arrêt, sera déterminé selon les modalités fixées au point 11 du présent arrêt. Le taux horaire servant au calcul de cette rente sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Les sommes perçues par M. E..., dont il lui appartiendra de justifier annuellement, au titre de la prestation de compensation du handicap ou de toute autre prestation équivalente, seront déduites de cette rente.

Article 3 : Le montant de la rente versée tous les sept ans que le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône a été condamné à verser à M. E... par l'article 2 du jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est porté à 3 387,23 euros.

Article 4 : La somme de 9 400 euros que le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône a été condamné à verser à Mme B... E... par l'article 4 du jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon portera intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019.

Article 5 : La somme de 450 euros que le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône a été condamné à verser à M. A... E... par l'article 5 du jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est portée à 2 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019.

Article 6 : Les frais d'expertise, soit 4 920 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, ainsi les frais de déplacement, soit 48,79 euros, que M. E... a dû supporter pour se rendre auprès de l'expert.

Article 7 : Le jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône versera à M. E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à Mme B... E..., à M. A... E..., à Mme C... E..., au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

J.-P. GayrardLa greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00267


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award