Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 20 mai au 31 décembre 2011, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1602050 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son activité de loueur de meublé non professionnel entre dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des b et c du 4° de l'article 261 D du code général des impôts et ce, même si elle n'a pas encore débuté en raison de l'inachèvement de son chalet ;
- le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ne dépend pas de l'exploitation effective du bien ainsi qu'il en résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-DED-50-20-10 n° 90 du 12 septembre 2012 ;
- il n'a jamais cessé son activité ; elle est toujours au stade préparatoire et va faire l'objet d'une relance d'exploitation dans le futur ;
- seul le cas de la fraude écarte le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; or, il n'est pas coupable d'une fraude mais victime d'une escroquerie ;
- la majoration de 40 % n'est pas due puisque les rappels de taxe sur la valeur ajoutée envisagés ne le sont pas ; en tout état de cause, elle n'est pas justifiée ; l'administration a commis une faute grave en se basant sur un faux document et lui fait subir une discrimination par rapport à au moins un autre propriétaire de chalet.
Par un mémoire, enregistré le 8 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a acquis, le 18 mai 2011, auprès de la SARL Le Parc de Saint-Paulien, promoteur immobilier, un chalet de 83 m² et 216/10 000ème de la propriété du sol et des parties communes d'un ensemble immobilier comprenant 60 logements destinés à la location touristique édifiés par cette société à Saint-Paulien (Haute-Loire). Le même jour, il a conclu avec la SARL Société d'exploitation du domaine de Chantoiseau un bail commercial d'une durée de neuf ans stipulant que les locaux seraient consacrés par le preneur à l'exploitation d'une activité para-hôtelière et que le bail serait assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée par le bailleur. M. D... a déposé, au titre de la période du 20 mai au 31 décembre 2011, une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée faisant apparaître une taxe sur la valeur ajoutée déductible de 37 104 euros et un crédit de taxe de 37 036 euros dont il obtenu le remboursement. Il a fait l'objet, en 2014, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, l'administration fiscale, après avoir constaté que l'activité exercée ne respectait pas les conditions fixées au a) et au b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ouvrant droit à l'assujettissement de la location à la taxe sur la valeur ajoutée, a estimé qu'elle était exonérée et a remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déductible déclarée. Les droits de taxe sur la valeur ajoutée correspondants, rappelés suivant la procédure contradictoire, ont été assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. M. D... relève appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
2. Aux termes de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. " Aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".
3. M. D... ne conteste pas ne pas avoir fait parvenir à l'administration fiscale d'observations, dans le délai de trente jours prévu à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales à compter de la notification de la proposition de rectification du 24 décembre 2014 par laquelle l'administration a porté à leur connaissance les rappels de taxe sur la valeur ajoutée envisagés. Il doit dès lors être regardé comme ayant accepté ces rappels et, de ce fait, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition mise à sa charge.
4. D'une part, aux termes de l'article 261 D de ce code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / a. Aux prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés, les villages de vacances classés ou agréés et les résidences de tourisme classées lorsque ces dernières sont destinées à l'hébergement des touristes et qu'elles sont louées par un contrat d'une durée d'au moins neuf ans à un ou plusieurs exploitants qui ont souscrit un engagement de promotion touristique à l'étranger dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat ; / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées aux a ou b, à l'exclusion de celles consenties à l'exploitant d'un établissement mentionné à l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation dont l'activité n'ouvre pas droit à déduction (...) ". Ces dispositions ont pour effet d'inclure dans le champ de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée toute mise à disposition d'un local meublé dès lors que les conditions prévues au a), b) ou c) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ne sont pas remplies.
5. D'autre part, aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. " Selon le 1 du I de l'article 271 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. "
6. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière de celles de l'article 9 paragraphe 1 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée que le droit à déduction, qui prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le fournisseur, reste acquis, dès lors que l'assujetti s'est acquitté du prix des biens ou services et détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, même lorsque l'activité économique envisagée ne donne pas lieu à des opérations ouvrant droit à déduction ou lorsque l'assujetti n'a pas utilisé les biens ou services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d'une opération taxable, comme il prévoyait de le faire, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et en l'absence de toute intention frauduleuse ou abusive.
7. Il résulte de l'instruction que pour remettre en cause le droit de M. D... à déduction du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix du bien immobilier acquis, l'administration fiscale a retenu que les conditions posées par les a) et b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts n'étaient pas remplies, et ce, dès son acquisition, en raison de l'état d'inachèvement du chalet et de l'impossibilité pour la SARL Société d'exploitation du domaine de Chantoiseau d'exploiter le bien dans les conditions prévues par le bail commercial conclu, en mai 2011, avec M. D....
8. Ce dernier soutient que l'achat du chalet constitue un acte préparatoire en vue d'exercer une activité de loueur de meublé non professionnel entrant dans le champ du b) ou du c) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, que son projet est toujours au stade préparatoire compte tenu de la mise en liquidation judiciaire du promoteur immobilier, la SARL Le Parc de Saint-Paulien, et de l'exploitant, la SARL Société d'exploitation du domaine de Chantoiseau mais qu'il poursuit les démarches, en lien avec la commune de Saint-Paulien et d'autres propriétaires privés pour concrétiser son projet, qu'il a toujours eu l'intention de commencer une activité économique non exonérée de taxe sur la valeur ajoutée et qu'il n'a pas participé à une fraude et a été victime d'une escroquerie.
9. Il résulte de l'instruction, et en particulier des propres déclarations de M. D... aux services de police, à l'occasion de son dépôt de plainte, le 19 mars 2015, à l'encontre des dirigeants de la SARL Le Parc de Saint-Paulien pour abus de confiance, escroquerie et dégradations d'un bien appartenant à autrui, que l'intéressé, qui soutient avoir toujours eu l'intention d'exercer une activité économique non exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, n'a visité son bien immobilier qu'en novembre 2014, à l'occasion de la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet, et qu'il a alors découvert, soit plus de trois ans après l'acquisition du bien et la conclusion d'un bail commercial en vue de son exploitation dans le cadre d'une activité para-hôtelière, l'état d'inachèvement du chalet rendant impossible son utilisation à des opérations taxables, et ce alors que l'acte de vente signé le 18 mai 2011 porte la mention que l'intéressé avait visité les lieux avant de s'en porter acquéreur. Il ne conteste pas n'avoir déposé aucune déclaration de résultats relative à son activité de loueur de meublé non professionnel malgré les relances et mises en demeure adressées par le service depuis mai 2011. S'il fait valoir qu'il a, au cours de la période vérifiée, perçu des produits de l'exploitation du chalet par la SARL Société d'exploitation du domaine de Chantoiseau, il ne l'établit pas et ce, alors que l'administration indique, dans son courrier du 7 octobre 2016 rejetant sa réclamation contentieuse, que les sommes perçues correspondent, non à des loyers, mais à des indemnités d'assurance. La circonstance que la société d'exploitation et le promoteur immobilier ont été mis en liquidation judiciaire en novembre 2013 et en février 2014 et qu'il aurait été victime d'escroquerie de leur part n'est pas de nature à établir que l'exploitation du chalet dont il s'est porté acquéreur aurait été retardée pour des raisons indépendantes de sa volonté et ce, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait, avant ces mises en liquidation judiciaire, engagé la moindre démarche pour faire achever les travaux de construction du chalet et rendre possible son utilisation à des opérations taxables. Par ailleurs, la seule production d'un courrier électronique d'une autre propriétaire de chalet, daté du 31 mai 2017, selon lequel le projet de reprise du Parc de Saint-Paulien se poursuit ainsi que d'une lettre du maire de Saint-Paulien du 7 juin 2017, dont M. D... n'est pas le destinataire, évoquant le projet de la commune de contribuer à la réhabilitation du parc de chalets en se portant acquéresse des lots invendus, ne sauraient suffire à établir que l'appelant, sur qui pèse la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition mise à sa charge, a mis en oeuvre les moyens nécessaires à la concrétisation de l'activité économique projetée depuis mai 2011. Il en résulte que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déductible déclarée et que M. D... ne pouvait prétendre au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée.
10. Enfin, l'appelant n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative référencée BOI-TVA-DED-50-20-10 du 12 septembre 2012 qui, postérieure à l'année d'imposition en litige, n'ajoute au demeurant rien à la loi fiscale.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
12. Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations, et d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
13. En se bornant, pour justifier l'application de la majoration de 40 %, à faire valoir que M. D... n'a pas été en mesure, au cours de la vérification de comptabilité, d'apporter les pièces justificatives de l'assujettissement de son activité de loueur de meublé non professionnel aux dispositions du a) ou du b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts et qu'il ne pouvait ignorer que l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée pour laquelle il avait opté dans le cadre de son activité déclarée était inapplicable dès l'origine, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les manquements relevés procèdent d'une intention délibérée de M. D... d'éluder l'impôt dû.
14. Il résulte de ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des majorations pour manquement délibéré dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été assortis.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... dans la présente instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : M. D... est déchargé de la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 20 mai au 30 décembre 2011.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 janvier 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2021.
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N° 19LY01439