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17/06/2021 | FRANCE | N°19LY01424

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 19LY01424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... et Violette A... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1700251 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, M. et

Mme A..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... et Violette A... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1700251 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, M. et Mme A..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des intérêts de retard correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration ne conteste pas que l'activité de loueur en meublé non professionnel de M. A... entrait dans le champ du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, jusqu'au 7 octobre 2014, date de résiliation du bail commercial ;

- il n'y a pas eu de cessation de cette activité au sens fiscal mais une simple interruption durant laquelle la volonté de poursuivre l'activité s'est traduite par la recherche d'un nouvel exploitant ; cette situation de vacance locative temporaire ne remet pas en cause le droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi qu'il en résulte de la doctrine fiscale référencée BOI-TVA-CHAMP-50-10 n° 180 du 4 avril 2014, de la décision n° C-672/16 de la Cour de justice de l'Union européenne du 28 février 2018 et de la décision n° 00LY02614 de la cour administrative d'appel de Lyon du 23 février 2006 ;

- tant que la renonciation définitive de l'activité n'est pas démontrée, les services fiscaux ne sont pas en droit de procéder à une régularisation de taxe sur la valeur ajoutée ; cette renonciation suppose nécessairement, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, l'examen du comportement du contribuable sur une période raisonnable postérieure à la période vérifiée ;

- l'interruption de location s'explique par les circonstances particulières de l'espèce.

Par un mémoire, enregistré le 8 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont acquis, le 26 novembre 2010 auprès de la SARL Le Parc de Saint-Paulien, promoteur immobilier, un chalet de 83 m² et 216/10 000ème de la propriété du sol et des parties communes générales d'un ensemble immobilier comprenant 60 logements destinés à la location touristique édifiés par cette société à Saint-Paulien (Haute-Loire). Le même jour, ils ont conclu avec la SARL Société d'exploitation du domaine de Chantoiseau un bail commercial d'une durée de neuf ans stipulant que les locaux seraient consacrés par le preneur à l'exploitation d'une activité para-hôtelière et que le bail serait assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée par le bailleur. Cette activité n'étant pas exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, M. et Mme A... ont obtenu le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix du bien acquis d'un montant de 34 824 euros. M. A... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a constaté la résiliation anticipée du bail commercial, le 7 octobre 2014, à la suite de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la SARL Société d'exploitation du domaine de Chantoiseau par un jugement du tribunal de commerce du Puy-en-Velay du 29 novembre 2013. Elle en a déduit que l'ensemble immobilier avait cessé d'être utilisé à des opérations ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et a, en application du 4° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, procédé à la régularisation de la taxe initialement déduite. En conséquence, elle a réclamé à M. et Mme A..., selon la procédure contradictoire, des droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 d'un montant de 26 118 euros en droits auxquels ont été appliqués les intérêts de retard d'un montant de 1 253 euros. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande de décharge de cette imposition et des intérêts de retard.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. " Aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

3. M. et Mme A... ne contestent pas ne pas avoir fait parvenir à l'administration fiscale d'observations, dans le délai de trente jours prévu à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales à compter de la notification de la proposition de rectification du 22 janvier 2016 par laquelle l'administration a porté à leur connaissance les rappels de taxe sur la valeur ajoutée envisagés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. Ils doivent dès lors être regardés comme ayant accepté ces rappels et, de ce fait, supportent la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition mise à leur charge.

4. D'une part, aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. " En vertu du b du 4° de l'article 261 D de ce code, l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, applicable aux locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation, ne s'applique pas " aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. " Selon le 1 du I de l'article 271 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. "

5. D'autre part, l'article 185 de la directive 2006/112/CE prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée déduite lors de l'acquisition d'un bien utilisé pour les besoins des opérations taxées d'un assujetti doit faire l'objet d'une régularisation " lorsque les modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, entre autres en cas d'achats annulés ou en cas de rabais obtenus. " L'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, qui transpose notamment l'article 185 de la directive 2006/112/CE, prévoit que cette déduction est définitivement acquise, sous réserve des dispositions suivantes : " III.-1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : (...) 4° Lorsqu'il vient en cours d'utilisation à être utilisé à des opérations ouvrant droit à déduction ou, sous réserve du 5°, lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations ouvrant droit à déduction ; / 5° Lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations imposables (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière de celles de l'article 9 paragraphe 1 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée que le droit à déduction, qui prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le fournisseur, reste acquis, dès lors que l'assujetti s'est acquitté du prix des biens ou services et détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, même lorsque l'activité économique envisagée ne donne pas lieu à des opérations ouvrant droit à déduction ou lorsque l'assujetti n'a pas utilisé les biens ou services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d'une opération taxable, comme il prévoyait de le faire, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et en l'absence de toute intention frauduleuse ou abusive.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, pour exiger de M. et Mme A..., la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que le bail commercial, conclu le 26 novembre 2010 par les appelants avec la SARL Société d'exploitation du domaine de Chantoiseau, a été résilié le 7 octobre 2014 par le mandataire judiciaire de cette société placée en liquidation judiciaire.

8. Il résulte de l'instruction que si M. et Mme A... ont acquis un chalet entièrement construit, le programme global de création d'un centre de vacances n'a pas été mené à son terme avant la mise en liquidation judiciaire de la société exploitante et du promoteur immobilier. M. et Mme A... ont, dès la résiliation du bail commercial le 7 octobre 2014, déposé plainte pour escroquerie le 15 octobre 2014 avant de constater quelques jours plus tard, que leur bien immobilier, comme d'autres sur le site, avait fait l'objet d'actes de vandalisme et avait été entièrement vidé de ses meubles et appareils électroménagers, rendant ainsi son exploitation aux fins d'une activité de location taxable impossible. Il résulte également de l'instruction que M. et Mme A... ont entrepris des démarches, avec d'autres propriétaires privés et la commune de Saint-Paulien, laquelle s'est portée acquéresse des lots invendus, pour trouver les partenaires et financements en vue de faire réaliser les travaux de reprise du programme dans l'optique d'une exploitation touristique. Leurs démarches ont d'ailleurs abouti à la conclusion, le 23 septembre 2018, d'un bail commercial avec la société Sogeval en vue de l'exploitation de leur bien à des opérations d'hébergement avec prestations para-hôtelières, ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Il en résulte que M. et Mme A... apportent la preuve qui leur incombe d'une part, de ce qu'ils n'ont pu utiliser leur bien immobilier à des opérations ouvrant droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée pour des raisons indépendantes de leur volonté et d'autre part, de leur intention, malgré la résiliation du bail commercial le 7 octobre 2014, de poursuivre l'exploitation de leur bien aux fins d'une activité taxable. L'administration ne pouvait donc exiger d'eux la régularisation de la taxe initialement déduite. C'est par suite à tort qu'elle a fait application du 4° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts au motif que la résiliation de bail commercial était de nature à caractériser la cessation définitive de l'utilisation par M. et Mme A... de leur ensemble immobilier à des opérations ouvrant droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme A... au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700251 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et Violette A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2021.

2

N° 19LY01424


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-03-08 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Cessation ou modification d'activité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : DUVAUX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Date de la décision : 17/06/2021
Date de l'import : 29/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY01424
Numéro NOR : CETATEXT000043698840 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-17;19ly01424 ?
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