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01/06/2021 | FRANCE | N°20LY01082

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 01 juin 2021, 20LY01082


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Optical Center a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 13 décembre 2018 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a rejeté le recours formé par le docteur E... contre une décision du conseil départemental de l'ordre des médecins du Rhône refusant sa demande d'exercice sur site distinct et de mettre à sa charge la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901040 du 14 janvier 2020, l

e tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Optical Center a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 13 décembre 2018 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a rejeté le recours formé par le docteur E... contre une décision du conseil départemental de l'ordre des médecins du Rhône refusant sa demande d'exercice sur site distinct et de mettre à sa charge la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901040 du 14 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars et 15 décembre 2020, la société Optical Center, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901040 du 14 janvier 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du conseil national de l'ordre des médecins du 13 décembre 2018 ;

3°) de condamner le conseil national de l'ordre des médecins à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt pour agir dès lors que la décision attaquée empêche le Dr E... de travailler dans sa clinique ;

- le tribunal administratif de Lyon a retenu à tort la légalité du motif tiré de l'absence d'autorisation de pratiquer la chirurgie réfractive en application des articles L. 6122-1 et R. 6122-25 du code de la santé publique dès lors qu'il s'agit d'actes de petite chirurgie sous anesthésie locale non pris en charge par la sécurité sociale, non réalisés sur un plateau technique hospitalier, non visés par le schéma régional de santé et relevant de la chirurgie esthétique ou des soins externes alors qu'aucun centre de chirurgie réfractive n'a fait l'objet d'une autorisation et que, par courriers des 26 mai 2015 et 29 décembre 2016, le ministre de la santé puis le directeur de l'agence régionale de santé lui ont indiqué que le traitement de la vue par laser est exclu du champ d'application de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique ;

- l'autre motif opposé par le conseil national de l'ordre des médecins est également illégal car il n'établit pas l'absence d'effectivité d'un suivi de qualité et de la continuité des soins des patients, aucune disposition légale ou réglementaire ne fait obligation à un médecin d'assurer lui-même la continuité des soins et d'autres décisions du conseil national ont retenu de plus grandes distances entre les lieux d'exercice professionnel ;

Par un mémoire, enregistré le 23 septembre 2020, le conseil national de l'ordre des médecins, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la société Optical Center soit condamnée à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requérante est dénuée d'intérêt pour agir contre cette décision qui ne concerne que le Dr E..., faute notamment d'intérêt légitime ;

- les moyens soulevés par la requérante sont infondés.

Un mémoire, enregistré le 27 avril 2021, pour la société Optical Center, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ;

- les observations de Me B..., représentant la société Optical Center ;

- et les observations de Me A..., représentant le conseil national de l'ordre des médecins.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 juin 2018, le Dr E..., ophtalmologue, a adressé au conseil départemental de l'ordre des médecins du Rhône une demande d'exercice sur un nouveau lieu visant la clinique de chirurgie réfractive exploitée par la société Optical Center. Cette demande a été rejetée par décision du 3 juillet 2018, notifiée le 22 août, laquelle a été confirmée par le conseil national de l'ordre des médecins le 13 décembre 2018. Par jugement du 14 janvier 2020, dont la société Optical Center relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 4127-85 du code de la santé publique : " Le lieu habituel d'exercice d'un médecin est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle il est inscrit sur le tableau du conseil départemental, conformément à l'article L. 4112-1. Un médecin peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle, sous réserve d'adresser par tout moyen permettant de donner date certaine à sa réception, au plus tard deux mois avant la date prévisionnelle de début d'activité, une déclaration préalable d'ouverture d'un lieu d'exercice distinct au conseil départemental dans le ressort duquel se situe l'activité envisagée. Ce dernier la communique sans délai au conseil départemental au tableau duquel le médecin est inscrit lorsque celui-ci a sa résidence professionnelle dans un autre département. La déclaration préalable doit être accompagnée de toutes informations utiles à son examen. Le conseil départemental dans le ressort duquel se situe l'activité envisagée ne peut s'y opposer que pour des motifs tirés d'une méconnaissance des obligations de qualité, sécurité et continuité des soins et des dispositions législatives et règlementaires. Le conseil départemental dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration pour faire connaitre au médecin cette opposition par une décision motivée. Cette décision est notifiée par tout moyen permettant de donner date certaine à sa réception. La déclaration est personnelle et incessible. Le conseil départemental peut, à tout moment, s'opposer à la poursuite de l'activité s'il constate que les obligations de qualité, sécurité et continuité des soins ne sont plus respectées. Les décisions prises par les conseils départementaux peuvent faire l'objet d'un recours hiérarchique devant le conseil national. Ce recours hiérarchique doit être exercé avant tout recours contentieux. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 6122-1 du code précité : " Sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation ou d'hospitalisation à domicile, et l'installation des équipements matériels lourds. / La liste des activités de soins et des équipements matériels lourds soumis à autorisation est fixée par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 6122-3 du même code : " L'autorisation ne peut être accordée qu'à : / 1° Un ou plusieurs médecins, éventuellement associés pour leur exercice professionnel ou pour la mise en commun de moyens nécessaires à cet exercice ; / 2° Un établissement de santé ; / 3° Une personne morale dont l'objet porte, notamment, sur l'exploitation d'un établissement de santé, d'une activité de soins (...) ". Aux termes de l'article R. 6122-25 de ce même code : " Sont soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 6122-1 les activités de soins, y compris lorsqu'elles sont exercées sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation, énumérées ci-après : / 1° Médecine ; / 2° Chirurgie ; (...) ". Aux termes de l'article R. 6121-4 de ce même code : " Les alternatives à l'hospitalisation mentionnées à l'article L. 6121-2 ont pour objet d'éviter une hospitalisation à temps complet ou d'en diminuer la durée. Les prestations ainsi dispensées se distinguent de celles qui sont délivrées lors de consultations ou de visites à domicile. / Ces alternatives comprennent les activités de soins dispensées par : (...) 2° Les structures pratiquant l'anesthésie ou la chirurgie ambulatoires. / (...) Dans les structures pratiquant l'anesthésie ou la chirurgie ambulatoires sont mis en oeuvre, dans des conditions qui autorisent le patient à rejoindre sa résidence le jour même, des actes médicaux ou chirurgicaux nécessitant une anesthésie ou le recours à un secteur opératoire ". Enfin, aux termes de l'article D. 6124-301-1 de ce code : " Les structures d'hospitalisation à temps partiel de jour ou de nuit et les structures pratiquant l'anesthésie ou la chirurgie ambulatoires dispensent les prises en charge prévues à l'article R. 6121-4, d'une durée inférieure ou égale à douze heures, ne comprenant pas d'hébergement, au bénéfice de patients dont l'état de santé correspond à ces modes de prise en charge. / Les prestations délivrées équivalent par leur nature, leur complexité et la surveillance médicale qu'elles requièrent à des prestations habituellement effectuées dans le cadre d'une hospitalisation à temps complet. (...) ". Il résulte de ces dispositions que sont soumis à autorisation les actes chirurgicaux qui, se distinguant des prestations délivrées lors de consultations ou de visites à domicile, nécessitent une anesthésie au sens de l'article D. 6124-91 du code de la santé publique ou le recours à un secteur opératoire, lequel doit être conforme à des caractéristiques fixées par arrêté du ministre chargé de la santé en vertu de l'article D. 6124-302 du même code, prévoyant notamment une zone opératoire protégée propre à garantir la réduction maximale des risques de nature infectieuse. Ces actes peuvent être pratiqués dans le cadre d'une activité alternative à l'hospitalisation, au sein de structures qui ne sont pas nécessairement des établissements de santé, à la condition toutefois que cette activité ait été autorisée par l'agence régionale de santé et satisfasse aux conditions précisées notamment par les articles D. 6124-301-1 et suivants du code de la santé publique.

4. Il découle du point précédent que la chirurgie réfractive, impliquant une incision de la cornée de l'oeil effectuée par un ophtalmologue et l'application préalable d'une anesthésie locale sous forme de collyre et faisant appel à un équipement dédié répondant à des conditions techniques spécifiques dans un environnement nécessitant une asepsie, est une activité de chirurgie ambulatoire soumise à autorisation au sens des articles L. 6122-1 et R. 6122-25 du code de la santé publique. La double circonstance que l'acte pratiqué ne fasse pas actuellement l'objet d'un remboursement par l'assurance maladie ou qu'il soit communément considéré comme un soin à visée de confort est sans incidence sur l'obligation d'autorisation préalable d'une telle activité, alors, au demeurant, que la chirurgie esthétique peut être soumise à une telle autorisation. La société Optical Center ne peut utilement se prévaloir de la réglementation en termes de tarification pour contester l'obligation d'autorisation préalable de l'activité en cause. De même, s'il est constant que le schéma régional de santé de Rhône-Alpes en vigueur ne comporte aucun élément propre à la chirurgie réfractive, bien que traitant néanmoins de la chirurgie ambulatoire, ceci ne fait nullement obstacle à ce que l'agence régionale de santé procède à l'instruction d'une demande d'autorisation au regard des autres critères prévus par l'article L. 6122-2 du code précité.

5. La société Optical Center se prévaut néanmoins d'une lettre du 9 juillet 2015 du ministre de la santé et d'un courrier de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes du 29 décembre 2016 lui indiquant tous les deux que le traitement de la vision par laser est exclu du champ d'application de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique. Toutefois, ces courriers de réponse à une demande de renseignement de la part de la société Optical Center ne peuvent être regardés, ni comme lui accordant une autorisation tacite, ni comme une prise de position formelle de l'administration qui lui serait opposable. Elles ne constituent donc pas des décisions créatrices de droit dont la société requérante pourrait se prévaloir dans la présente instance. La société Optical Center ne peut davantage utilement faire valoir que les autres centres de chirurgie réfractive autonomes ne sont pas actuellement autorisés pour contester l'obligation lui incombant à ce titre. Il s'ensuit, comme l'a retenu le tribunal administratif de Lyon, que le conseil national de l'ordre des médecins a pu à bon droit retenir qu'en l'absence d'autorisation de réaliser de la chirurgie réfractive, le lieu d'exercice distinct méconnait les dispositions législatives et réglementaires sus rappelées et, pour ce seul motif, justifier de son refus d'autoriser le Dr E... à exercer au sein de la clinique exploitée par la société Optical Center. Si cette dernière soutient que le conseil national de l'ordre des médecins a opposé un autre motif tiré de l'absence d'effectivité d'un suivi de qualité et de la continuité des soins, ce motif, même à le supposer irrégulier, n'a été retenu par le conseil qu'à titre surabondant.

6. Il découle de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la société Optical Center n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société Optical Center et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SAS Optical Center le versement d'une somme de 1 500 euros au conseil national de l'ordre des médecins au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Optical Center est rejetée.

Article 2 : La société Optical Center versera au conseil national de l'ordre des médecins une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Optical Center, à M. D... E... et au conseil national de l'ordre des médecins.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président,

Mme C..., première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.

N° 20LY01082 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01082
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-01-02 Professions, charges et offices. Conditions d'exercice des professions. Médecins. Règles diverses s'imposant aux médecins dans l'exercice de leur profession.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CAYOL CAHEN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-01;20ly01082 ?
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