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30/03/2021 | FRANCE | N°19LY03382

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 mars 2021, 19LY03382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 103 020 euros, assortie des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices subis du fait de la délivrance d'informations et de documents lui ayant laissé croire qu'il avait la possibilité d'exercer la profession d'opticien-lunetier, et de mettre à la charge de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes la somme de 2 000 euros en application

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 103 020 euros, assortie des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices subis du fait de la délivrance d'informations et de documents lui ayant laissé croire qu'il avait la possibilité d'exercer la profession d'opticien-lunetier, et de mettre à la charge de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1808173 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 août 2019 et un mémoire enregistré le 11 décembre 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1808173 du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme totale de 113 020 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des indications qui lui ont été données quant à l'exercice des fonctions de technicien de laboratoire d'optique lunetterie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes a commis une faute en lui délivrant une attestation d'inscription au fichier dénommé ADELI sur la liste départementale de la profession de technicien de laboratoire le 6 juillet 2016 puis une carte professionnelle le 10 mars 2017 ; il a, du fait de ces agissements, cru être autorisé à exercer la profession de technicien de laboratoire d'optique-lunetterie ;

- les dépenses qu'il a engagées pour la location d'un local professionnel, la réalisation de travaux et l'achat de matériel sont consécutives à la faute commise par l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes ;

- il justifie de diplômes lui permettant d'exercer l'activité de monteur et de vendeur d'équipement d'optique-lunetterie, raison pour laquelle il a fait une effectué une demande de carte professionnelle en qualité de technicien de laboratoire d'optique-lunetterie et non d'opticien-lunetier ;

- il a droit à :

* la somme de 40 000 euros au titre de l'investissement qu'il a réalisé ;

* la somme de 1 820 euros au titre d'honoraires d'avocat ;

* la somme de 61 200 euros au titre de la perte de revenus ;

* la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral qu'il a subi.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- si M. D... s'est vu octroyer, par erreur, le 6 juillet 2016, une attestation d'inscription au répertoire ADELI sur la liste départementale de la profession de technicien de laboratoire, cette inscription a été annulée le même jour ;

- la fonction de technicien de laboratoire en optique n'existe pas ;

- l'erreur matérielle commise n'emportait aucune conséquence en ce qu'elle ne permettait pas à M. D... de se prévaloir de la qualification d'opticien-lunetier ni d'exercer cette activité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 12 juillet 2012 relatif à la mise en place d'un traitement de données à caractère personnel dénommé ADELI de gestion de l'enregistrement et des listes départementales de certaines professions et usages de titres professionnels ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. En 2013, M. D..., titulaire d'un diplôme marocain en optique-lunetterie, a sollicité l'autorisation d'exercer en France la profession d'opticien-lunetier. Par un courrier du 23 juillet 2013, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Rhône-Alpes a informé M. D... que ses diplômes et son expérience ne lui permettaient pas d'exercer la profession d'opticien-lunetier sur le territoire français. Le 8 octobre 2013, le ministre des affaires sociales et de la santé lui a confirmé qu'il ne remplissait pas les conditions posées aux articles L. 4362-2 et L. 4362-3 du code de la santé publique pour exercer la profession d'opticien-lunetier mais que son expérience lui permettait, au sens du répertoire national des certifications professionnelles, de travailler en qualité de monteur en optique-lunetterie auprès d'un opticien-lunetier. Par un courrier du 28 janvier 2015, le directeur général de l'ARS Rhône-Alpes a de nouveau informé M. D..., qui souhaitait créer un atelier d'optique-lunetterie, qu'il ne remplissait pas les conditions requises pour exercer la profession d'opticien-lunetier et ne pouvait, dans ces conditions, prétendre à une inscription à ce titre au fichier, dénommé ADELI, de gestion de l'enregistrement et des listes départementales de certaines professions réglementées par le code de la santé publique et usages de titres professionnels. Le 30 juin 2016, le directeur général de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes, saisi par M. D..., lui a une nouvelle fois confirmé qu'il ne disposait pas des diplômes et certificats ou titres mentionnés à l'article L. 4362-1 du code de la santé publique pour exercer et porter le titre d'opticien-lunetier.

2. Le 6 juillet 2016, cette même autorité a procédé à l'inscription de M. D... au fichier ADELI sur la liste départementale du Rhône de la profession de technicien de laboratoire. Le 13 mars 2017, M. D... s'est vu délivrer une carte professionnelle en qualité de " technicien de laboratoire médical ". M. D... a créé une société dénommée " Laboratoire d'optique-lunetterie ", immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 23 janvier 2017 et dont l'activité, consistant notamment dans la réalisation, le montage, la vente, l'importation et l'exportation d'équipements d'optique-lunetterie médicale ou non, a commencé le 1er mars 2017. Après avoir demandé le 26 avril 2017 à l'intéressé de cesser sans délai cette activité d'opticien-lunetier, le directeur général de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes a, par un courrier du 14 juin 2017, précisé à M. D... que son inscription le 6 juillet 2016 sur la liste départementale de la profession de technicien de laboratoire relevait d'une erreur matérielle qui a été corrigée le même jour et que cette qualification ne lui permettait pas, en toute hypothèse, d'exercer une activité d'opticien-lunetier. Estimant avoir été induit en erreur par la délivrance fautive d'une attestation d'inscription sur la liste départementale de la profession de technicien de laboratoire et d'une carte professionnelle en cette qualité, M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes à l'indemniser des préjudices ayant résulté de ces agissements fautifs. M. D... relève appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 4362-1 du code de la santé publique : " Sont tenues de se faire enregistrer auprès du service ou de l'organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé, avant leur entrée dans la profession, les personnes ayant obtenu un titre de formation ou une autorisation requis pour l'exercice de la profession d'opticien-lunetier. L'enregistrement de ces personnes est réalisé après vérification des pièces justificatives attestant de leur identité et de leur titre de formation ou de leur autorisation. (...) Il est établi, pour chaque département, par le service ou l'organisme désigné à cette fin, une liste de cette profession, portée à la connaissance du public. Un opticien-lunetier ne peut être inscrit que dans un seul département. Peuvent exercer la profession d'opticien-lunetier détaillant les personnes titulaires d'un diplôme, certificat ou titre mentionnés aux articles L. 4362-2 et L. 4362-3 enregistré conformément au premier alinéa. (...) ". Aux termes de l'article L. 4362-2 de ce code : " Les diplômes et certificats ou titres mentionnés à l'article L. 4362-1 sont le brevet de technicien supérieur opticien-lunetier et le brevet professionnel d'opticien-lunetier, ainsi que tout autre titre désigné par arrêté des ministres chargés du commerce, de l'économie et des finances, de l'enseignement supérieur et de la santé. L'opticien-lunetier peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l'Etat qui le lui a délivré. (...) L'intéressé porte le titre professionnel d'opticien-lunetier. "

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 4352-1 du même code : " Le technicien de laboratoire médical participe à la réalisation technique d'un examen de biologie médicale ou d'un examen d'anatomie et de cytologie pathologiques, sous la responsabilité d'un biologiste médical ou d'un médecin spécialiste qualifié en anatomie et cytologie pathologiques. Le technicien de laboratoire médical réalise des prélèvements dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. Le technicien de laboratoire médical participe, dans son champ de compétence, à des missions de santé publique. Il participe également à la permanence de l'offre de biologie médicale définie dans la zone concernée. Il peut être appelé à participer à des missions d'enseignement et de recherche, ainsi qu'aux programmes d'éducation thérapeutique du patient. " Selon l'article L. 4352-2 de ce code : " Peut exercer la profession de technicien de laboratoire médical et en porter le titre : 1° Une personne titulaire du diplôme d'Etat de technicien de laboratoire médical ; 2° Une personne titulaire d'un titre de formation dont le programme d'enseignement théorique et clinique est équivalent à celui du diplôme d'Etat de technicien de laboratoire médical et qui figure sur une liste arrêtée par les ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur ".

5. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 12 juillet 2012 relatif à la mise en place d'un traitement de données à caractère personnel dénommé ADELI de gestion de l'enregistrement et des listes départementales de certaines professions et usages de titres professionnels : " Les ministres chargés de la santé et de l'action sociale mettent en place un traitement dénommé ADELI de gestion de l'enregistrement et des listes départementales des personnes dont les professions sont réglementées par le code de la santé publique, sous réserve qu'elles ne soient pas prises en charge par le traitement prévu par l'arrêté du 6 février 2009 susvisé. (...) Ce traitement a pour finalité : 1. Pour tous les professionnels et usagers de titres, l'attribution de leur identifiant et la tenue des listes des personnes exerçant dans chaque département, conformément aux dispositions législatives et réglementaires relatives à chacune de ces professions et titres professionnels. (...) ". Aux termes de l'article 2 de cet arrêté : " 1. Le fichier départemental est constitué au niveau du département sous la responsabilité, d'une part, du directeur départemental chargé de la cohésion sociale s'agissant des données relatives aux assistants de service social et, d'autre part, du directeur général de l'agence régionale de santé s'agissant des données relatives aux autres professionnels et usagers de titres. (...) ".

6. Le 30 juin 2016, M. D... a demandé à être enregistré au répertoire ADELI en qualité de technicien de laboratoire. Le directeur général de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes a attesté de cette inscription le 6 juillet 2016, ce qui a permis à l'intéressé de se voir attribuer, le 13 mars 2017, une carte de professionnel de santé en qualité de technicien de laboratoire médical. M. D... a ainsi été inscrit, par erreur, au répertoire des techniciens de laboratoire médical, alors qu'il est constant qu'il ne remplissait pas des conditions posées à l'article L. 4352-2 du code de la santé publique pour exercer cette profession et en porter le titre.

7. M. D... fait valoir que ces agissements fautifs commis par les services de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes lui ont laissé croire qu'il était autorisé à exercer la profession de " technicien de laboratoire d'optique-lunetterie " à l'origine d'un préjudice financier ainsi que d'un préjudice moral. Toutefois, parmi les auxiliaires médicaux dont les professions sont réglementées par le code de la santé publique et donnent lieu à une inscription au répertoire ADELI au sens de l'article 1er de l'arrêté du 12 juillet 2012, ne figure pas, contrairement à ce que soutient le requérant, la profession de " technicien de laboratoire d'optique-lunetterie ". Les techniciens de laboratoire enregistrés dans le répertoire des professionnels de santé sont les techniciens de laboratoire médical, ainsi qu'il résulte au demeurant des mentions portées sur la carte professionnelle délivrée à tort à M. D..., qui sont dépourvues de tout lien avec des activités relevant de l'optique et de la lunetterie. Il ne résulte pas des mentions portées sur l'attestation d'inscription au répertoire ADELI délivrée à tort à M. D... le 6 juillet 2016, ou sur la carte professionnelle accordée subséquemment en qualité de technicien de laboratoire médical, que l'administration aurait laissé croire à l'intéressé qu'il pouvait exercer une activité en lien avec l'optique et la lunetterie, alors qu'il lui a été indiqué auparavant à quatre reprises, ainsi qu'il a été dit au point 1, qu'il ne satisfaisait pas aux conditions requises pour l'exercice de la profession d'opticien-lunetier sur le territoire français. En outre, les activités exercées par la société dont M. D... était le gérant, telles que mentionnées dans l'extrait K-Bis qu'il produit et décrites au point 2, relevaient de la profession d'opticien-lunetier et non, contrairement à ce qu'il soutient, d'une activité de monteur-vendeur en optique-lunetterie, exerçant sous l'autorité et l'encadrement d'un opticien-lunetier. Dès lors, si M. D... soutient que l'erreur commise par les services de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes serait fautive et lui aurait causé un préjudice, résultant, en premier lieu, des dépenses d'investissement qu'il a engagées pour le compte de la société Laboratoire d'optique-lunetterie, en deuxième lieu, des pertes de revenus qu'il a subies en qualité de gérant de cette société, en troisième lieu, des honoraires d'avocat qu'il a exposés ainsi qu'un préjudice moral lié à l'arrêt de son activité libérale, aucun lien de causalité entre l'erreur relevée au point 6 et ces chefs de préjudice ne peut être retenu.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires en tant qu'elles excèdent le montant demandé en première instance, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président de la formation de jugement,

Mme B..., première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

2

N° 19LY03382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03382
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Professions - charges et offices - Accès aux professions.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DEME

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-30;19ly03382 ?
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