Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 26 mars 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un certificat de résidence.
Par un jugement n° 1603817-1802136 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 26 mars 2018, a enjoint au préfet de délivrer à M. G... un certificat de résidence d'un an et a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juin 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 mai 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que :
- sa décision ne porte pas atteinte au droit de M. G... au respect de sa vie privée et familiale, dès lors que son union avec son épouse était récente, qu'il ne justifie pas d'une impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, dans lequel il possède par ailleurs des attaches, que les liens familiaux avec sa famille présente en France ne sont pas établis et que le refus de délivrance d'un titre de séjour n'implique pas une séparation durable des époux ;
- M. G... ne pouvait se prévaloir d'un droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'il avait connaissance de la précarité de sa situation.
Par un mémoire enregistré le 26 juillet 2019 régularisé le 30 juillet 2019, M. G..., représenté par Me I..., conclut au rejet de la requête, demande l'annulation de la décision attaquée, qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence et que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le tribunal administratif a parfaitement apprécié sa situation, que le jugement, dont le préfet relève appel, est fondé et devra être confirmé ; que le préfet n'a d'ailleurs pas contesté le jugement portant sur la mesure d'éloignement, qui a également été annulé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pommier, président.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... G..., ressortissant algérien né le 9 juillet 1964, déclare être entré sur le territoire français une première fois en 1998 puis, après un retour dans son pays d'origine, à nouveau en 2007. Le 6 novembre 2007, il a épousé Mme B... E..., ressortissante française, dont il a divorcé en 2016. Après avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2010, il a obtenu le 26 octobre de la même année, un visa de court séjour. Le 26 mars 2012, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, qu'il a contestée en vain devant le tribunal administratif de Grenoble et la cour administrative d'appel de Lyon. Le 28 septembre 2015, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des articles 6-2° et 7 bis a de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et, à l'expiration d'un délai de quatre mois, une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le préfet de l'Isère sur cette demande. Le 11 juillet 2016, il a eu un enfant avec Mme D... H..., ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence de dix années, avec laquelle il s'est marié le 21 janvier 2017. Par un arrêté du 26 mars 2018 le préfet de l'Isère s'est prononcé explicitement sur la demande présentée le 28 septembre 2015 et a refusé de délivrer à M. G... un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans. Le 30 mars 2018 le préfet de l'Isère a assigné M. G... à résidence. Par un jugement du 9 avril 2018 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence et a renvoyé devant la formation collégiale du tribunal les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 23 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. M. G... fait valoir qu'il s'est marié le 21 janvier 2017 avec une compatriote, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, qu'il est père d'un enfant né en 2016 de cette union, qu'il dispose d'une promesse d'embauche et que ses parents et ses frères vivent en France. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. En l'espèce, il est constant qu'un refus implicite de délivrance d'un titre de séjour est intervenu en janvier 2016, par conséquent M. G... se trouvait en situation irrégulière lorsqu'il a développé sa vie privée et familiale en France. Par suite, et alors au demeurant qu'il avait fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement, il ne pouvait ignorer qu'il était susceptible de se voir opposer un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. L'union dont il se prévaut et la communauté de vie avec son épouse étaient récentes à la date de l'arrêté du préfet, et aucun élément en dehors de la conception de leur enfant à la fin de l'année 2015 ne permet d'établir une relation antérieure. Rien ne s'oppose à ce que les époux G..., eu égard à leur nationalité commune, puissent développer, s'ils le désirent, leur vie familiale en Algérie. Il n'est pas non plus établi que leur enfant ne puisse vivre dans des conditions satisfaisantes en Algérie, quand bien même il est né en France. En outre si M. G... fait valoir résider habituellement sur le territoire français depuis dix ans, il a néanmoins vécu pour l'essentiel en Algérie, où il n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales. Si ses parents et ses frères, avec lesquels il n'est pas démontré qu'il entretient de relations suivies, résident en France, il n'en demeure pas moins qu'ils ont vécu séparés durant plusieurs années, son père étant entré en France en 1955, sa mère en 2001, son frère, Abdelkader, en 1964, et son frère Mohamed, en 1991. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, et nonobstant la circonstance que son épouse, Mme H..., y réside régulièrement, ainsi que ses parents et ses frères, le préfet en adoptant la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise. C'est dès lors à tort que, pour annuler la décision du préfet de l'Isère, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... devant le tribunal administratif de Grenoble et la cour.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. G... :
5. L'arrêté contesté a été signé par M. A... C..., sous-préfet chargé de mission auprès du préfet de l'Isère, qui, par arrêté du 3 novembre 2017 publié au recueil des actes administratifs spécial du 6 novembre 2017, a reçu délégation du préfet de l'Isère à l'effet de signer notamment les arrêtés d'obligation de quitter le territoire français avec refus de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit être écarté.
6. Il ressort des mentions de l'arrêté contesté que le refus de délivrance d'un titre de séjour a été pris après examen de la situation de M. G..., en tenant compte de la durée de sa présence sur le territoire français, de sa situation personnelle et familiale et des différentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Le préfet relève que M. G... entre dans la catégorie qui ouvre droit au regroupement familial et qu'il ne peut utilement se prévaloir de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". La décision en litige ne constitue pas une mesure d'éloignement, par conséquent elle n'a pas, par elle-même, pour effet de séparer l'enfant de son père. Ainsi, et eu égard en outre à la circonstance que le couple accompagné de son enfant peut reconstituer la cellule familiale en Algérie ou qu'une procédure de regroupement familial peut être mise en oeuvre, cette décision ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant du requérant. Le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être rejeté.
8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
9. Contrairement à ce que soutient M. G..., le préfet de l'Isère n'a commis aucune erreur de fait en examinant sa demande de titre de séjour, au regard, notamment, des articles 6-2 et 7 bis a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dès lors que même s'il ne s'était pas prévalu de ces articles, il était loisible au préfet d'examiner, ainsi qu'il l'a fait, la demande dont il était saisi, non seulement au regard des fondement invoqués mais aussi des autres fondements susceptibles de lui ouvrir droit à un titre de séjour.
10. A supposer même que l'arrêté attaqué comporte, dans le rappel de la situation de M. G..., des mentions inexactes quant au fait qu'il aurait obtenu frauduleusement le visa délivré en 2010 par les autorités consulaires françaises à Oran, et quant à l'absence de vie commune avec sa précédente épouse, dont il admet toutefois être séparé depuis 2010, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs retenus et qui étaient de nature à justifier légalement sa décision.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision, contenue dans l'arrêté du 26 mars 2018, refusant de délivrer à M. G... un certificat de résidence, et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence dans le délai de deux mois.
Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. G... :
12. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. G... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. G... demande au titre des frais non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1603817-1802136 du tribunal administratif de Grenoble en date du 23 mai 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller,
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
N° 18LY02423 2