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09/07/2020 | FRANCE | N°18LY03341

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 09 juillet 2020, 18LY03341


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... et Mme G... B... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. A... la somme de 2 242 682,04 euros au titre des préjudices subis du fait d'un défaut d'information médicale et de la survenance d'un accident médical, de condamner le centre hospitalier universitai

re de Clermont-Ferrand à verser à M. A... la somme de 10 000 euros au ti...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... et Mme G... B... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. A... la somme de 2 242 682,04 euros au titre des préjudices subis du fait d'un défaut d'information médicale et de la survenance d'un accident médical, de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à M. A... la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'impréparation, et à Mme A... la somme de 25 000 euros au titre du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence, d'assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2015, d'ordonner une mesure d'expertise afin d'évaluer le coût de l'adaptation du logement au handicap dont souffre M. A... et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM les dépens et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500873 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et l'ONIAM à verser à M. A..., à hauteur respectivement de 75 % et 25 %, une somme de 740 122,84 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2015, ainsi qu'une rente annuelle de 69 216 euros à compter du 1er juillet 2018, versée trimestriellement et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, a condamné le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à M. A... une somme de 3 000 euros et à Mme A... une somme de 3 750 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2015, a mis les frais d'expertise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM, à hauteur respective de 75 % et 25 %, a mis solidairement à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM le versement à M. et Mme A... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 30 août 2018, sous le numéro 18LY03341, et des mémoires enregistrés le 3 février 2020, le 24 février 2020 et le 15 juin 2020, l'ONIAM, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer n° 1500873 du 3 juillet 2018 en ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à M. A... la part résiduelle de son dommage ;

2°) de le mettre hors de cause ;

3°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, des préjudices esthétiques temporaire et permanent, des frais de logement adapté et des frais de matériel médical et de rejeter ou de réduire à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de M. A... pour les autres chefs de préjudices ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- compte tenu de la pathologie vasculaire préexistante de M. A..., l'angioplastie n'était pas recommandée, cette dernière étant directement à l'origine de l'hématome présenté par le patient, lequel est à l'origine de l'arrêt cardio-circulatoire et des séquelles neurologies ultérieures ; le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a ainsi fait courir des risques injustifiés au patient, qui sont à l'origine de ses séquelles actuelles, alors qu'un traitement médicamenteux aurait pu être mis en place, l'hypertension artérielle de M. A... n'étant pas devenue résistante au traitement médical ; ainsi, un choix thérapeutique erroné est à l'origine de l'entier dommage subi par M. A..., de sorte que la solidarité nationale n'a pas à intervenir ;

- l'étude médicale critique produite par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand n'a qu'une force probatoire limitée et ne permet pas de justifier que la prise en charge de M. A... a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science à la date de l'intervention, alors qu'une étude réalisée en 2008 relevait le bénéfice limité de l'angioplastie par rapport au traitement médicamenteux ;

- à titre subsidiaire, le défaut d'information sur les risques et les alternatives thérapeutiques est à l'origine pour M. A... d'une perte de chance totale de se soustraire à l'angioplastie ; ainsi, la part de l'obligation indemnitaire de l'ONIAM est nulle ; subsidiairement, le taux de perte de chance dû au défaut d'information ne peut être inférieur à 75 % ;

- subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour retiendrait une perte de chance d'au moins de 75 % imputable au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, la part résiduelle du dommage de M. A... est imputable à son état antérieur ;

- à titre infiniment subsidiaire, le montant de l'indemnisation due au titre du déficit fonctionnel temporaire ne saurait dépasser la somme de 12 964 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire ne saurait dépasser la somme de 3 000 euros ;

- le préjudice esthétique permanent a été justement évalué par le tribunal à la somme de 2 000 euros ;

- la réalité du préjudice lié aux frais de véhicule adapté n'est pas établie ;

- en l'absence de pièces complémentaires, l'évaluation des frais médicaux faite par les premiers juges sera confirmée ;

- le déficit fonctionnel permanent sera évalué à la somme de 144 143 euros ;

le préjudice d'agrément n'est pas établi ;

- le préjudice d'établissement n'est pas établi ;

- le remboursement des frais divers sera limité à la somme de 700 euros ;

- M. A... n'a pas subi de préjudice d'incidence professionnelle ;

- la demande indemnitaire au titre des frais de logement adapté sera rejetée ;

- le montant de l'assistance par une tierce personne pour la période allant du 24 juillet 2009 au 31 décembre 2017 ne saurait être supérieur à 453 556 euros ;

- il sera alloué à M. A... une rente trimestrielle pour l'assistance future par une tierce personne qui ne saurait excéder 16 068 euros, et dont il sera déduit l'ensemble des aides perçues à ce titre.

Par des mémoires en défense enregistrés le 3 décembre 2018, le 23 mai 2019 et le 18 février 2020, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête, au rejet de l'appel incident présenté par M. et Mme A... et à ce qu'il soit mis à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas été commis de faute dans la réalisation des choix thérapeutiques ;

- il résulte de l'analyse critique du professeur Batt que le traitement médicamenteux ne constituait pas une alternative thérapeutique à l'angioplastie et que le traitement chirurgical présentait un risque plus élevé ;

- subsidiairement, la cour pourra confirmer l'appréciation du tribunal concernant l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent, des préjudices esthétiques temporaire et permanent, du préjudice d'agrément, des frais divers, des frais d'adaptation du logement et du véhicule, de l'assistance d'une tierce personne, des frais de matériel médical, du préjudice d'impréparation, et le versement d'une rente pour les frais futurs liés à l'assistance d'une tierce personne ; il en va de même de l'indemnisation des préjudices personnels de Mme A... ;

- le préjudice d'établissement doit être rejeté ;

- le rapport critique qu'il produit, qui n'est pas dépourvu de toute force probatoire, pouvait se fonder sur des éléments bibliographiques postérieurs à la prise en charge de M. A... ; contrairement à ce que soutient l'ONIAM, l'une des publications mentionnées dans ce rapport démontre que l'angioplastie était à privilégier.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2019, M. et Mme A..., représentés par Me E..., concluent :

1°) à la confirmation du jugement attaqué ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM à verser à M. A... la somme de 2 242 182,04 euros au titre d'un défaut d'information et de la survenance d'un accident médical ;

3°) à ce qu'il soit ordonné avant-dire droit une expertise afin d'évaluer le coût d'aménagement du logement acquis par M. A... ;

4°) à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à M. A... la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'impréparation ;

5°) à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à Mme A... la somme de 25 000 euros au titre de ses préjudices propres, à concurrence de la part de responsabilité de celui-ci ;

6°) à ce qu'il soit mis à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- si le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a commis une faute sur la technique utilisée en faisant courir au patient des risques plus importants, ainsi que le soutient l'ONIAM, M. A... a alors seulement perdu une chance d'échapper à l'accident hémorragique et l'ONIAM ne peut s'exonérer de sa prise en charge au titre de la solidarité nationale ;

- compte tenu d'une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique évaluée à 65 %, le critère de gravité prévu au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et à l'article D. 1142-1 du même code est rempli ; au vu du handicap qu'il présente, l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles il était exposé en l'absence d'angioplastie, de sorte que la condition d'anormalité posée au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est également remplie ; ainsi, l'aléa thérapeutique doit être pris en charge au titre de la solidarité nationale ;

- le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ne rapporte pas la preuve qu'il a rempli son devoir d'information relatif aux risques du geste d'angioplastie et notamment à ses conséquences hémorragiques, en méconnaissance des articles L. 1111-2 et L. 1111-4 du code de la santé publique ; ce défaut d'information a entraîné une perte de chance pour M. A... de se soustraire au risque lien à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ;

- la prise en charge des préjudices de M. A... à hauteur de 75 % par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand au titre de la perte de chance pour défaut d'information et à hauteur de 25 % par l'ONIAM au titre de l'aléa thérapeutique, sera confirmée ;

- M. A... a droit, au titre des préjudices extrapatrimoniaux :

* à la somme de 18 635,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

* à la somme de 11 500 euros allouée par le tribunal au titre des souffrances endurées ;

* à la somme de 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, évalué par l'expert à 4 sur une échelle de 7 ;

* à la somme de 195 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

* à la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, évalué par l'expert à 3 sur une échelle de 7 ;

* à la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

* à la somme de 7 500 euros au titre du préjudice d'établissement ;

- M. A... a droit, au titre des préjudices patrimoniaux :

* à la somme de 405,95 euros au titre des frais de déplacement pour se rendre aux opérations de l'expertise judiciaire ;

* à la somme de 2 900 euros au titre des frais de médecin-conseil ;

* à la somme de 50 000 euros au titre du préjudice d'incidence professionnelle comprenant sa dévalorisation totale sur le marché du travail et l'indemnisation de la perte de retraite qu'il va devoir supporter en raison de son handicap ;

* à la somme de 643 860 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne pour la période courant du 24 juillet 2009 au 30 juin 2018 ;

* à la somme de 1 230 889,50 euros, versée sous forme de capital, au titre de l'assistance d'une tierce personne pour la période postérieure au 30 juin 2018 ;

* à la somme de 25 000 euros, versée à titre d'indemnité provisionnelle, au titre des frais d'acquisition d'un véhicule adapté au transport de personne à mobilité réduite ;

* à la somme de 16 766,51 euros correspondant au préjudice capitalisé lié aux frais de matériel médical ;

- le préjudice d'adaptation du logement est réservé dans l'attente d'une étude complète qui ne pourra intervenir que par l'organisation d'une mesure d'expertise ;

- M. A... a subi un préjudice d'impréparation qui sera réparé à hauteur de 10 000 euros ;

- Mme A..., victime par ricochet, a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ; elle a droit à la somme totale de 25 000 euros réparée par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à concurrence du taux de responsabilité de celui-ci.

Par ordonnance du 2 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juin 2020.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la mutuelle Harmonie qui n'ont pas produit de mémoire.

II. Par une requête enregistrée le 3 septembre 2018, sous le numéro 18LY03395, et des mémoires enregistrés le 17 octobre 2018, le 23 mai 2019 et le 18 février 2020, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500873 du 3 juillet 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif ;

3°) de rejeter l'appel incident présenté par M. et Mme A....

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- préalablement à l'intervention chirurgicale du 22 avril 2009 et au cours de plusieurs entretiens, M. A... a été informé des risques de complications prévisibles liés à cette intervention et des traitements alternatifs existants et a bénéficié d'un temps de réflexion de douze jours ; aucune disposition n'impose que cette information soit délivrée par écrit ;

- en tout état de cause, M. A... aurait accepté de faire l'objet d'une angioplastie dès lors qu'elle constituait, en l'état des connaissances scientifiques, la seule alternative envisageable ; il n'a dès lors subi aucune perte de chance de se soustraire aux risques inhérents à cette intervention ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que cette intervention ne revêtait ni un caractère d'urgence ni un caractère d'impérieuse nécessité ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a jugé que la perte de chance d'éviter les préjudices devait être fixée à 75 % ;

- à titre encore plus subsidiaire, le tribunal administratif a procédé à une évaluation excessive des préjudices ;

- le préjudice d'établissement doit être rejeté ;

- M. A... ne justifiant pas d'une chance sérieuse d'augmenter ses revenus professionnels entre la date de consolidation et la date de son départ à la retraite, sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'incidence professionnelle doit être rejetée ;

- le montant de la pension d'invalidité étant supérieur au préjudice de perte de gains professionnels, le tribunal aurait dû imputer le reliquat sur le montant du préjudice d'incidence professionnelle ;

- la cour pourra confirmer l'appréciation du tribunal concernant l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, des préjudices esthétiques temporaire et permanent, du préjudice d'agrément, des frais divers, des frais d'adaptation du logement et du véhicule, de l'assistance d'une tierce personne, des frais de matériel médical, du préjudice d'impréparation, et le versement d'une rente pour les frais futurs liés à l'assistance d'une tierce personne ; il en va de même de l'indemnisation des préjudices personnels de Mme A... ;

- le rapport critique qu'il produit, qui n'est pas dépourvu de toute force probatoire, pouvait se fonder sur des éléments bibliographiques postérieurs à la prise en charge de M. A... ; contrairement à ce que soutient l'ONIAM, l'une des publications mentionnées dans ce rapport démontre que l'angioplastie était à privilégier.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2019, M. et Mme A..., représentés par Me E..., concluent :

1°) à la confirmation du jugement attaqué ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM à verser à M. A... la somme de 2 242 182,04 euros au titre d'un défaut d'information et de la survenance d'un accident médical ;

3°) à ce qu'il soit ordonné avant-dire droit une expertise afin d'évaluer le coût d'aménagement du logement acquis par M. A... ;

4°) à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à M. A... la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'impréparation ;

5°) à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à Mme A... la somme de 25 000 euros au titre de ses préjudices propres, à concurrence de la part de responsabilité de celui-ci ;

6°) à ce qu'il soit mis à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ne rapporte pas la preuve qu'il a rempli son devoir d'information relatif aux risques du geste d'angioplastie et notamment à ses conséquences hémorragiques, M. A... n'ayant jamais reçu la moindre information quant à ses risques, oralement ou par écrit, contrairement aux obligations découlant des articles L. 1111-2 et L. 1111-4 du code de la santé publique ; alors même qu'il n'a pas bénéficié d'un délai de réflexion suffisant, cette circonstance est sans incidence dès lors que les risques encourus n'ont pas été portés à sa connaissance ; il ne se trouvait pas dans une situation d'urgence ou d'impossibilité autorisant le professionnel de santé à ne pas l'informer ; il n'a pas été mis à même d'effectuer un choix entre les deux autres alternatives thérapeutiques qu'étaient le traitement médical et la chirurgie, ce qui constitue un manquement fautif du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ;

- la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand tenant au défaut d'information a entraîné une perte de chance totale pour M. A... de se soustraire au risque qui s'est réalisé en l'absence d'urgence ou de nécessité impérieuse de réaliser l'opération, ce que ne contredit pas sérieusement le rapport médical critique produit par le centre hospitalier ;

- compte tenu d'une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique évaluée à 65 %, le critère de gravité prévu au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et à l'article D. 1142-1 du même code est rempli ; au vu du handicap qu'il présente, l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles il était exposé en l'absence d'angioplastie, de sorte que la condition d'anormalité posée au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est également remplie ; ainsi, l'aléa thérapeutique doit être pris en charge au titre de la solidarité nationale ;

- la prise en charge des préjudices de M. A... à hauteur de 75 % par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand au titre de la perte de chance pour défaut d'information et à hauteur de 25 % par l'ONIAM au titre de l'aléa thérapeutique, sera confirmée ;

- M. A... a droit, au titre des préjudices extrapatrimoniaux :

* à la somme de 18 635,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

* à la somme de 11 500 euros allouée par le tribunal au titre des souffrances endurées ;

* à la somme de 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, évalué par l'expert à 4 sur une échelle de 7 ;

* à la somme de 195 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

* à la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, évalué par l'expert à 3 sur une échelle de 7 ;

* à la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

* à la somme de 7 500 euros au titre du préjudice d'établissement ;

- M. A... a droit, au titre des préjudices patrimoniaux :

* à la somme de 405,95 euros au titre des frais de déplacement pour se rendre aux opérations de l'expertise judiciaire ;

* à la somme de 2 900 euros au titre des frais de médecin-conseil ;

* à la somme de 50 000 euros au titre du préjudice d'incidence professionnelle comprenant sa dévalorisation totale sur le marché du travail et l'indemnisation de la perte de retraite qu'il va devoir supporter en raison de son handicap ;

* à la somme de 643 860 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne pour la période courant du 24 juillet 2009 au 30 juin 2018 ;

* à la somme de 1 230 889,50 euros, versée sous forme de capital, au titre de l'assistance d'une tierce personne pour la période postérieure au 30 juin 2018 ;

* à la somme de 25 000 euros, versée à titre d'indemnité provisionnelle, au titre des frais d'acquisition d'un véhicule adapté au transport de personne à mobilité réduite ;

* à la somme de 16 766,51 euros correspondant au préjudice capitalisé lié aux frais de matériel médical ;

- le préjudice d'adaptation du logement est réservé dans l'attente d'une étude complète qui ne pourra intervenir que par l'organisation d'une mesure d'expertise ;

- M. A... a subi un préjudice d'impréparation qui sera réparé à hauteur de 10 000 euros ;

- Mme A..., victime par ricochet, a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ; elle a droit à la somme totale de 25 000 euros réparée par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à concurrence du taux de responsabilité de celui-ci.

Par des mémoires en défense enregistrés le 3 février 2020, le 24 février 2020 et le 15 juin 2020, l'ONIAM, représenté par Me D..., conclut à sa mise hors de cause, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamné à verser à M. A... la part résiduelle de son dommage, subsidiairement à la confirmation de ce jugement s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, des préjudices esthétiques temporaire et permanent, des frais de logement adapté et des frais de matériel médical et au rejet ou à la réduction à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de M. A... pour les autres chefs de préjudices et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- compte tenu de la pathologie vasculaire préexistante de M. A..., l'angioplastie n'était pas recommandée, cette dernière étant directement à l'origine de l'hématome présenté par le patient, lequel est à l'origine de l'arrêt cardio-circulatoire et des séquelles neurologiques ultérieures ; le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a ainsi fait courir des risques injustifiés au patient, qui sont à l'origine de ses séquelles actuelles, alors qu'un traitement médicamenteux aurait pu être mis en place, l'hypertension artérielle de M. A... n'étant pas devenue résistante au traitement médical ; ainsi, un choix thérapeutique erroné est à l'origine de l'entier dommage subi par M. A..., de sorte que la solidarité nationale n'a pas à intervenir ;

- l'étude médicale critique produite par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand n'a qu'une force probatoire limitée et ne permet pas de justifier que la prise en charge de M. A... a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science à la date de l'intervention, alors qu'une étude réalisée en 2008 relevait le bénéfice limité de l'angioplastie par rapport au traitement médicamenteux ;

- à titre subsidiaire, le défaut d'information sur les risques et les alternatives thérapeutiques est à l'origine pour M. A... d'une perte de chance totale de se soustraire à l'angioplastie ; ainsi, la part de l'obligation indemnitaire de l'ONIAM est nulle ; subsidiairement, le taux de perte de chance dû au défaut d'information ne peut être inférieur à 75 % ;

- subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour retiendrait une perte de chance d'au moins de 75 % imputable au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, la part résiduelle du dommage de M. A... est imputable à son état antérieur ;

- à titre infiniment subsidiaire, le montant de l'indemnisation due au titre du déficit fonctionnel temporaire ne saurait dépasser la somme de 12 964 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire ne saurait dépasser la somme de 3 000 euros ;

- le préjudice esthétique permanent a été justement évalué par le tribunal à la somme de 2 000 euros ;

- la réalité du préjudice lié aux frais de véhicule adapté n'est pas établie ;

- en l'absence de pièces complémentaires, l'évaluation des frais médicaux faite par les premiers juges sera confirmée ;

- le déficit fonctionnel permanent sera évalué à la somme de 144 143 euros ;

le préjudice d'agrément n'est pas établi ;

- le préjudice d'établissement n'est pas établi ;

- le remboursement des frais divers sera limité à la somme de 700 euros ;

- M. A... n'a pas subi de préjudice d'incidence professionnelle ;

- la demande indemnitaire au titre des frais de logement adapté sera rejetée ;

- le montant de l'assistance par une tierce personne pour la période allant du 24 juillet 2009 au 31 décembre 2017 ne saurait être supérieur à 453 556 euros ;

- il sera alloué à M. A... une rente trimestrielle pour l'assistance future par une tierce personne qui ne saurait excéder 16 068 euros, et dont il sera déduit l'ensemble des aides perçues à ce titre.

Par ordonnance du 2 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juin 2020.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la mutuelle Harmonie qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1958 et souffrant d'hypertension artérielle sévère pour laquelle il est suivi médicalement depuis l'âge de trente-deux ans, s'est vu diagnostiquer une sténose de l'artère rénale droite qui a conduit à la réalisation le 4 mai 2007 d'une angioplastie au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand. Devant la persistance d'une hypertension artérielle significative, un bilan rénal réalisé le 19 février 2009 a mis en évidence une sténose de l'artère rénale gauche. Après la réalisation d'un nouveau bilan faisant état d'un rein gauche ischémique, M. A... a subi le 22 avril 2009, dans le même établissement de santé, une angioplastie de cette artère pour la pose d'un " stent ", qui a été compliquée par la survenance d'un hématome rétro-péritonéal conduisant à une reprise en chirurgie vasculaire pour hémostase. Le 24 avril 2009, la persistance de cette hémorragie a justifié une nouvelle reprise chirurgicale. Dans la nuit du 25 au 26 avril suivant, M. A... a été victime d'un arrêt cardio-pulmonaire qui a entraîné une encéphalopathie post-anoxique, à l'origine de séquelles neurologiques. Par une ordonnance du 24 juin 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi par M. A..., a désigné le professeur Obadia, chirurgien neurovasculaire, docteur Blanc, neurologue, en qualité d'experts, lesquels ont remis leur rapport le 14 mai 2014. A la suite de cette expertise, M. A... et son épouse ont recherché, d'une part, la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à raison d'un défaut d'information sur les risques inhérents à l'angioplastie du 22 avril 2009 et, d'autre part, la prise en charge, au titre de la solidarité nationale, des préjudices résultant de la survenue de l'arrêt cardio-vasculaire qu'ils considèrent comme un aléa thérapeutique. Après avoir ordonné une nouvelle expertise, confiée au professeur Obadia, par un jugement avant-dire droit du 6 décembre 2016 et ayant donné lieu à la remise d'un rapport le 13 novembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par un jugement du 3 juillet 2018, retenu, d'une part, un défaut d'information de la part du centre hospitalier universitaire entraînant une perte de chance pour M. A... de choisir de ne pas subir une angioplastie à l'origine de 75 % de ses préjudices et de ceux de son épouse et, d'autre part, l'existence d'un aléa thérapeutique devant être indemnisé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à hauteur de 25 %. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre, l'ONIAM et le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand interjettent appel de ce jugement. M. et Mme A... présentent des conclusions incidentes tendant à l'augmentation des sommes allouées par les premiers juges.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, en se bornant à soutenir sans autre précision que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé, n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Ce moyen doit donc être écarté.

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand :

En ce qui concerne le défaut d'information :

3. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date des faits : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ". Selon l'article L. 1111-4 du même code : " (...) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment (...) ".

4. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance. En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Il suit de là que la circonstance qu'un risque de décès ou d'invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient. Toutefois, en cas d'accident, le juge qui constate que le patient n'avait pas été informé du risque grave qui s'est réalisé doit notamment tenir compte, le cas échéant, du caractère exceptionnel de ce risque, ainsi que de l'information relative à des risques de gravité comparable qui a pu être dispensée à l'intéressé, pour déterminer la perte de chance qu'il a subie d'éviter l'accident en refusant l'accomplissement de l'acte.

5. Il résulte de l'instruction, notamment des expertises ordonnées par les premiers juges, que le risque de complication hémorragique est au nombre des risques normalement prévisibles de l'intervention d'angioplastie pratiquée et survenant dans au moins 10 % des cas, et présente un caractère de gravité dans moins de 1 % des cas, ce taux étant majoré entre 2 % et 3 % en présence, comme dans le cas de M. A..., d'une prothèse vasculaire.

6. D'une part, si le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand fait valoir que M. A... a bénéficié, lors d'entretiens individuels préalables, des informations relatives aux risques connus de l'intervention réalisée le 22 mai 2009, il ne rapporte pas la preuve qu'une information, orale ou écrite, aurait été délivrée à M. A... sur l'ensemble des risques, en particulier hémorragiques, que comportait l'intervention projetée alors que le praticien qui a réalisé le geste d'angioplastie et a reçu le patient en consultation le 25 février 2009 et le 10 avril 2009 a seulement précisé, dans un courrier daté du jour de ce second entretien, qu'il lui avait exposé les " modalités du déroulement " de l'angioplastie de son artère rénale gauche. La circonstance que M. A... s'est vu accorder un délai de réflexion de douze jours entre ce dernier entretien et le geste d'angioplastie est sans effet sur la portée de l'obligation d'information. Dès lors, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé qu'il avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

7. D'autre part, si les rapports d'expertise, dont les conclusions sont confirmées sur ce point par le rapport médical critique produit par le centre hospitalier universitaire, relèvent qu'en l'état des données de la science à la date de réalisation de l'angioplastie et jusqu'en 2013, ce geste était réalisé en première intention, il résulte en revanche de l'instruction que, selon les experts, l'angioplastie de l'artère rénale réalisée sur M. A... " ne visait pas à traiter une maladie relevant d'un risque à court ou moyen terme ", et que la sténose de cette artère n'était susceptible d'avoir des conséquences qu'à long terme sur l'hypertension artérielle qu'il présentait ainsi que sur d'éventuelles complications se traduisant par une insuffisance rénale chronique nécessitant une dialyse. Dans ces conditions, contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, dès lors que ce geste opératoire ne présentait aucun caractère d'urgence ni n'était impérieusement requis au regard des risques d'aggravation de son état de santé à court terme et même à moyen terme, M. A... aurait raisonnablement pu refuser ou, à tout le moins, décider de différer cette intervention s'il avait été informé des risques qu'elle comportait. Il suit de là que le manquement du centre hospitalier universitaire à son obligation d'information a, dans les circonstances de l'espèce, fait perdre à l'intéressé une chance de refuser l'intervention et d'échapper ainsi à ses conséquences dommageables.

8. Toutefois, il résulte de l'ensemble des circonstances qui viennent d'être rappelées que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention, notamment le risque d'hémorragie grave, évalué entre 2 à 3 % compte tenu des antécédents de M. A..., et l'absence d'information sur les autres risques graves, et, d'autre part, les conséquences du choix de ne pas subir cette intervention se traduisant par des conséquences, susceptibles de se produire seulement à long terme, sur l'hypertension artérielle ainsi que sur l'apparition éventuelle d'une insuffisance rénale chronique, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est fondé à soutenir que les premiers juges ont fait une appréciation excessive du taux de perte de chance d'éviter les dommages en le fixant à 75 %. En l'espèce, la perte de chance pour l'intéressé d'éviter les complications consécutives à l'angioplastie du 22 mai 2009 doit être ramenée à une fraction de 50 % des différents chefs de préjudice subis.

En ce qui concerne la faute médicale :

9. L'ONIAM fait valoir, en appel, qu'au vu de l'état de santé antérieur de M. A..., il existait une alternative moins risquée au geste d'angioplastie qui aurait consisté en un traitement médicamenteux, auquel le patient n'était pas devenu résistant, de sorte que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, en décidant de recourir au choix thérapeutique de l'angioplastie, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment des deux rapports d'expertise, que ce choix était conforme aux données de la médecine à la date de prise en charge de M. A..., et que ce n'est qu'à compter de 2013, à la suite de la publication d'une étude médicale, qu'a été remis en cause l'intérêt de l'angioplastie de l'artère rénale en privilégiant désormais, en première intention, l'association de plusieurs médicaments antihypertenseurs et en ne recourant à la dilatation qu'en cas d'échec de ce traitement médicamenteux. Si l'ONIAM fait valoir que la littérature médicale avait évolué en ce sens dès la publication de deux premières études au cours de l'année 2009, il ne résulte pas de l'instruction que les études en question avaient été publiées au 22 avril 2009, date de l'angioplastie subie par M. A.... Il suit de là que le recours à l'angioplastie, conforme aux règles de l'art de l'époque, n'est pas constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale :

10. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". L'article D. 1142-1 du même code fixe à 24 % le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives.

11. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

12. Il résulte de l'instruction, notamment du second rapport d'expertise du professeur Obadia, qu'en l'absence d'angioplastie de l'artère rénale, et sous réserve de la poursuite d'un traitement associant plusieurs médicaments contre l'hypertension, auquel il n'est pas établi que M. A... aurait été résistant, la sténose diagnostiquée n'aurait pas abouti à une insuffisance rénale avant plusieurs années et l'hypertension dont souffre le patient, sous couvert de la poursuite d'un tel traitement, aurait évolué de la même manière, avec ou sans angioplastie. L'état de santé de l'intéressé lui permettait, avant l'angioplastie réalisée en 2009, de travailler et de mener une vie sociale normale. Depuis cette opération et du fait des complications qui en sont résultées, M. A... souffre de troubles cognitifs majeurs, de troubles de la marche nécessitant qu'il se déplace en fauteuil roulant, de troubles de la déglutition ainsi que d'une apraxie mélokinétique de la main et du pied droits. Ces troubles l'ont notamment contraint de cesser toute activité professionnelle. Les experts désignés par le juge des référés du tribunal administratif ont évalué, dans leur rapport, à 65 % le déficit fonctionnel permanent de l'intéressé en lien avec ces troubles et ont relevé que la dégradation de son état de santé était consécutive à la complication hémorragique à l'origine de l'arrêt cardio-respiratoire. Dans ces conditions, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'angioplastie subie par M. A... le 22 avril 2009 a entraîné pour lui des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles il aurait été exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. A cet égard, est incidence sur l'application de ce critère la circonstance que le risque de survenance des complications aurait été favorisé par l'état initial du patient.

13. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 14 mai 2014, que M. A... présente un déficit fonctionnel permanent de 65 % en relation directe avec les complications liées à l'angioplastie qu'il a subie.

14. Par suite, les conditions d'anormalité et de gravité posées par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique étant remplies, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que les conditions d'engagement de la solidarité nationale au profit de M. A... étaient réunies.

15. Dans ces conditions, et alors que le taux de perte de chance dont est responsable le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a, ainsi qu'il a été dit au point 8, été évalué à 50 %, l'indemnité due par l'ONIAM doit être réduite de ce montant. Il en résulte que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que les conditions de mise en oeuvre d'une réparation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies et à demander sa mise hors de cause à raison de la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.

Sur l'évaluation des préjudices de M. A... :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne :

16. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 14 mai 2014, que l'état de santé de M. A..., qui présente des troubles cognitifs majeurs, des troubles de la déglutition et des difficultés pour marcher, nécessite, depuis son retour à domicile le 24 juillet 2009, une assistance par une tierce personne non spécialisée à raison de douze heures par jour. Le coût d'une telle assistance, compte tenu de la moyenne du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales entre 2009 et 2020, doit être fixé à un taux horaire de 13,33 euros et doit être calculé sur la base de 412 jours par an pour tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, soit un taux horaire moyen de 15,05 euros. Compte tenu de ce taux horaire, d'un nombre total de 4 003 jours écoulés entre le 24 juillet 2009 et la date du présent arrêt et donc d'un nombre total de 48 036 heures d'assistance entre ces deux dates, les frais échus à la date du présent arrêt au titre de l'assistance par une tierce personne s'établissent à la somme de 722 941,80 euros. Il résulte en outre de l'instruction et notamment des bordereaux de paiement des prestations versées par la CPAM du Puy-de-Dôme, que cette caisse a attribué à M. A..., à compter du mois de mars 2011 jusqu'en mars 2020, outre une rente d'invalidité, des sommes au titre de la majoration pour tierce personne, d'un montant total de 119 450,74 euros. Ces majorations tierce personne échues et à échoir au 9 juillet 2020 selon les modalités définies par le dernier décompte produit par la CPAM, peuvent être évaluées à un montant total de 123 153,11 euros. Il y a lieu de déduire ce montant de la somme représentant l'aide par une tierce personne que requiert l'état de santé de M. A... entre le 24 juillet 2009 et le 9 juillet 2020, date de lecture du présent arrêt et de fixer ainsi le montant dû à la somme de 599 788,69 euros.

17. S'agissant des préjudices futurs d'une victime d'un accident corporel non couverts par des prestations des caisses de sécurité sociale, il appartient au juge de décider si leur réparation doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable. En l'espèce, eu égard notamment à l'âge de M. A... et à la lourdeur de son handicap, c'est à juste titre que les premiers juges ont décidé de l'octroi d'une rente au titre de l'indemnisation du chef de préjudice concerné pour le futur. Pour la période postérieure à la date du présent arrêt, en retenant un taux horaire de 14,21 euros et une base annuelle de 412 jours, à raison d'un besoin d'assistance de douze heures par jour, les frais futurs d'assistance d'une tierce personne de M. A... doivent être évalués, annuellement, à la somme de 70 254,24 euros. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider que la réparation doit prendre la forme d'une rente trimestrielle de 17 563,56 euros, sous déduction, le cas échéant, des sommes versées à M. A... au titre des aides financières à la tierce personne qu'il appartiendra à l'intéressé de porter à la connaissance du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM. Le versement de cette rente interviendra par trimestre échu, avec revalorisation par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

18. Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du même code, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire les pertes de revenus professionnels résultant de l'incapacité permanente et l'incidence professionnelle de cette incapacité.

19. Il convient, en conséquence, de déterminer si l'incapacité permanente conservée par M. A... à la suite des séquelles de son hospitalisation a entraîné pour lui des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils ont donné lieu au versement d'une pension d'invalidité. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices ont été réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur à celui perçu au titre de la pension.

20. Il résulte de l'instruction que M. A..., né le 8 mars 1958, et souffrant notamment de graves troubles cognitifs et d'une apraxie de la main et du pied droits, ne peut plus exercer sa profession d'ajusteur-monteur. Les experts ont relevé que M. A... est dans l'impossibilité d'exercer à nouveau une activité professionnelle. Il a d'ailleurs été licencié pour inaptitude physique le 12 août 2016. L'intéressé fait valoir qu'il n'a subi aucune de perte de gains professionnels, ni actuels ni futurs. M. A..., qui exerçait des fonctions de rectifieur depuis 1983, ne justifie pas d'une chance sérieuse d'augmenter ses revenus professionnels au cours de la période allant du 22 mars 2009 au 8 mars 2020, date à laquelle il pouvait prétendre à une retraite à taux plein. Par suite, ainsi que le fait valoir le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, M. A... n'est pas fondé à solliciter une indemnisation à ce titre.

S'agissant des dépenses de santé :

21. Il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de M. A... pour l'acquisition d'un fauteuil roulant électrique, d'un lit médicalisé et d'un matelas anti-escarres, dès lors que l'intéressé ne justifie pas davantage en appel qu'en premier instance, malgré la demande de pièces faite par les premières juges, des sommes restées à sa charge au titre de l'acquisition de ces matériels et, par suite, n'établit pas la réalité de son préjudice.

S'agissant des frais d'adaptation du logement :

22. M. A..., en se bornant à solliciter une nouvelle expertise, ne justifie pas plus en appel qu'en première instance de la nécessité d'une adaptation de son logement plus importante que celle déterminée par le rapport de l'expertise consistant en un aménagement de la salle de bains et la pose d'une rampe dans l'escalier de sa maison. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice en lui allouant, à ce titre, une somme de 7 000 euros.

S'agissant des frais d'achat d'un véhicule adapté :

23. M. A... fait valoir, en produisant deux devis à cet égard, qu'il envisage l'achat d'un véhicule utilitaire aménagé, nécessaire pour lui permettre d'être transporté avec son fauteuil roulant. Alors qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise du 14 mai 2014, que M. A... présente des troubles de la marche et se déplace en fauteuil roulant, l'acquisition d'un tel véhicule est rendu nécessaire par son état de santé. Toutefois, ainsi que le fait valoir le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, seul le surcroît de dépenses résultant de la nécessité de disposer d'un véhicule adapté au handicap de M. A... peut être indemnisé à ce titre. Au vu des devis produits par M. A..., il y a lieu d'évaluer le préjudice résultant de ce surcoût à la somme de 7 700 euros.

S'agissant des frais de médecin conseil :

24. Il y a lieu de confirmer la somme, non sérieusement contestée, allouée par les premiers juges à M. A... au titre des frais d'honoraires d'un médecin conseil à hauteur de la somme de 2 900 euros.

En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

25. Il résulte des conclusions des experts que M. A... a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant la période de son hospitalisation, du 22 avril 2009 au 24 juillet 2009 puis de 75 % ensuite, jusqu'au 5 mars 2012. En évaluant le préjudice subi à ce titre à la somme totale de 12 964 euros, correspondant à une base de 480 euros par mois pour un déficit fonctionnel temporaire total, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément :

26. D'une part, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise du professeur Obadia et du docteur Blanc, que M. A... demeure atteint, depuis la consolidation de son état de santé le 6 mars 2012, à l'âge de cinquante-trois ans, d'un déficit fonctionnel permanent de 65 % résultant de troubles cognitifs avec syndrome frontal, de troubles de la mémoire et du langage, associés à des troubles de la déglutition, de la marche et de l'équilibre et d'une apraxie mélokinétique des main et pied droits. Il y a lieu, par suite, d'évaluer ce chef de préjudice, qui indemnise non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après sa consolidation, en le fixant à la somme de 145 000 euros. D'autre part, il résulte de l'instruction que le handicap de M. A... a eu un retentissement important sur la possibilité pour lui de continuer à pratiquer ses activités de loisir habituelles qu'étaient la pêche et le bricolage. Dans ces conditions, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante du déficit fonctionnel permanent et du préjudice distinct d'agrément en les indemnisant, ensemble, à la somme de 149 100 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

27. L'indemnité d'un montant de 11 500 euros accordée par le tribunal administratif au titre des souffrances endurées par M. A... n'est pas discutée en appel.

S'agissant des préjudices esthétiques temporaire et permanent :

28. Selon le rapport d'expertise précité, le préjudice esthétique temporaire est évalué à 4 sur une échelle de 1 à 7, et, après consolidation, à 3 sur la même échelle. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ces préjudices en fixant le montant de leur réparation respectivement à la somme de 3 000 et de 2 000 euros. Ni le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ni l'ONIAM ne soutiennent que cette évaluation serait exagérée. Il y a lieu, dès lors, de confirmer ces montants.

S'agissant du préjudice d'établissement :

29. M. A..., âgé de cinquante-trois ans à la date de la consolidation de son état de santé, marié et père de deux enfants, ne saurait prétendre, ainsi que le fait valoir le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, à une indemnisation au titre du préjudice d'établissement dont l'objet est de réparer la perte de chance de réaliser normalement un projet de vie familiale du fait d'un handicap. Les troubles dont fait état M. A..., liés à une qualité de vie familiale dégradée du fait de son handicap, ont été indemnisés, ainsi qu'il a été dit au point 26, au titre du déficit fonctionnel permanent. Dès lors, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est fondé à soutenir qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a alloué à M. A... une indemnité de 5 000 euros au titre de son préjudice d'établissement.

En ce qui concerne le préjudice d'impréparation :

30. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

31. Si M. A... a subi un préjudice du fait de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de se préparer psychologiquement à la réalisation du risque auquel il était exposé et qui s'est réalisé, les premiers juges, contrairement à ce qu'il soutient, n'ont pas fait une appréciation insuffisante du préjudice d'impréparation qu'il a subi de ce fait en lui allouant une indemnité d'un montant de 3 000 euros. Au demeurant, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ne soutient pas que cette évaluation serait exagérée. Il y a lieu, dès lors, de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand au versement de cette somme.

Sur l'évaluation des préjudices de Mme A... :

32. Mme A... subit du fait des séquelles dont son époux reste atteint un préjudice d'affection dont les premiers juges ont fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 5 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance fixé au point 8, il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à Mme A... à ce titre la somme de 2 500 euros, qui inclut la réparation des troubles dans ses conditions d'existence.

33. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fixé à 75 % le taux de perte de chance d'éviter le dommage et qu'il y a lieu de ramener ce taux à 50 %. La somme due par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à Mme A... au titre de son préjudice d'affection doit être ramenée, compte tenu de ce taux de perte de chance, à la somme de 2 500 euros. D'autre part, M. et Mme A... sont fondés à soutenir, par la voie de l'appel incident, qu'il y a lieu de porter le montant des préjudices propres à la victime à la somme de 795 952,69 euros, à laquelle s'ajoute la rente trimestrielle allouée au point 17 du présent arrêt, qu'il convient de mettre, compte tenu de ce qui a été dit aux points 8 et 15, pour moitié, soit 397 976,35 euros, à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et pour moitié à la charge de l'ONIAM et de mettre à la charge exclusive du centre hospitalier une somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'impréparation. Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant-dire droit une expertise afin d'évaluer le coût d'aménagement du logement acquis par M. A....

Sur les dépens :

34. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

35. Les frais de déplacement des parties pour se rendre auprès de l'expert désigné par une juridiction administrative faisant partie des dépens, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM, qui n'en établissent pas le caractère excessif et dont le requérant justifie valablement, les frais de déplacement, que M. A... a dû supporter pour se rendre, en 2014 et en 2017, aux opérations des deux expertises qui se sont tenues à l'hôpital Louis Pradel à Bron. Compte tenu de la distance séparant le lieu de l'expertise de celui de la résidence de l'intimé, et sur la base de 0,592 euro et de 0,595 euro le kilomètre selon le barème kilométrique publié par l'administration fiscale et applicable respectivement aux titres des 2014 et 2017 à un véhicule de sept chevaux, ces frais s'élèvent à la somme totale et non sérieusement contestée de 405,95 euros, qu'il y a lieu de mettre, pour moitié, à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et, pour moitié, à la charge de l'ONIAM.

36. Il y a lieu de mettre, pour moitié, à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et, pour moitié, à la charge de l'ONIAM les frais des deux expertises, ordonnées respectivement par l'ordonnance du 23 juin 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et par le jugement avant-dire droit du 6 décembre 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, et taxés et liquidés à la somme totale de 2 160 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

37. Il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM, parties tenues aux dépens, la somme de 750 euros chacun à payer à M. et Mme A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et l'ONIAM.

DECIDE:

Article 1er : La somme de 555 092,13 euros que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a été condamné à verser à M. A... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 juillet 2018 est ramenée à 400 976,35 euros.

Article 2 : La somme de 185 030,71 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. A... par l'article 1er de ce jugement est portée à 397 976,35 euros.

Article 3 : L'ONIAM et le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand sont condamnés, chacun pour moitié, à verser à M. A... à compter du présent arrêt une rente trimestrielle d'un montant total de 17 563,56 euros, sous déduction, le cas échéant, des sommes versées à M. A... au titre des aides financières à la tierce personne qu'il appartiendra à l'intéressé de porter à la connaissance du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM. Le versement de cette rente, qui sera payable à terme échu, sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : La somme de 3 750 euros que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a été condamné à verser à Mme A... par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 juillet 2018 est ramenée à 2 500 euros.

Article 5 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 160 euros, et les frais de déplacement que M. A... a dû supporter pour se rendre aux opérations d'expertise et qui s'élèvent à la somme totale de 405,95 euros, sont mis à la charge, pour moitié, de l'ONIAM et, pour moitié, du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.

Article 6 : Le jugement n° 1500873 du 3 juillet 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé est ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : La requête n° 18LY03341 de l'ONIAM et les conclusions de l'ONIAM présentées par la voie de l'appel incident dans l'instance n° 18LY03395 sont rejetées.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête n° 18LY03395 du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et des conclusions présentées par celui-ci, par la voie de l'appel incident, dans l'instance n° 18LY03341 sont rejetés.

Article 9 : L'ONIAM et le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand verseront chacun à M. et Mme A... une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : Le surplus des conclusions de l'appel incident présenté par M. et Mme A... dans les instances nos 18LY03341 et 18LY03395 est rejeté.

Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, à M. F... A... et Mme G... B... épouse A..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la mutuelle Harmonie.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juillet 2020.

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N° 18LY03341,18LY03395


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