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02/07/2020 | FRANCE | N°18LY03754

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 02 juillet 2020, 18LY03754


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune d'Yzeure à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de la chute dont elle a été victime le 27 mars 2015, subsidiairement d'ordonner avant dire droit une expertise afin d'évaluer ses préjudices et de mettre à la charge de la commune d'Yzeure la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie (C

PAM) de l'Allier a, dans la même instance, demandé au tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune d'Yzeure à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de la chute dont elle a été victime le 27 mars 2015, subsidiairement d'ordonner avant dire droit une expertise afin d'évaluer ses préjudices et de mettre à la charge de la commune d'Yzeure la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Allier a, dans la même instance, demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune d'Yzeure à lui rembourser la somme de 4 154,06 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2017, eux-mêmes capitalisés et à lui verser la somme de 1 055 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de mettre à la charge de la commune d'Yzeure la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601498 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 octobre 2018, le 8 mai 2019 et le 28 juin 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601498 du 18 septembre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de condamner la commune d'Yzeure à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de la chute dont elle a été victime le 27 mars 2015 ;

3°) subsidiairement, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Yzeure la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la souche sur laquelle elle a chuté se trouvait sur le passage réservé aux piétons et non en retrait de celui-ci ; cette souche mesurait 6,4 centimètres de hauteur, ce que ne conteste pas la commune, qui a fait procéder au recépage des souches immédiatement après l'accident ; le rapport émanant des services de la commune et procédant au mesurage de la souche ne peut être regardé comme impartial et objectif ; la chute a été causée par la seule présence de la souche de charmille trop haute ; la couleur de l'obstacle se confondait avec celle du sol ; la commune ne démontre pas l'entretien normal de la voie ; elle n'a pas fait preuve d'inattention ; la seule circonstance qu'elle était en compagnie de son petit-fils ne démontre pas qu'elle n'était pas attentive ; le chemin était destiné à être utilisé sur toute sa largeur ;

- sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, il appartenait au maire de veiller à la commodité de la progression des piétons sur l'ensemble des voies communales, y compris piétonnes ; la responsabilité pour faute de la commune est ainsi engagée.

Par un mémoire enregistré le 27 décembre 2018, la CPAM du Puy-de-Dôme et la CPAM de l'Allier, représentées par Me A..., concluent :

1°) à l'annulation du jugement n° 1601498 du 18 septembre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) à la condamnation de la commune d'Yzeure à leur verser la somme de 4 154,06 euros au titre des débours exposés, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2017 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) à la condamnation de la commune d'Yzeure à leur verser la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la santé publique ;

4°) à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Yzeure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la présence d'une souche, d'un diamètre de 9 centimètres et d'une hauteur de 4,5 centimètres, sur un trottoir destiné à la circulation des piétons, révèle un défaut d'entretien normal de cet ouvrage public ;

- elles justifient, par la production de la notification définitive de leurs débours et d'une attestation d'imputabilité, avoir exposé la somme de 4 154,06 euros en relation directe avec l'accident du 27 mars 2015 subi par Mme E....

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 mars 2019 et le 9 octobre 2019, la commune d'Yzeure, représentée par la Selarl DMMJB avocats, conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par la CPAM du Puy-de-Dôme et la CPAM de l'Allier et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la matérialité des faits quant à la hauteur de la souche et le lien de causalité entre l'obstacle et la cause de la chute ne sont pas établis ;

- les pieds des charmilles, implantées sur le bord du chemin, se trouvaient en retrait du passage piétonnier et dans l'alignement d'une barrière en bois destinée à canaliser le passage des piétons ;

- aucun défaut d'entretien normal ne peut être retenu ;

- Mme E... étant habitante du quartier, elle connaissait la configuration des lieux ; en outre, l'accident a eu lieu en pleine journée ; l'obstacle était visible ;

- Mme E... a fait preuve d'inattention renforcée par le fait qu'elle surveillait son petit-fils de quatre ans en train de faire du vélo ;

- la requérante n'apporte, à l'appui de sa demande indemnitaire, aucun justificatif ni aucune explication ; faute d'être justifiée dans son principe et dans son montant, sa demande ne pourra qu'être rejetée ;

- la demande d'expertise avant dire droit est dépourvue de toute utilité ;

- en l'absence de responsabilité de la commune, la demande de la CPAM du Puy-de-Dôme et de la CPAM de l'Allier n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la commune d'Yzeure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... relève appel du jugement du 18 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que la commune d'Yzeure soit condamnée à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'une chute survenue le 27 mars 2015.

Sur la responsabilité pour dommages de travaux publics :

2. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. Le 27 mars 2015, aux alentours de 18 heures 30, alors qu'elle marchait, accompagnée de son petit-fils âgé de quatre ans et circulant à vélo, dans la rue Jean Mermoz où elle habite, Mme E... a été victime d'une chute au niveau de la jonction entre le trottoir de cette rue et l'embranchement d'un sentier piétonnier bordé de haies de charmilles.

4. Eu égard notamment aux photographies produites, aux attestations des riverains qui ont secouru la requérante et qui décrivent le lieu exact de l'accident ainsi qu'à la circonstance que les haies de charmilles situées de part et d'autre du sentier ont été recépées par les services de la commune d'Yzeure au cours de l'hiver 2014-2015, il peut être regardé comme établi que la chute dont Mme E... a été victime est due à la présence d'une souche d'un arbuste de cette haie qui n'avait pas été totalement arasée et qui dépassait le sol de plusieurs centimètres. Les services techniques de la commune, dans un rapport établi le 4 mai 2015 avant que cette souche ne soit arasée, ont évalué sa hauteur à 4,5 centimètres et son diamètre à 9 centimètres. Si Mme E... produit une attestation des riverains qui lui ont porté secours, datée du 11 août 2015 et mentionnant une hauteur de l'obstacle entre 6 et 7 centimètres, ces mêmes personnes ont indiqué le 3 septembre 2015 à l'huissier de justice mandaté par la requérante une hauteur inférieure, comprise entre 5 et 6 centimètres. Mme E... a, pour sa part, mentionné à l'huissier une hauteur précise de 6,4 centimètres, sans en justifier, alors que sur le reportage photographique qu'elle produit elle avait relevé un dépassement du sol de 8 centimètres. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il peut être tenu pour suffisamment établi que la hauteur de la souche sur laquelle Mme E... est tombée était de l'ordre de 5 centimètres. Compte tenu de l'importance, en termes de hauteur et de diamètre, de cette souche située en bordure d'un chemin piétonnier, la commune d'Yzeure n'établit pas l'entretien normal de l'ouvrage public que constitue ce chemin.

5. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment des photographies prises par Mme E... peu de temps après son accident, que cette souche, qui se trouvait au niveau de la portion où la haie avait été recépée et où demeuraient également de nombreux rejetons parfaitement visibles sur une longueur de plusieurs mètres, était en retrait de la partie du sentier réservée à la circulation normale des piétons et délimitée, quelques mètres plus loin, par une barrière en bois. Il résulte des mêmes photographies que cette souche, dont le dessus, de couleur noire, contrastait avec la couleur claire des gravillons du sentier, constituait un obstacle visible à la lumière du jour, contrairement à ce que soutient la requérante. Il appartenait ainsi à tout piéton normalement attentif de se prémunir de cet obstacle en s'éloignant à cet endroit précis de la partie récemment élaguée de la haie pour circuler davantage vers le milieu du sentier, comme l'y invitait la barrière lui faisant face. En outre, Mme E... connaissait les lieux pour habiter la rue où l'accident s'est produit. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, l'imprudence de l'intéressée est, en l'espèce, de nature à exonérer la commune de toute responsabilité dans l'accident en cause.

Sur la responsabilité pour faute :

6. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publique. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ". Le refus opposé par le maire à une demande tendant à ce qu'il fasse usage des pouvoirs de police qui lui sont conférés par le code général des collectivités territoriales n'est entaché d'illégalité que dans le cas où, à raison de la gravité du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la salubrité et la sécurité publique et notamment la sécurité de la circulation, cette autorité, en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave, méconnaît ses obligations légales.

7. Si Mme E... soutient que son accident est imputable à un manquement du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police eu égard à l'âge des habitants résidant dans le quartier où son accident a eu lieu, il ne résulte toutefois pas de l'instruction, compte tenu des caractéristiques décrites au point 4, que la souche en question serait de nature à créer une situation particulièrement dangereuse pour la commodité du passage des piétons. Par suite, aucune responsabilité fautive du maire dans l'exercice de son pouvoir de police ne saurait être retenue.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale sollicitée, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par la CPAM du Puy-de-Dôme et la CPAM de l'Allier tendant à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Yzeure une indemnité correspondant aux prestations versées pour le compte de Mme E... et une somme au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Yzeure, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de Mme E... et au profit de la CPAM du Puy-de-Dôme et la CPAM de l'Allier, au titre des frais exposés par elles devant la cour et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune d'Yzeure présentées au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme et de la CPAM de l'Allier sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune d'Yzeure tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à la commune d'Yzeure, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 juillet 2020.

2

N° 18LY03754


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Entretien normal.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : MESONES STEPHANE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 02/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY03754
Numéro NOR : CETATEXT000042114659 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-02;18ly03754 ?
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