La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2020 | FRANCE | N°18LY03044

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 02 juillet 2020, 18LY03044


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône des 15 juillet 2015 et 8 décembre 2015 prononçant et maintenant son déconventionnement temporaire ainsi que la décision du 22 janvier 2016 rejetant son recours gracieux et de mettre à la charge de la CPAM du Rhône la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601073 du 1

9 juin 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions des 8 déce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône des 15 juillet 2015 et 8 décembre 2015 prononçant et maintenant son déconventionnement temporaire ainsi que la décision du 22 janvier 2016 rejetant son recours gracieux et de mettre à la charge de la CPAM du Rhône la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601073 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions des 8 décembre 2015 et 22 janvier 2016 par lesquelles le directeur général de la CPAM du Rhône, en son nom et pour le compte des directeurs des autres régimes, a maintenu la décision de déconventionnement de M. F... pour une durée de trois mois et a rejeté son recours gracieux, a mis à la charge de la CPAM du Rhône une somme de 1 200 euros à verser à M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2018, et un mémoire enregistré le 20 février 2020, la CPAM du Rhône, représentée par Me D... G..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1601073 du 19 juin 2018 en ce que le tribunal administratif de Lyon a annulé pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées des 8 décembre 2015 et 22 janvier 2016 et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de M. F... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'un partage de voix au sein de la commission paritaire nationale (CPN) au sens de l'article 3.4 de l'annexe XXII de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, ne peut être analysé comme une opposition au prononcé de toute sanction à l'encontre du médecin, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ; qu'il s'agit au contraire d'une absence de décision de sorte que l'avis est réputé rendu ; que, faute de disposition dérogatoire dans l'avenant n°8, l'absence de décision permet à la CPAM de poursuivre la procédure de sanction.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2020, M. F..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la CPAM du Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'absence d'accord au sein de la CPN devait s'analyser, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, comme s'opposant à toute sanction et ainsi faire obstacle au prononcé d'une telle mesure prise par le directeur de la CPAM, lequel ne pouvait aller au-delà des préconisations de la CPN ; considérer qu'en cas de parage des voix le directeur de la CPAM conserverait la faculté de définir la sanction sans être lié par l'avis de la CPN méconnaîtrait les principes constitutionnels d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de même que l'effectivité du droit au recours prévue par cette convention ; le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application de l'article 3.4 de l'annexe XXII de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie ;

- il n'a pas été mis en oeuvre de procédure contradictoire respectant les droits de la défense ;

- la décision de déconventionnement est entachée du vice d'incompétence ;

- les décisions en cause sont entachées d'une erreur de fait et d'une erreur de droit.

Par ordonnance du 21 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 12 septembre 2011 portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes ;

- l'arrêté du 29 novembre 2012 portant approbation de l'avenant n° 8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 26 juillet 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François-Xavier Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Marie Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant la CPAM du Rhône, et de Me A..., représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 15 juillet 2015, le directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône a prononcé, en son nom et pour le compte des autres régimes d'assurance maladie, à l'encontre de M. F..., médecin spécialiste en chirurgie plastique exerçant à titre libéral dans le " secteur II " de la convention nationale, une sanction de suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie pour une durée de trois mois, en raison d'une pratique tarifaire excessive. M. F... a saisi la commission paritaire nationale de cette décision, en application de l'article 2.2 de l'annexe XXII de la convention nationale signée le 26 juillet 2011. Cette commission, réunie le 4 novembre 2015, après avoir constaté un partage égal des voix, a pris acte de l'absence d'accord sur la question de savoir si la pratique tarifaire de M. F... présentait un caractère excessif. Par une décision du 8 décembre 2015, le directeur de la CPAM du Rhône a maintenu la sanction qu'il avait prononcée le 15 juillet 2015. Le 22 janvier 2016, il a rejeté le recours gracieux présenté par M. F... contre cette sanction. A la demande de M. F..., le tribunal administratif de Lyon, par un jugement du 19 juin 2018, a annulé la décision du 8 décembre 2015 du directeur général de la CPAM du Rhône ainsi que celle du 22 janvier 2016 refusant de faire droit à son recours gracieux et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. La CPAM du Rhône interjette appel de ce jugement en tant qu'il a annulé ces décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu de l'article 3.1 de l'annexe XXII de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, issu de l'article 11 de l'avenant n° 8 à cette convention approuvé par arrêté du 29 novembre 2012, la caisse primaire d'assurance maladie qui constate, de la part d'un médecin exerçant en secteur à honoraires différents ou titulaire d'un droit à dépassement permanent, une pratique tarifaire excessive selon les critères définis à l'article 75 de la convention, ultérieurement repris à l'article 85 de la convention du 25 août 2016 approuvée par arrêté du 20 octobre 2016, lui adresse un avertissement, à compter duquel ce médecin dispose d'un délai de deux mois pour modifier sa pratique. L'article 3.2 de cette annexe prévoit que s'il est constaté, à l'issue de ce délai, que le médecin n'a pas modifié sa pratique tarifaire, la caisse primaire de rattachement communique le relevé des constatations à ce praticien, qui dispose d'un délai d'un mois " pour présenter ses observations écrites éventuelles (...) et/ ou être entendu à sa demande par le directeur de la caisse ou son représentant ". Aux termes de l'article 3.3 de la même annexe : " Lorsque les faits reprochés justifient la poursuite de la procédure, la caisse saisit le président de la [commission paritaire régionale]. La CPR dispose d'un délai maximal de deux mois calendaires à compter de cette saisine pour notifier son avis, motivé par l'analyse des éléments cités à l'article 75 de la convention ainsi que par le non-respect éventuel des dispositions législatives et réglementaires, au médecin en cause et au directeur de la CPAM qui l'a saisie. A l'issue de ce délai de deux mois, l'avis de la CPR est réputé rendu. (...) ". Enfin, aux termes de son article 3.4 : " Le directeur de la CPAM prépare, en concertation avec le directeur de chacun des organismes des autres régimes de son ressort géographique, sa décision, qui ne peut excéder les sanctions envisagées par la CPR et qui s'impose au médecin avec sa date d'application. Le directeur de la CPAM notifie cette décision au professionnel, pour le compte des autres régimes, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de la date de réception. (...) La décision est alors exécutoire, sauf cas de recours devant la Commission paritaire nationale (CPN) dans les conditions définies ci-après. Le médecin a la possibilité de saisir la CPN, à titre de commission d'appel. La saisine par le médecin doit intervenir dans un délai d'un mois suivant la date de réception de la notification de la décision de sanction. Elle est adressée par tout moyen permettant de rapporter la preuve de la date de réception à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie au secrétariat de la CPN. La saisine de la CPN suspend l'application de la sanction. (...) La CPN dispose d'un délai maximal de deux mois calendaires à compter de la réception de l'avis du président du CNOM ou à expiration du délai qui est imparti à ce dernier pour notifier son avis, motivé par l'analyse des éléments cités à l'article 75 de la convention ainsi que par le non-respect éventuel des dispositions législatives et réglementaires, au directeur général de l'UNCAM, au directeur de la CPAM et au médecin. A l'issue de ce délai de deux mois, ou en l'absence d'accord, l'avis de la CPN est réputé rendu. (...) La CPN émet en séance un avis sur la décision à prendre. L'avis émis sur la pratique tarifaire excessive des médecins à honoraires différents ou titulaires d'un droit à dépassement permanent est motivé par l'analyse des éléments cités à l'article 75 de la convention ainsi que par le non-respect éventuel des dispositions législatives et réglementaires. Le directeur de la CPAM prend une décision qui, lorsque l'avis de la CPN lui est transmis, ne peut excéder les sanctions envisagées par celle-ci. (...) La CPAM notifie au professionnel, pour le compte des autres régimes, la mesure prise à son encontre, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de la date de réception (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, tout particulièrement de l'article 3.4 de l'annexe XXII de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, que le médecin qui s'est vu notifier une sanction par le directeur de la CPAM a la possibilité de saisir la commission paritaire nationale, à titre de commission d'appel. Lorsqu'aucune majorité ne s'est dégagée au sein de cette commission, de même d'ailleurs que lorsqu'elle ne s'est pas réunie dans le délai de deux mois fixé par ces dispositions, son avis est réputé rendu mais ne saurait être regardé comme un avis émis en séance et, à ce titre, contraindre le pouvoir de sanction du directeur de la caisse primaire quant au plafond des sanctions susceptibles d'être décidées.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'aucune majorité ne s'est dégagée au sein de la commission paritaire nationale, saisie par M. F... à la suite de la sanction prononcée à son encontre par le directeur général de la CPAM du Rhône du 15 juillet 2015, sur la question de savoir si la pratique tarifaire de ce médecin présentait un caractère excessif et, partant, sur une proposition de sanction. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, d'une part, la commission paritaire nationale est, dans ces conditions, réputée avoir rendu un avis en application de l'article 3.4 précité de la convention nationale, et, d'autre part, cet avis, en l'absence de majorité dégagée au sein de la commission au sujet de la sanction susceptible d'être infligée à M. F..., n'était pas de nature à contraindre le directeur de la CPAM quant au plafond des sanctions susceptibles d'être décidées. Contrairement à ce que soutient M. F..., les exigences d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne s'appliquent pas à une autorité administrative telle que le directeur de la CPAM. En outre, les décisions prises par cette autorité administrative en cas de manquement par les médecins libéraux aux règles établies par la convention nationale organisant leurs rapports avec l'assurance maladie, n'ont pas de caractère juridictionnel de sorte que le moyen tiré de la procédure d'adoption de ces décisions ne présenterait pas les garanties prévues par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment, de l'effectivité du droit au recours, est inopérant. Par suite, comme le fait valoir la CPAM du Rhône, c'est à tort que, pour annuler la décision du 8 décembre 2015 maintenant la sanction de déconventionnement pour une durée de trois mois prononcée à l'encontre de M. F... ainsi que la décision du 22 janvier 2016 rejetant son recours gracieux, les premiers juges ont retenu que le moyen tiré de ce que l'absence de majorité dégagée au sein de la commission paritaire nationale sur une proposition de sanction susceptible d'être infligée à M. F..., faisait obstacle à ce que le directeur général de la CPAM du Rhône prononçât quelque sanction que ce soit à son encontre.

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif de Lyon et la cour.

Sur les autres moyens présentés par M. F... :

6. En premier lieu, il résulte des stipulations de l'article 3.4 de l'annexe XXII de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, citées au point 2, que si une sanction prononcée à l'encontre d'un médecin libéral est préparée par le directeur de la CPAM, en concertation avec le directeur de chacun des organismes des autres régimes de son ressort géographique, la décision, prise le cas échéant après avis de la commission paritaire nationale, relève de la seule compétence du directeur de la CPAM, agissant également pour le compte des autres régimes.

7. La décision du 8 décembre 2015 maintenant la sanction prononcée à l'encontre de M. F..., à la suite de l'avis réputé rendu le 4 novembre 2015 par la commission paritaire nationale, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux, sont signées par Mme C..., directrice générale de la CPAM du Rhône. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que cette décision n'avait pas, contrairement à ce que soutient M. F..., à être prise par les directeurs territoriaux des autres régimes et que la directrice générale de la CPAM du Rhône n'avait pas davantage à bénéficier d'une délégation de la part de ceux-ci pour prendre la mesure contestée. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations produites, que la sanction prise à l'encontre de M. F... a été préparée par la CPAM du Rhône, en concertation avec la directrice du régime social des indépendants du Rhône et le directeur général de la mutualité sociale agricole Ain-Rhône. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 8 décembre 2015 aurait été prise par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté. Il en va de même du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 22 janvier 2016 rejetant le recours gracieux, dont les vices propres ne peuvent, en tout état de cause, être utilement contestés.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3.2 de l'annexe XXII de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, alors en vigueur : " Si, à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la réception du courrier d'avertissement, il est constaté que le médecin n'a pas modifié sa pratique tarifaire, la CPAM de rattachement du médecin, pour le compte de l'ensemble des régimes, communique le relevé des constatations au médecin concerné par tout moyen permettant de rapporter la preuve de la date de réception, avec copie adressée aux présidents des deux sections de la CPR et de la CPL. (...) Le relevé des constatations détaille les éléments susceptibles de caractériser une pratique tarifaire excessive selon les critères définis à l'article 75 de la présente convention. Doivent être également communiquées au médecin les valeurs moyennes des critères lui permettant de comparer sa pratique tarifaire à celle des médecins de la même spécialité au niveau national et régional et/ou départemental. Le relevé expose également les sanctions encourues et précise les délais de réponse et la possibilité d'entretien et de transmission d'observations écrites prévus aux alinéas suivants. Le médecin dispose d'un délai d'un mois à compter de la date de réception du relevé des constatations pour présenter ses observations écrites éventuelles par tout moyen permettant de rapporter la preuve de la date de réception et/ou être entendu à sa demande par le directeur de la caisse ou son représentant. A cette occasion, le médecin peut se faire assister par un avocat ou un membre de la profession de son choix inscrit au conseil de l'ordre. La caisse dresse un compte rendu d'entretien signé par le directeur ou son représentant et le médecin et le verse, le cas échéant, aux débats lors de la réunion de la CPR (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 7 octobre 2013, réceptionné par M. F... le 11 octobre suivant, le directeur général de la CPAM du Rhône lui a adressé un avertissement au regard de ses pratiques tarifaires et l'a invité à moduler davantage ses honoraires. Après avoir constaté qu'il n'avait pas modifié sensiblement ses pratiques tarifaires, le directeur de la CPAM a mis en oeuvre la procédure contradictoire prévue par les dispositions citées au point précédent en invitant M. F... à faire valoir ses observations écrites ou orales, par un courrier recommandé du 6 octobre 2014, réceptionné par le 11 octobre suivant. Ainsi, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la procédure contradictoire n'aurait pas été respectée.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 75 de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, alors en vigueur : " (...) L'appréciation du caractère excessif de la pratique tarifaire s'effectue au regard de tout ou partie des critères suivants : - le rapport entre la somme des honoraires facturés aux assurés sociaux au-delà du tarif opposable et la somme des tarifs opposables des soins délivrés par le médecin (taux de dépassement) ; - le taux de croissance annuel du rapport ci-dessus ; - la fréquence des actes avec dépassements et la variabilité des honoraires pratiqués ; - le dépassement moyen annuel par patient. L'appréciation tient compte de la fréquence des actes par patient, du volume global de l'activité du professionnel de santé ainsi que du lieu d'implantation du cabinet et de la spécialité. Elle tient également compte des niveaux d'expertise et de compétence. (...) ". Aux termes de l'article 76 de cette même convention : " Les sanctions susceptibles d'être prononcées à l'encontre d'un médecin sont les suivantes : (...) - suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre de la convention avec ou sans sursis. Cette suspension peut être temporaire ou prononcée pour la durée d'application de la présente convention (jusqu'à la date de renouvellement de la convention), selon l'importance des griefs. La mise hors champ de la convention de trois mois ou plus entraîne la suppression de la participation des caisses aux avantages sociaux pour une durée égale. (...) ". Aux termes du préambule de l'avenant n° 8 à cette convention : " (...) si l'accès aux soins est aujourd'hui facilité du point de vue financier par l'existence de tarifs opposables, la progression constatée, depuis de nombreuses années, des dépassements d'honoraires de certains praticiens exerçant en secteur 2 conduit à une augmentation du reste à charge et, en conséquence, pose le problème de l'accès aux soins. (...) Dans le cadre d'une démarche visant à la disparition rapide des pratiques tarifaires excessives, les commissions paritaires régionales auront à leur disposition un ensemble de critères de sélection au sein desquels le taux de dépassement à 150 % du tarif opposable pourra servir de repère. Ce taux pourra faire l'objet d'adaptations dans certaines zones géographiques limitées et aura vocation à se modérer en cours de convention. (...) ".

11. Par un courrier du 7 octobre 2013, le directeur général de la CPAM du Rhône a attiré l'attention de M. F... sur le fait qu'une analyse de sa pratique tarifaire faisait apparaître un taux de dépassement moyen, au sens de l'article 75 de la convention nationale précité, de 600 % sur la période du 11 mars au 30 avril 2013, le plaçant parmi les médecins du département du Rhône ayant les taux de dépassement moyens les plus élevés, et l'a averti qu'en l'absence de modification de sa pratique tarifaire à l'issue d'un délai de deux mois, il envisagerait de poursuivre la procédure prévue à l'annexe XXII de la convention nationale en lui adressant un relevé de constatations. Il ressort du constat annexé à cet avertissement que le montant moyen de dépassement par patient s'élève à la somme de 1 353,90 euros sur cette même période. Le 6 octobre 2014, le directeur général de la CPAM du Rhône a adressé à M. F... un nouveau relevé de constatations faisant apparaître un taux de dépassement moyen de 532 % au cours de la période du 1er novembre 2013 au 28 février 2014 et en a inféré que l'intéressé n'avait pas modifié notablement sa pratique, au regard du taux de dépassement moyen relevé à l'occasion de l'avertissement, et qui confirmait déjà une tendance observée en 2012 où ce même indicateur s'élevait à 508 %. Il ressort des motifs de la décision contestée du 8 décembre 2015 que, pour prendre la sanction litigieuse, le directeur général de la CPAM du Rhône s'est fondé notamment sur le taux moyen de dépassement tel qu'il ressortait des relevés détaillés joints aux courriers des 7 octobre 2013 et 6 octobre 2014 et a relevé que les éléments du dossier mettaient en évidence le caractère excessif de la pratique tarifaire de M. F... au regard de cet indicateur, de son taux de croissance annuel, de la fréquence des actes avec dépassement, de la variabilité des honoraires pratiqués et du dépassement moyen annuel par patient. L'intéressé ne remet pas cause les constatations ainsi opérées par la CPAM du Rhône et qui caractérisent, en application des stipulations précitées des articles 75 et 76 de la convention nationale, une pratique tarifaire excessive justifiant que lui soit infligée une sanction. Si M. F... fait valoir qu'entre les deux périodes d'observation le taux moyen de dépassement constaté, global et par patient, a diminué, s'agissant notamment des actes cliniques, cet indicateur, de même que le montant moyen de dépassement par patient, demeurent très supérieurs aux taux moyens constatés dans le département du Rhône et la fréquence des actes avec dépassement, relevée parmi les motifs de la sanction litigieuse, se maintient autour de 94 %. Ainsi, eu égard à l'ampleur des dépassements constatés, au demeurant près de quatre fois supérieurs au taux de dépassement de 150 % mentionné à titre de " repère " au préambule de l'avenant n° 8 à la convention nationale, et à l'absence de modification sensible par M. F..., en dépit de l'avertissement qui lui avait été adressé, de sa pratique tarifaire en vue de respecter les exigences de l'article 75 de la convention nationale, le directeur général de la CPAM du Rhône n'a pas, en prenant une mesure de suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie pour une durée limitée à trois mois, prononcé à son encontre une sanction disproportionnée.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en première instance à M. F..., que la CPAM du Rhône est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 8 décembre 2015 du directeur général de la CPAM du Rhône maintenant à l'encontre de M. F... la sanction du déconventionnement pour une durée de trois mois ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 22 janvier 2016 rejetant son recours gracieux, et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros à verser à M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CPAM du Rhône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. F... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. F... une somme de 1 500 euros à verser à la CPAM du Rhône au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1601073 du 19 juin 2018 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. F... présentées devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2015 du directeur général de la CPAM du Rhône maintenant à son encontre la sanction du déconventionnement pour une durée de trois mois ainsi que de la décision du 22 janvier 2016 rejetant son recours gracieux sont rejetées.

Article 3 : M. F... versera une somme de 1 500 euros à la CPAM du Rhône en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. F... présentées en première instance et en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, à M. B... F... et à la mutualité sociale agricole.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 juillet 2020.

2

N° 18LY03044


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

62-02-01-01 Sécurité sociale. Relations avec les professions et les établissements sanitaires. Relations avec les professions de santé. Médecins.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BDL AVOCATS - ME BARIOZ ET ME PHILIP DE LABORIE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 02/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY03044
Numéro NOR : CETATEXT000042114640 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-02;18ly03044 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award