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25/06/2020 | FRANCE | N°18LY02561

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 juin 2020, 18LY02561


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H..., Mme C... D... épouse F..., Mme G... et M. E... F... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des conséquences dommageables de la prise en charge de M. B... F... à compter du 13 février 2015 à l'Hôpital Louis Pradel des Hospices civils de Lyon, de déclarer les Hospices civils de Lyon responsables à hauteur de 50 % des c

onséquences dommageables de cette prise en charge, d'ordonner une expertise...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H..., Mme C... D... épouse F..., Mme G... et M. E... F... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des conséquences dommageables de la prise en charge de M. B... F... à compter du 13 février 2015 à l'Hôpital Louis Pradel des Hospices civils de Lyon, de déclarer les Hospices civils de Lyon responsables à hauteur de 50 % des conséquences dommageables de cette prise en charge, d'ordonner une expertise médicale sur les préjudices subis par M. B... F..., d'allouer à celui-ci une provision de 486 534,64 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices, d'allouer à Mme C... D... épouse F... une indemnité de 30 000 euros, d'allouer à Mme G... et à M. E... F... une indemnité de 15 000 euros chacun, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale sur la prise en charge de M. B... F... à compter du 13 février 2015 à l'Hôpital Louis Pradel des Hospices civils de Lyon et sur les préjudices subis par celui-ci et de mettre à la charge de l'ONIAM et des Hospices civils de Lyon les entiers dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603429 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juillet 2018 et le 23 mai 2019, M. B... F..., Mme C... D... épouse F..., Mme G... et M. E... F..., représentés par la SCP Hartemann - Palazzolo, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1603429 du 9 mai 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'ordonner une expertise médicale sur la prise en charge de M. B... F... à compter du 13 février 2015 à l'Hôpital Louis Pradel des Hospices civils de Lyon et sur les préjudices subis par celui-ci ;

3°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des conséquences dommageables de la prise en charge de M. B... F... à compter du 13 février 2015 à l'Hôpital Louis Pradel des Hospices civils de Lyon ;

4°) de déclarer les Hospices civils de Lyon responsables à hauteur de 90 % des conséquences dommageables de cette prise en charge ;

5°) d'ordonner une expertise médicale sur les préjudices subis par M. B... F... et d'allouer à celui-ci dans l'attente une provision de 486 534,64 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices ;

6°) d'allouer à Mme C... D... épouse F..., à Mme G... et à M. E... F... les indemnités respectives de 30 000 euros, de 15 000 euros et de 15 000 euros ;

7°) de mettre à la charge de l'ONIAM et des Hospices civils de Lyon les entiers dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif a omis de statuer sur les conclusions de leur demande de première instance tendant à l'organisation d'une expertise médicale en vue de rechercher si l'intervention chirurgicale du 13 février 2015 a eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;

- les conclusions indemnitaires de leur demande de première instance dirigées contre les Hospices civils de Lyon sont recevables, dès lors que la saisine préalable de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales constitue une demande préalable d'indemnisation adressée à cet établissement public de santé ;

- la responsabilité pour faute des Hospices civils de Lyon est engagée en l'absence d'information de M. B... F... sur le risque de paraplégie par ischémie médullaire qui s'est réalisé ; ce défaut d'information a fait perdre au patient 40 % de chance de se soustraire aux conséquences dommageables de ce risque qui s'est réalisé ;

- la responsabilité pour faute des Hospices civils de Lyon est engagée pour manque de précaution pour éviter le risque de paraplégie qui a fait perdre à M. B... F... 50 % de chance de se soustraire à la paraplégie par ischémie médullaire survenue à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 13 février 2015 ;

- sont réunies en l'espèces les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale posées au premier alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, en particulier le caractère anormal du dommage au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état ; en effet,

les conséquences pour M. B... F... de l'accident médical qui s'est réalisé le 13 février 2015 sont sans aucune mesure avec l'état qui aurait été le sien si l'intervention n'avait pas été pratiquée ;

la survenance de la paraplégie par ischémie médullaire présentait une probabilité faible dans les conditions où l'acte a été accompli, inférieure ou égale à 5 % selon les experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

- si la cour ne s'estime pas suffisamment informée sur le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale, elle ordonnera une expertise médicale en vue de rechercher si l'intervention chirurgicale du 13 février 2015 a eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;

- M. B... F... a droit :

à une provision de 24 482,59 euros à valoir sur l'indemnisation des frais médicaux ;

à une provision de 42 056,60 euros à valoir sur l'indemnisation des frais de véhicule adapté ;

à une provision de 119 995,45 euros à valoir sur l'indemnisation de l'aménagement de sa maison et du matériel nécessaire ;

à une provision de 300 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses autres préjudices corporels ;

- Mme C... D..., épouse de M. B... F..., Mme G..., sa fille, née le 3 juin 1998, et M. E... F..., son fils, né le 31 mars 2001, ont droit aux indemnités respectives de 30 000 euros, de 15 000 euros et de 15 000 euros en réparation de leurs troubles dans les conditions d'existence.

Par un mémoire, enregistré le 19 mars 2019, la société Generali Iard, représentée par l'association d'avocats ACLH Avocats, conclut :

1°) à l'annulation du jugement n° 1603429 du 9 mai 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui payer une indemnité de 130 000 euros ;

3°) à ce que soient mis à la charge des Hospices civils de Lyon les entiers dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est subrogée dans les droits de M. B... F... à hauteur de la somme provisionnelle de 130 000 euros qu'elle lui a versée en exécution du contrat d'assurance " Generali Accidents de la vie " et pour le financement des aménagements immobiliers permettant à son assuré de regagner son domicile ;

- la responsabilité pour faute des Hospices civils de Lyon est engagée en l'absence d'information de M. B... F... sur le risque de paraplégie par ischémie médullaire qui s'est réalisé ;

- la responsabilité pour faute des Hospices civils de Lyon est engagée pour absence de mesures préventives de la paraplégie par ischémie médullaire, faute de drainage du liquide céphalorachidien et de réinjection de la circulation extracorporelle par l'artère fémorale ;

- ce défaut d'information et cette absence fautive de mesures préventives de la paraplégie par ischémie médullaire ont fait perdre au patient 40 % de chance de se soustraire aux conséquences dommageables du risque qui s'est réalisé.

Par trois mémoires en défense, enregistrés le 21 mars 2019, le 25 mars 2019 et le 28 mai 2019, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête et des conclusions présentées par la société Generali Iard devant la cour.

Ils font valoir que :

- les conclusions indemnitaires de la demande de première instance des consorts F... dirigées contre eux sont irrecevables en l'absence de demande préalable d'indemnisation adressée aux Hospices civils de Lyon susceptible de lier le contentieux à leur égard ;

- les conclusions indemnitaires de la demande de première instance des consorts F... dirigées contre eux sont irrecevables car tardives, dès lors qu'elles ont été enregistrées le 22 février 2018, soit plus d'un an après l'édiction, le 1er février 2016, de l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

- les conclusions présentées par la société Generali Iard devant la cour sont irrecevables car tardives, dès lors qu'elles ont été enregistrées après l'expiration du délai d'appel ;

- les moyens présentés par les requérants et par la société Generali Iard ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SCP UGGC Avocats, conclut :

1°) à titre principal, au rejet des conclusions de la requête dirigées contre lui ;

2°) à titre subsidiaire :

- à ce que soit ordonnée une expertise médicale sur la prise en charge de M. B... F... à compter du 13 février 2015 à l'Hôpital Louis Pradel des Hospices civils de Lyon et sur les préjudices subis par celui-ci ;

- au rejet des conclusions des consorts F... à fin de provision.

Il fait valoir que les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juin 2019.

Deux mémoires, enregistrés le 19 mai 2020 et présentés respectivement pour les consorts F... et pour la société Generali Iard, n'ont pas été communiqués en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

Un mémoire, enregistré le 21 mai 2020 et présenté pour l'ONIAM, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président assesseur,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- les observations de Me Czorny, avocat (SCP Hartemann - Palazzolo), pour les consorts F...,

- les observations de Me Cesari, avocat (association d'avocats ACLH Avocats), pour la société Generali Iard,

- et les observations de Me Demailly, avocat (Cabinet Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation), pour les Hospices civils de Lyon.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... F..., Mme C... D..., son épouse, Mme G..., sa fille, née le 3 juin 1998, et M. E... F..., son fils, né le 31 mars 2001, relèvent appel du jugement n° 1603429 du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la réparation par les Hospices civils de Lyon et par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) des conséquences dommageables de la paraplégie par ischémie médullaire subie par M. B... F... à l'occasion de l'intervention chirurgicale de résection totale d'un anévrisme de la crosse aortique pratiquée le 13 février 2015 à l'Hôpital Louis Pradel des Hospices civils de Lyon.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En rejetant au fond les conclusions indemnitaires de la demande des consorts F... présentées à l'encontre de l'ONIAM sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, le tribunal administratif de Lyon a implicitement mais nécessairement rejeté aussi leurs conclusions tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale en vue de rechercher si l'intervention chirurgicale du 13 février 2015 avait eu pour M. H... des conséquences anormales au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer sur ces conclusions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. / (...) ".

4. Doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent écarter l'existence d'une perte de chance. Il appartient au juge, pour se prononcer en ce sens, de rechercher dans quel délai une évolution vers des conséquences graves était susceptible de se produire si le patient refusait de subir dans l'immédiat l'intervention.

5. Si les Hospices civils de Lyon ne rapportent pas la preuve que M. H... a été informé du risque de paraplégie par ischémie médullaire qui s'est réalisé, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du 15 décembre 2015 des deux experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, que la pathologie d'anévrisme de la crosse aortique présentée par l'intéressé et traitée par une première intervention chirurgicale réalisée le 16 avril 2007 était en progression constante et rapide, le diamètre de l'aorte horizontale ayant été mesuré à 45 mm le 20 septembre 2012, à 60 mm le 18 novembre 2013 et à 70 mm le 21 novembre 2014. L'indication opératoire devant être portée à partir de 60 mm de diamètre selon les experts, l'intervention chirurgicale pratiquée le 13 février 2015 était ainsi indiquée plus d'un an auparavant. Il ressort en outre du rapport de l'expertise ordonnée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales que, compte tenu du diamètre de 70 mm de l'aorte horizontale mesuré en novembre 2014, l'indication opératoire était formelle, qu'il n'existait pas d'autre option que la chirurgie, que, en l'absence d'intervention chirurgicale, le patient s'exposait à une rupture anévrismale de l'aorte dont le risque de décès est de 60 % et est aggravé chez M. B... F... par une suspicion de maladie congénitale des tissus élastiques et par des facteurs de risque importants tenant à une hypertension artérielle, un surpoids et un tabagisme. Dans ces conditions, eu égard à l'évolution rapide de la pathologie d'anévrisme aortique montrant une augmentation du diamètre de l'aorte horizontale de 10 mm par an au cours des dernières années précédant l'intervention litigieuse du 13 février 2015 et conduisant ainsi à une éventualité de plus en plus probable avec le temps de rupture anévrismale dont le risque de décès à 60 % était aggravé par les facteurs de risque importants précités et propres à M. H..., ce dernier ne pouvait se soustraire à l'acte chirurgical en litige qui était impérieusement requis à bref délai. Dès lors, le défaut d'information susmentionné n'a fait perdre à l'intéressé aucune chance de se soustraire au risque de paraplégie par ischémie médullaire qui s'est réalisé. Par suite, les consorts F... et la société Generali Iard, assureur de M. H... qui lui a versé des indemnités provisionnelles en exécution d'un contrat d'assurance " Generali Accidents de la vie ", ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité des Hospices civils de Lyon à raison de ce défaut d'information.

6. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ".

7. Si les experts relèvent que l'intervention du 13 février 2015 a été réalisée conformément aux règles de l'art " sauf en ce qui concerne les précautions à porter pour minimiser le risque de survenue de paraplégie post-opératoire ", " qu'il n'y a pas eu de technique spécifique mise en place pour assurer une protection médullaire " et évoquent comme mesures permettant de diminuer l'incidence des séquelles neurologiques médullaires, d'une part, le drainage du liquide céphalo-rachidien et, d'autre part, la réinjection de la circulation sanguine extracorporelle spécifiquement par l'artère fémorale lors du temps de clampage nécessaire au remplacement de la crosse de l'aorte, il résulte des termes des points 5 et 6 de la page 21 de leur rapport d'expertise qu'ils ont entendu considérer comme manquement aux règles de l'art la seule absence de drainage du liquide céphalo-rachidien et non l'absence de réinjection spécifique par l'artère fémorale. Dans ces conditions, cette absence de réinjection spécifique ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité des Hospices civils de Lyon. S'agissant du drainage du liquide céphalo-rachidien, il résulte de l'instruction, notamment d'un article de littérature médicale datant de 2012 produit en première instance par les Hospices civils de Lyon et d'un courrier du 2 février 2016 du médecin conseil de cet hôpital public, non sérieusement contestés sur ces points par les requérants et leur assureur, que le rôle prophylactique du drainage du liquide céphalo-rachidien est difficile à établir à partir des données actuelles de la littérature, que les preuves disponibles ne recommandent pas un tel drainage comme méthode de protection, les données sur le rôle de ce drainage pour prévenir les lésions neurologiques dans la chirurgie d'un anévrisme thoraco-abdominal et thoracique étant limitées et devant être complétées par des études cliniques et expérimentales supplémentaires, et que ledit drainage expose à des complications qui lui sont propres de paraplégie et de mortalité entre 0,6 % et 3,5 % par hémorragie intracérébrale sous-durale ou péridurale au point de ponction. Dans ces conditions, et alors que les experts, dans leur rapport du 15 décembre 2015, qualifient l'absence de drainage du liquide céphalo-rachidien de manquement aux règles de l'art sans se fonder sur un référentiel précis et que la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales n'a retenu aucun manquement dans la prévention du risque médullaire, l'absence de drainage du liquide céphalo-rachidien en vue de prévenir le risque de paraplégie par ischémie médullaire à l'occasion d'une intervention chirurgicale telle que celle qui a été pratiquée le 13 février 2015 sur M. H... ne révèle pas de méconnaissance des données acquises de la science à la date de l'intervention litigieuse et ne constitue, dès lors, pas une faute de nature à engager la responsabilité des Hospices civils de Lyon. Par suite, et alors que les experts ont considéré dans leur rapport complémentaire d'expertise du 8 janvier 2016 que l'absence de repérage préalable de l'artère d'Adamkiewicz, qui irrigue la moelle épinière à partir de l'aorte, n'était pas fautive, les consorts F... et la société Generali Iard ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité pour faute des Hospices civils de Lyon à raison de l'absence de mesure spécifique de protection de la moelle épinière visant à prévenir le risque de paraplégie par ischémie médullaire.

8. En dernier lieu, aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Selon le premier alinéa de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. ".

9. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5, en l'absence d'intervention chirurgicale, le patient s'exposait à une rupture anévrismale de l'aorte dont le risque de décès est de 60 % et est aggravé chez M. H... par une suspicion de maladie congénitale des tissus élastiques et par des facteurs de risque importants tenant à une hypertension artérielle, un surpoids et un tabagisme. Dans ces conditions, eu égard à ce risque élevé de rupture d'anévrisme pouvant être fatal, l'intervention chirurgicale pratiquée le 13 février 2015 n'a pas entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles M. H... était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.

11. Selon les experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, le risque de paraplégie à la suite d'une opération de résection d'un anévrisme de l'aorte thoracique, qui varie de 1 % à 10 % avec une moyenne de 2 %, s'accroît en fonction de l'étendue couverte par la prothèse aortique, ce risque augmentant à partir d'une couverture de plus de 15 mm de l'aorte. S'ils mentionnent dans leur rapport complémentaire d'expertise du 8 janvier 2016 que " le risque de paraplégie, compte tenu de l'état clinique de M. H..., était inférieur ou égal à 5 % si toutes les techniques destinées à la prévenir avaient été mises en oeuvre ", ce taux ne correspond ainsi pas aux conditions dans lesquelles l'intervention en cause a été accomplie, alors que les mêmes experts relèvent que " l'absence de précaution particulière de prévention du risque de paraplégie a augmenté le risque de survenue de celle-ci à hauteur de 10 % ". Dans ces conditions, eu égard à la longueur de 160 mm de la prothèse aortique mise en place chez M. H... et à l'accroissement précité du risque de paraplégie en fonction de la longueur de la prothèse, ne présentait pas une probabilité faible le risque de survenue d'une paraplégie telle que celle subie par l'intéressé. Par suite, l'intervention du 13 février 2015 ne peut être regardée comme ayant généré pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci.

12. Il suit de là que les consorts F... et la société Generali Iard ne sont pas fondés à solliciter l'indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale pratiquée le 13 février 2015.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner les expertises médicales sollicitées par les consorts F... ni d'examiner les fins de non-recevoir opposées par les Hospices civils de Lyon à leur demande de première instance et aux conclusions d'appel de la société Generali Iard, que ni cette société ni les consorts F... ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions indemnitaires respectives. Par voie de conséquence, doivent être rejetées leurs conclusions respectives présentées en appel et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 18LY02561 et les conclusions présentées par la société Generali Iard devant la cour sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., à Mme C... D... épouse F..., à Mme G..., à M. I..., à la société Generali Iard, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, aux Hospices civils de Lyon et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 juin 2020.

2

N° 18LY02561


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02561
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité sans faute - Actes médicaux.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier - Existence d'une faute - Manquements à une obligation d'information et défauts de consentement.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public - Exécution du traitement ou de l'opération.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation - Solidarité.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ACLH AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-25;18ly02561 ?
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