Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 mars 2019 du préfet de l'Isère l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction le retour sur le territoire français pendant un an et le signalant aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer en France une activité salariée dans un délai de trente jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1901943 du 29 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 septembre 2019, régularisée le 14 octobre 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901943 du 29 avril 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 mars 2019 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet de l'Isère n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- il entre dans le champ des dispositions de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnues ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- les stipulations de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnues ;
- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2019, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
Par ordonnance du 20 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 9 janvier 2020.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Pin, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 30 juin 1990, déclare être entré sur le territoire français pour la dernière fois en juin 2016, sous couvert d'un visa touristique. Le 20 mars 2019, il a été interpellé par les services de police en situation irrégulière. Par un arrêté du même jour, le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la reconduite et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Grenoble et relève appel du jugement du 29 avril 2019, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
2. En premier lieu, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi, ou, s'agissant des ressortissants algériens, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
3. L'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit la possibilité de délivrer la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé.
4. M. B... soutient qu'il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14-1 mentionné ci-dessus. Toutefois, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions, lesquelles ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens, ainsi qu'il vient d'être dit. M. B... n'invoque aucune stipulation de l'accord franco-algérien de nature à lui ouvrir droit à l'attribution d'un titre de séjour. Par suite, le préfet de l'Isère a pu légalement obliger M. B... à quitter le territoire français dès lors qu'il se trouvait en situation irrégulière.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé, avant de prendre l'arrêté contesté, à un examen particulier de la situation de M. B....
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ".
7. Si M. B... fait valoir qu'il est présent depuis 2016 sur le territoire français où il a développé un réseau amical et où il vit maritalement avec une ressortissante espagnole avec laquelle il s'est marié le 22 juin 2019, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la faible durée de la vie commune, ancienne d'un an environ à la date de la décision attaquée, entre le requérant et sa compagne, à la circonstance que leur mariage est postérieur à la mesure d'éloignement attaquée et alors que M. B... n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés. Pour ces mêmes motifs, doit être écarté le moyen selon lequel le préfet de l'Isère a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit " et aux termes de l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l'exercice ".
9. Les décisions faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français et lui interdisant d'y revenir pendant une durée d'un an n'ont ni pour objet ni pour effet de lui interdire de se marier et de fonder une famille. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que ces décisions ont méconnu les stipulations citées au point précédent.
10. En dernier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
11. En visant le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en indiquant que M. B..., qui n'a pas adopté un comportement troublant l'ordre public ni n'a fait antérieurement l'objet d'une mesure d'éloignement, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine et qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens qu'il allègue avec la France, le préfet de l'Isère a suffisamment motivé sa décision au regard des critères prévus aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 6 février 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 27 février 2020.
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N° 19LY03549