Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 11 novembre 2018, M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) d'annuler les deux arrêtés du 9 novembre 2018 par lesquels le préfet du Puy-de-Dôme, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pendant un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq-jours ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un certificat de résidence, subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme à déterminer par le tribunal en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement du 14 novembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces deux arrêtés du préfet du Puy-de-Dôme et lui a enjoint à procéder au réexamen de la situation de M. F... dans un délai de deux mois, et dans l'attente de lui délivrer une attestation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 décembre 2018, le préfet du Puy-de-Dôme demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 novembre 2018.
Il soutient que :
- M. F... se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français au moment de son interpellation le 9 novembre 2018 ; il n'avait pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; il a déclaré être parti au Canada en 2016.
- c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ses décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence prononcées à l'encontre de M. F..., au motif qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 12 février 2019, M. A... F..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 9 novembre 2018 l'obligeant à quitter le territoire sans délai, fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) d'annuler l'inscription de signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
4°) d'annuler l'arrêté d'assignation à résidence de 45 jours ;
5°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut une autorisation provisoire de séjour ;
6°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative moyennant la renonciation par Me B... à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle et de le condamner aux dépens.
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral méconnaît les dispositions de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- l'arrêté préfectoral, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire n'est pas suffisamment motivé et révèle un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté préfectoral, en tant qu'il lui interdit le retour sur le territoire français est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté préfectoral, en tant qu'il refuse l'octroi d'un délai de départ volontaire, n'est pas justifié par des motifs propres à sa situation personnelle et lui est préjudiciable ;
- il n'a pas été informé des modalités de suppression du signalement effectué au titre d'une mesure d'interdiction de retour ;
- l'arrêté préfectoral l'assignant à résidence est, par voie d'exception, entaché d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.
M. F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 27 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pommier, président.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... F..., ressortissant algérien né le 16 février 1988, est entré en France régulièrement le 19 septembre 2011 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour délivré par les autorités consulaires françaises. Il a bénéficié en qualité d'étudiant d'un certificat de résidence, dont le dernier renouvellement expirait le 30 septembre 2017. Par deux arrêtés du 9 novembre 2018, le préfet du Puy-de-Dôme, après avoir constaté que M. F... s'était maintenu en France à l'expiration de la validité de son titre de séjour sans en avoir demandé le renouvellement, d'une part, lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour pendant un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence. Le préfet du Puy-de-Dôme relève appel du jugement du 14 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces deux arrêtés.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Les circonstances que M. F... a résidé régulièrement en France pendant plusieurs années, qu'il y est titulaire d'un compte bancaire et a régulièrement déclaré ses revenus à l'administration fiscale ne sauraient suffire à le faire considérer comme pouvant prétendre de plein droit à la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu qu'il aurait entaché son appréciation d'une erreur manifeste en estimant que l'intéressé n'entrait dans aucun des cas d'attribution de plein droit définis par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
4. Il y a lieu toutefois pour la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif du litige, de statuer sur les autres moyens présentés par M. F... devant le tribunal administratif et la cour.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) - 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; ".
6. En premier lieu, en vertu de l'article 45 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, en cas de vacance momentanée du poste de préfet, l'intérim est assuré par le secrétaire général de la préfecture. Par décret du 30 octobre 2018 publié au Journal officiel du 31 octobre, il a été mis fin aux fonctions de M. C..., préfet du Puy-de-Dôme. Ainsi, le successeur de M. C... n'ayant pas encore été nommé, Mme E... D..., nommée secrétaire générale de la préfecture par décret du 26 novembre 2015 publié au Journal officiel du 27 novembre, se trouvait chargée de l'intérim du préfet et avait nécessairement compétence pour signer les décisions contestées.
7. En deuxième lieu, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français vise les textes dont il fait application. Il indique notamment que M. F... est entré régulièrement en France en 2011, qu'il a bénéficié d'un certificat de résidence en qualité d'étudiant qui lui a été renouvelé jusqu'au 30 septembre 2017, qu'il s'est maintenu sur le territoire français irrégulièrement à l'expiration de la validité de ce titre, qu'il est célibataire et sans charge de famille, qu'il n'entre dans aucun cas d'attribution de plein droit d'un titre de séjour en vertu de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et qu'il est titulaire d'une carte de résident permanent en cours de validité délivrée par les autorités canadiennes. Ainsi cet arrêté est suffisamment motivé en fait en en droit, alors même qu'il ne fait pas mention des qualifications professionnelles de l'intéressé.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen complet de la situation personnelle de M. F... avant de prendre les décisions contestées.
9. En quatrième lieu, lorsque l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 prescrit qu'un ressortissant algérien doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
10. Les circonstances que M. F... est entré régulièrement en France et a bénéficié de titres de séjour en France de 2011 à 2017, qu'il y a poursuivi avec succès des études supérieures et y a noué des liens ne suffisent pas à établir qu'il remplissait les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 ou sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, alors qu'il est célibataire et sans enfant et que s'il a fait état lors de son audition le 9 novembre 2018 par les services de gendarmerie d'une relation avec une étudiante, ressortissante angolaise, avec laquelle il indiquait vivre, il n'a apporté aucune précision permettant d'étayer ses allégations sur ce point.
11. En cinquième lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit, M. F... ne peut sérieusement soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à sa vie familiale. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ".
13. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition par les services de gendarmerie le 9 novembre 2018 que M. F... n'a invoqué aucune circonstance particulière de nature à justifier qu'il lui soit accordé un délai pour quitter le territoire français et, contrairement à ce qu'il soutient, il n'avait aucunement fait part d'un quelconque projet professionnel et était demeuré évasif quant à sa relation avec une étudiante, dont il n'a pas souhaité donner le nom. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas justifié sa décision au regard de sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
15. Il ressort des énonciations de l'arrêté critiqué que le préfet a pris en compte la durée du séjour en France de M. F..., ses liens avec la France, sa situation familiale. Le préfet doit être regardé, dès lors qu'il se réfère expressément aux critères énoncés au huitième alinéa du II de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme ayant également pris en compte la circonstance qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Il n'avait pas à faire état de ce que l'intéressé ne représentait pas une menace pour l'ordre public dès lors qu'il ne retenait pas une telle menace au nombre des motifs de sa décision. Il ainsi suffisamment motivé sa décision et a pu sans erreur de droit ni erreur d'appréciation prononcer à l'encontre du requérant une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Sur le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :
16. Ni les dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni celles de l'article R. 511-3 de ce code n'imposent que l'étranger soit informé des modalités de suppression du signalement effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour. Par suite et en tout état de cause, ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :
17. Les moyens soulevés à l'encontre de l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français sans délai ayant été écartés, M. F... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ses deux arrêtés du 9 novembre 2018. Les conclusions de M. F... à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. F....
Article 2 : Le jugement n° 1801962 du 14 novembre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... F.... Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 février 2020.
N° 18LY04383 2