La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2020 | FRANCE | N°18LY00983

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 21 janvier 2020, 18LY00983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur A... B..., a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône à lui payer une indemnité de 500 000 euros et de mettre à la charge de cet établissement hospitalier une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600903 du 28 décembre 2017, le tribunal administratif de Dij

on a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur A... B..., a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône à lui payer une indemnité de 500 000 euros et de mettre à la charge de cet établissement hospitalier une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600903 du 28 décembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2018, Mme C... B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur A... B..., représentée par Me Brossaud, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600903 du 28 décembre 2017 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de condamner le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône à lui payer une indemnité de 500 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- c'est à tort que le jugement attaqué a écarté la responsabilité du centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône à l'égard de son fils né trisomique ;

- le centre hospitalier a commis dans le suivi de sa grossesse une faute caractérisée au sens du dernier alinéa de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ; en effet,

le centre hospitalier ne démontre pas qu'elle a été informée des risques de trisomie 21 dont pouvait être atteint son enfant ni qu'elle ait refusé un quelconque examen médical ; il n'établit notamment pas lui avoir proposé un dosage des marqueurs sériques ni qu'elle aurait refusé cet examen ;

la qualité des échographies réalisées au cours du premier semestre de sa grossesse ne permet pas de vérifier si la clarté nucale et la longueur cranio-caudale ont été correctement évaluées ;

elle a dès le début de sa grossesse sollicité une amniocentèse qui lui a été refusée ;

- elle a droit à une indemnité de 500 000 euros en réparation de son préjudice moral et de son préjudice matériel soufferts du fait du handicap de trisomie 21 de son fils.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2018, le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône, représenté par la SELARL RC Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable car, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, elle reprend le texte de son mémoire enregistré le 12 octobre 2017 devant le tribunal administratif de Dijon ;

- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 3 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... relève appel du jugement n° 1600903 du 28 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation par le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône des conséquences dommageables du handicap de trisomie 21, non décelé pendant la grossesse, de son fils Adem B..., né le 10 janvier 2014.

2. Aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles : " Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. / La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. / Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. ".

Sur la responsabilité du centre hospitalier à l'égard de l'enfant A... B... :

3. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas du rapport de l'expertise prescrite par l'ordonnance n° 16000872 du 8 septembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon, que le handicap de trisomie 21 présenté par l'enfant A... B..., qui est dû à une anomalie génétique, ait été provoqué ou aggravé par la prise en charge de l'enfant ou de sa mère durant la grossesse. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône à la requête de Mme B..., celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la réparation, sur le fondement des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, des préjudices subis par son fils du fait du handicap précité.

Sur la responsabilité du centre hospitalier à l'égard de Mme B... :

4. D'une part, il est constant que la grossesse de Mme B..., née le 3 décembre 1970 et enceinte de son cinquième enfant, a été suivie au centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône à compter du 8 juillet 2013. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'échographie réalisée au premier trimestre de la grossesse, le 8 juillet 2013, qui a permis de conclure à des valeurs normales s'agissant de la longueur cranio-caudale et de la clarté nucale, comportait un compte-rendu écrit " tout à fait précis et satisfaisant " selon l'expert, bien que l'examen ait été rendu délicat du fait de la mauvaise échogénicité liée à la morphologie de la patiente, que l'ensemble de la surveillance de la grossesse a été adapté à son niveau de risque, que les examens échographiques ont été de qualité et qu'ils n'ont pas permis de mettre en évidence des anomalies particulières. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la qualité des échographies réalisées, dont celle au cours du premier semestre de sa grossesse, n'aurait pas permis de vérifier si la clarté nucale et la longueur cranio-caudale avaient été correctement évaluées.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du dossier médical de Mme B... au centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône et n'est pas sérieusement contesté par celle-ci, qu'elle a refusé, le 8 juillet 2013, le dosage des marqueurs sériques qui lui avait été proposé et expliqué par le médecin hospitalier qui la suivait. Si certaines mentions ont été ajoutées dans le dossier par le médecin à la suite de l'accouchement, tel n'est pas le cas de la mention relative au refus de dosage des marqueurs sériques. Contrairement à ce que soutient la requérante, le praticien n'avait pas à insister sur l'utilité de ce dosage à la suite de son refus de le faire pratiquer ni à lui notifier par écrit les conséquences de ce refus, dès lors que, comme le rappelle l'expert, la femme enceinte choisit librement de recourir ou non au dépistage de la trisomie 21.

6. Enfin, si Mme B... fait valoir qu'elle aurait demandé dès le début de sa grossesse à bénéficier d'une amniocentèse qui lui aurait été refusée par différents gynécologues, il résulte de l'instruction que son dossier médical ne fait état d'aucune demande en ce sens, alors qu'elle a été suivie par un seul médecin du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône pendant sa grossesse, à compter du troisième mois. L'expert rappelle qu'un prélèvement à visée diagnostique de type amniocentèse n'a à être proposé que lorsque le risque apparaît élevé, c'est-à-dire supérieur ou égal à 1/250, compte tenu des résultats de l'échographie prénatale du premier trimestre, de l'âge maternel et de l'analyse des marqueurs sériques. Dans ces conditions, et alors que Mme B... a refusé le 8 juillet 2013 le dosage des marqueurs sériques, ainsi qu'il a été dit au point précédent, elle ne saurait utilement soutenir qu'elle n'a pas bénéficié d'une amniocentèse.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône n'a pas commis de faute caractérisée au sens du dernier alinéa de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles dans le suivi de la grossesse de Mme B.... Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône à la requête de Mme B..., celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la réparation, sur le fondement des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, des préjudices subis par elle du fait du handicap présenté par son fils.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône sur le fondement de ce même article.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or et au centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 janvier 2020.

2

N° 18LY00983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00983
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BROSSAUD SYLVAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-21;18ly00983 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award