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09/01/2020 | FRANCE | N°19LY03052

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 09 janvier 2020, 19LY03052


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 9 janvier 2017 par laquelle le directeur des Hôpitaux Drôme Nord a refusé de l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi et de condamner solidairement les Hôpitaux Drôme Nord et le docteur D... à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice subi.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner les

Hôpitaux Drôme Nord à lui verser la somme de 29 310,54 euros au titre de ses débour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 9 janvier 2017 par laquelle le directeur des Hôpitaux Drôme Nord a refusé de l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi et de condamner solidairement les Hôpitaux Drôme Nord et le docteur D... à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice subi.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner les Hôpitaux Drôme Nord à lui verser la somme de 29 310,54 euros au titre de ses débours avec intérêt au taux légal à compter du 26 juillet 2017.

Par un jugement n° 1703335 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de la requête dirigées à l'encontre du docteur D... comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et a ordonné qu'il soit procédé à une expertise médicale avant dire droit sur le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, M. A..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 11 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a décidé que l'expertise médicale serait accomplie au seul contradictoire des Hôpitaux Drôme Nord et en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ;

2°) d'ordonner l'extension de l'expertise au contradictoire du docteur D... et aux soins qui lui ont été donnés à compter du 21 juin 2015 ;

3°) de mettre à la charge des Hôpitaux Drôme Nord la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il entend contester la mesure d'expertise en ce qu'elle n'est pas prononcée au contradictoire de M. D..., ce qui est contraire à une bonne administration de la justice ;

- la présence du docteur D... aux opérations d'expertise apparait manifestement utile à la détermination des responsabilités encourues ; c'est suite à sa prise en charge par le docteur D... pour une suture et une désinfection à la Bétadine qu'il a été pris de vives douleurs et conduit à l'établissement de Romans-sur-Isère pour un traitement sous morphine, puis pour une septicémie avec infarctus du rein droit ; les Hôpitaux Drôme Nord contestent les conclusions du rapport d'expertise du docteur Barret et soutiennent que les troubles subis seraient en lien avec son état lors de sa prise en charge par le docteur D... ;

- il apparait nécessaire pour une meilleure administration de la justice de rendre les opérations d'expertise opposables au docteur D... et à son assureur afin d'éviter de solliciter une autre expertise devant les juridictions judiciaires ; une seule expertise s'avère indispensable à la manifestation de la vérité et au règlement définitif du litige.

Par un mémoire, enregistré le 23 septembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, représentée par Me H..., s'en rapporte à la justice en ce qui concerne la demande du requérant tendant à la réformation du jugement du 11 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a décidé que l'expertise médicale serait accomplie au seul contradictoire des Hôpitaux Drôme Nord et, dans l'hypothèse où les Hôpitaux Drôme Nord et le docteur D... seraient déclarés en tout ou partie responsables du préjudice subi par M. A..., à la condamnation des Hôpitaux Drôme Nord et du docteur D... à lui verser la somme de 29 310,54 euros en remboursement des débours engagés, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du premier mémoire notifié au tribunal administratif en juillet 2017 et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, à ce que le remboursement de plus amples débours soit réservé et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des Hôpitaux Drôme Nord et du docteur D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2019, les Hôpitaux Drôme Nord, représentés par Me F..., concluent à ce que la cour administrative d'appel ordonne que la mission d'expertise se déroule en présence du docteur D... en qualité de sachant et au rejet des conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Ils soutiennent que :

- ils contestent fermement leur responsabilité dès lors que les préjudices subis par M. A... paraissent être uniquement en lien avec sa prise en charge par le docteur D... ; si la responsabilité du docteur D... est reconnue par l'expert, l'expertise sera inopposable à ce médecin devant le juge judiciaire dès lors qu'il n'aura pas été appelé en qualité de sachant dans l'expertise sollicitée ; par suite, le docteur D... doit être entendu par l'expert en qualité de sachant.

Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2019, M. D..., représenté par Me E..., conclut à la confirmation du jugement du 11 juin 2009 du tribunal administratif de Grenoble et au rejet de la demande des Hôpitaux Drôme Nord tendant à ce qu'il soit entendu en qualité de sachant et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de tout succombant en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en qualité de médecin libéral exerçant à titre libéral, la cour ne peut que confirmer le jugement en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant à ce qu'une expertise soit rendue à son contradictoire comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

- la demande des Hôpitaux Drôme Nord tendant à ce qu'il soit entendu comme sachant est nouvelle en appel et donc irrecevable ; dans tous les cas, cette mesure n'est pas utile dès lors que la juridiction administrative ne peut apprécier que la responsabilité des Hôpitaux Drôme Nord ; en qualité de sachant, il ne bénéficie pas des mêmes garanties procédurales que les parties telles que l'obligation pour l'expert de rédiger un pré-rapport soumis aux dires des parties.

Par lettre du 21 novembre 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a expressément réservé jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas statué par le jugement attaqué incluant l'ensemble des conclusions relatives à l'indemnisation des préjudices des différentes parties au litige. Il ne peut, en conséquence, être statué sur ces conclusions dans le cadre de la présente instance d'appel qui ne porte que sur la prescription d'une expertise médicale, seul point sur lequel le jugement avant dire droit a statué. Par suite, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme tendant à la condamnation des Hôpitaux Drôme Nord et du docteur D... à lui verser une somme au titre des débours exposés en faveur de M. A... et au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion sont irrecevables.

Par un mémoire, enregistré le 2 décembre 2019, et en réponse au moyen d'ordre public, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme se réserve le droit ultérieurement de faire valoir son droit à indemnisation lorsque l'affaire sera à nouveau évoquée après expertise et reviendra devant la juridiction du premier degré et maintient ses conclusions tendant à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des Hôpitaux Drôme Nord.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 juin 2015, M. C... A..., né le 12 août 1981, a été blessé à la plante du pied droit lors d'un saut dans la rivière Ardèche. Il a été pris en charge par le docteur D..., médecin généraliste de garde, qui a procédé à une désinfection à la Bétadine, à une suture de dix-sept points et a prescrit une antibiothérapie. En raison des vives douleurs ressenties à la plante du pied, M. A... a été conduit, le 22 juin 2015, par ambulance dans le service des urgences de l'établissement hospitalier de Romans-sur-Isère, dépendant des Hôpitaux Drôme Nord. Le 23 juin 2015, à la suite d'un scanner et de prélèvements, il a subi une intervention chirurgicale en raison de la surinfection de sa plaie plantaire droite. Il a ensuite été admis dans le service de réanimation jusqu'au 25 juin 2015 en raison d'une septicémie. Le 2 juillet 2015, il a été victime d'un infarctus du rein droit mis en évidence par la réalisation d'un scanner abdominal. Du 3 au 8 juillet 2015, il a été transféré dans le service de néphrologie. Le 9 juillet, il a été autorisé à regagner son domicile. Estimant avoir été victime d'une faute dans sa prise en charge par le centre hospitalier de Romans-sur-Isère, M. A... a saisi, le 3 mai 2016, les Hôpitaux Drôme Nord d'une réclamation préalable indemnitaire qui a été rejetée le 9 janvier 2017. Le 10 mars 2017, M. A... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Rhône-Alpes. Par un avis du 27 mars 2017, la CRCI s'est déclarée incompétente pour connaître de la demande d'indemnisation de M. A... compte tenu de ce que les dommages subis par M. A... ne présentaient pas le caractère de gravité exigé par les articles L. 1142-1 et D. 1142-1 et suivants du code de la santé publique. Le 9 juin 2017, M. A... a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation des Hôpitaux Drôme Nord et du docteur D... à réparer les préjudices subis. Par un jugement avant dire-droit du 11 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions dirigées contre le docteur D... comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et a prescrit une expertise au contradictoire des Hôpitaux Drôme Nord en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme. M. A... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas rendu les opérations d'expertise opposables au docteur D... et à son assureur.

Sur l'étendue du litige :

2. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a expressément réservé jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas statué par le jugement attaqué incluant l'ensemble des conclusions relatives à l'indemnisation des préjudices. Il ne peut, en conséquence, être statué sur ces conclusions dans le cadre de la présente instance d'appel qui ne porte que sur la prescription d'une expertise médicale, seul point sur lequel le jugement avant dire droit a statué. Par suite et en admettant qu'elle ait entendu les maintenir, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme tendant à la condamnation des Hôpitaux Drôme Nord et du docteur D... à lui verser une somme au titre des débours exposés en faveur de M. A... et au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'extension des opérations d'expertise au docteur D... :

3. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties ".

4. M. A... fait valoir que l'expertise doit être étendue au docteur D... dès lors qu'il a été initialement pris en charge par ce praticien pour une suture et une désinfection avant d'être admis au centre hospitalier de Romans-sur-Isère, lequel soutient en défense que les préjudices subis par l'intéressé sont en lien avec les soins réalisés par le docteur D.... Il est constant que M. D..., en qualité de médecin libéral, a pris en charge M. A... le 21 juin 2015. Eu égard à la qualité de médecin libéral de M. D..., des conclusions le mettant en cause sont manifestement insusceptibles de se rattacher à un litige relevant de la compétence des juridictions de l'ordre administratif et la demande tendant à ce que l'expertise lui soit étendue ainsi qu'à son assureur en qualité de partie ne peut qu'être rejetée. Toutefois, et compte tenu de la prise en charge initiale de M. A... par le docteur D... un jour avant son admission au centre hospitalier de Romans-sur-Isère, les observations de ce praticien sont susceptibles d'apporter des éléments utiles à l'expert pour la bonne exécution de sa mission. Par suite, et alors que les conclusions présentées devant la cour par les Hôpitaux Drôme Nord tendant à ce que le docteur D... soit entendu par l'expert en qualité de sachant ne sont pas irrecevables et qu'en tout état de cause il appartient au juge administratif en vertu de ses pouvoirs propres de décider s'il convient pour l'expert d'y procéder, il y a lieu d'ordonner que la mission d'expertise se déroule en présence du docteur D... en qualité de sachant.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux Drôme Nord, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que M. A... et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme demandent sur ce fondement. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le docteur D....

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... tendant à l'extension des opérations d'expertise au docteur D... et à son assureur en qualité de partie est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 11 juin 2019 est ainsi complété : " L'expert entendra le docteur D... en qualité de sachant ".

Article 3 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. A... et le docteur D... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au centre hospitalier de Romans-sur-Isère, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et au docteur D.... Copie en sera adressée à l'expert désigné par le tribunal administratif de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 janvier 2020.

2

N° 19LY03052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03052
Date de la décision : 09/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP MARGALL - D'ALBENAS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-09;19ly03052 ?
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