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08/11/2019 | FRANCE | N°18LY01020

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 08 novembre 2019, 18LY01020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... et la société Axa France Iard ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum la communauté d'agglomération Porte de l'Isère (CAPI) et la société SMACL Assurances à verser à la société Axa France Iard la somme de 4 129,58 euros et à M. F... la somme de 75 415,19 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, de déclarer le jugement commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et d'ordonner

l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La caisse primaire d'assuranc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... et la société Axa France Iard ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum la communauté d'agglomération Porte de l'Isère (CAPI) et la société SMACL Assurances à verser à la société Axa France Iard la somme de 4 129,58 euros et à M. F... la somme de 75 415,19 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, de déclarer le jugement commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la communauté d'agglomération Porte de l'Isère et la société SMACL Assurances à lui verser les sommes de 93 651,94 euros au titre de ses débours avec intérêt au taux légal à compter du jugement et de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1506125 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné, d'une part, in solidum la communauté d'agglomération Porte de l'Isère et la société SMACL Assurances à verser à la société Axa France Iard la somme de 4 129,58 euros et à M. F... la somme de 30 686,60 euros, d'autre part, la communauté d'agglomération Porte de l'Isère et la société SMACL Assurances à verser à la CPAM de l'Isère la somme de 93 651,94 euros au titre du remboursement de ses débours et de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis les frais d'expertise à la charge in solidum de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère et de la société SMACL Assurances et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mars 2019, la communauté d'agglomération Porte de l'Isère (CAPI) et la SMACL Assurances, représentées par Me B..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 29 décembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a exclu toute faute de M. F... dans la survenance de l'accident du 3 octobre 2012 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener le montant de sa condamnation à la part du défaut d'entretien normal qui lui est imputable ;

4°) de ramener les prétentions indemnitaires de M. F... à de plus justes proportions ;

5°) de mettre à la charge de M. F... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de la CAPI ne peut être engagée dès lors que l'expert n'a pas précisé les circonstances matérielles de l'accident permettant de décrire le comportement routier de M. F... comme constitutif ou non d'une faute ; aucune conclusion du rapport de l'expert ne rapportant la preuve de la responsabilité de la CAPI, il revenait au juge de l'examiner ;

- M. F... a commis une faute de nature à exonérer la CAPI de sa responsabilité dans la survenue de l'accident ; il avait connaissance de travaux sur les chaussées et a manqué de prudence face à un danger auquel il pouvait s'attendre et contre lequel il lui appartenait de se prémunir en restant maître de son véhicule ; M. F... a pris un risque en empruntant une trajectoire proche de l'axe central de la rue, en freinant et en contrebraquant ; la présence de graviers ne constitue pas un danger excédant ceux auxquels le conducteur doit porter attention ;

- l'expert aurait dû se prononcer sur l'état de santé antérieur de M. F... qui aurait pu être à l'origine, même partiellement ; de l'accident ; M. F... était sous traitement médical et prenait 3 boites de Tussipax par jour alors que ce médicament induit des effets de somnolence ;

- les pneumatiques du scooter présentaient un taux d'usure de 70 % à l'avant et de 30 % à l'arrière ; le jugement a ignoré le rapport d'expertise automobile qui a relevé cette usure prononcée des pneumatiques qui plaçait M. F... face à un risque important ;

- si la cour confirmait la condamnation de la CAPI, la réparation des préjudices subis par M. F... ne saurait excéder les sommes retenues par le jugement du tribunal administratif de Grenoble ;

- les demandes de la CPAM sont insuffisamment étayées ;

Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2018, la CPAM du Rhône, venant aux droits de la CPAM de l'Isère, représentée par Me D... H..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soient mises à la charge solidaire de la CAPI et de la SMACL.

Elle soutient que :

- la présence de gravillons sur les lieux de l'accident provenait des travaux réalisés par la CAPI consistant à reboucher un trou apparu au centre de la chaussée ; ce danger n'était pas signalé et les graviers étaient répandus sur toute la largeur de la chaussée en quantité variable ; la présence de ces gravillons est la cause du dérapage du véhicule de M. F... ;

- aucun élément ne permet de retenir une faute de la victime de nature à exonérer la CAPI de sa responsabilité pour défaut d'entretien normal d'un ouvrage public ;

Par un mémoire enregistré le 31 janvier 2019, M. F... et la société Axa France Iard, représentés par Me G... J..., concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 29 décembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a que partiellement fait droit à la demande de M. F... et à la condamnation in solidum de la CAPI et la SMACL à verser à M. F... la somme de 72 415,19 euros, assortie des intérêts moratoires à compter de la notification de l'arrêt, en réparation des préjudices subis, à ce que l'arrêt à intervenir soit déclaré commun à la CPAM de l'Isère et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de la CAPI et de la SMACL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'expert désigné devait déterminer si les dommages subis étaient imputables à l'accident et non à un éventuel état antérieur ; l'expert n'a pas été missionné pour déterminer s'il a respecté ou non le code de la route et il ne lui appartenait pas d'établir les circonstances de l'accident ; l'enquête pénale établit parfaitement les circonstances de l'accident et son absence de faute ;

- l'agent de maîtrise de la CAPI a reconnu, lors de l'enquête de gendarmerie, qu'il avait refait une petite portion du bitume de la chaussée des Saules, devant la boulangerie des Fougères, qu'il l'avait recouverte de graviers sans placer de panneau de signalisation à cet endroit ; lors de son premier passage à 13h30, pour se rendre à son travail, il n'a vu aucun panneau de travaux au niveau du chemin des Saules ; il résulte de l'enquête pénale que son scooter a dérapé en raison de la présence de graviers à la sortie d'un virage de la chaussée des Saules et qu'aucun panneau ne signalait la présence des graviers ; l'enquête pénale a été classée sans suite compte tenu de l'indemnisation de ses préjudices par l'assureur de la CAPI ;

- le procès-verbal de gendarmerie indique qu'aucune infraction ou faute ne peut lui être imputée ; il roulait à une vitesse modérée ; il portait un casque ; les pneumatiques étaient en bon état selon les constatations de la gendarmerie ; ce n'est pas le pneu avant qui a dérapé sur les gravillons mais le pneu arrière qui a chassé à droite lors de l'accélération ; il ne pouvait pas éviter les graviers et anticiper leur présence dès lors qu'ils ont été posés le jour de l'accident, qu'ils n'étaient pas présents lors du premier passage à 13h30 et qu'ils étaient positionnés sur toute la largeur de la chaussée ; la CAPI n'établit pas qu'il n'aurait pas tenu sa droite ; le fait qu'il ait freiné avant d'aborder le virage ne constitue pas un manquement aux règles du code de la route ; il n'est pas établi qu'il aurait surconsommé du Tussipax qui est un médicament contre la toux et qui n'est pas soumis à prescription médicale ; les gendarmes qui l'ont interrogé et le certificat médical initial ne font état d'aucun trouble de l'attention ou d'anomalie dans le comportement ; sur les dix ans précédant l'accident, il n'a jamais été victime du moindre accident ;

- concernant le remboursement des règlements effectués par la compagnie AXA France Iard, au titre de l'assistance par une tierce personne, M. F... a bénéficié de la somme de 310,50 euros compte tenu de ce qu'il avait besoin de la présence d'une tierce personne pour une durée d'1h30 par jour et l'utilisation de deux cannes démontre son absence d'autonomie ; après déduction de la franchise, l'assurance a versé à M. F... au titre des réparations à réaliser sur le scooter la somme de 2 979,08 euros ; l'assurance a réglé les frais d'expertise judiciaire à hauteur de la somme de 840 euros ;

- concernant la liquidation des préjudices de M. F..., son déficit fonctionnel sera évalué à la somme de 3 180 euros ; les souffrances endurées seront évaluées à 8 000 euros ; au titre de ses pertes de gain professionnelles, il aurait bénéficié d'une transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée dès le 1er janvier 2013 et il a donc perdu des gains entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013, il peut prétendre au remboursement de la somme de 469,80 euros ; au titre de l'incidence professionnelle, il est fondé à demander la somme de 30 000 euros en raison d'une pénibilité accrue du travail résultant de la perte de mobilité et de douleurs persistantes ; il est fondé à demandé une indemnisation de 2 839,50 euros au titre de l'assistance par une tierce personne sur une base d'1h30 par jour pour la période du 3 novembre 2012 au 1er avril 2013, date à laquelle il n'a plus eu recours à l'utilisation de deux cannes ; les frais divers engagés pour la location de la télévision lors de son hospitalisation, pour les vêtements découpés aux urgences, pour l'annulation de son voyage à Londres seront indemnisés à hauteur de 1 125,89 euros ; son déficit fonctionnel permanent sera évalué à 15 000 euros ; son préjudice esthétique sera évalué à 3 500 euros ; son préjudice d'agrément sera évalué à 8 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me E... représentant la communauté d'agglomération Porte de l'Isère et de Me G..., représentant M. F... et AXA France Iard.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 octobre 2012, vers 18h40, M. F... a été victime d'un accident de la route alors qu'il circulait avec son scooter chaussée des Saules en direction de la chaussée des Ayes à Villefontaine, dans le département de l'Isère. Il a été transporté au centre hospitalier de Bourgoin-Jallieu, où il lui a été diagnostiqué une fracture de la clavicule droite, des fractures des côtes droites, une fracture du plateau tibial externe droit, une fracture du col et de la tête du péroné droit et un hémo-pneumothorax droit. Imputant sa chute à un défaut d'entretien de la chaussée qui était en travaux, M. F... a saisi la communauté d'agglomération Porte de l'Isère (CAPI) d'une réclamation indemnitaire et le tribunal administratif de Grenoble d'une demande d'expertise. Par ordonnance du 9 avril 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné en qualité d'expert le professeur Fessy, lequel a déposé son rapport le 26 septembre 2014. La CAPI et son assureur, la SMACL assurance, relèvent appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble les a condamnés in solidum à verser à la société Axa France Iard la somme de 4 129,58 euros et à M. F... la somme de 30 686,60 euros et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère les sommes de 93 651,94 euros au titre du remboursement de ses débours et de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis les frais d'expertise à leur charge solidaire et a rejeté le surplus des conclusions des parties. M. F... demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun. La CPAM du Rhône, venant aux droits de la CPAM de l'Isère, a été régulièrement mise en cause et a produit dans la présente instance. Il y a lieu, ainsi que le demandent M. F... et son assureur, de déclarer commun à la caisse le présent arrêt.

Sur la responsabilité de la CAPI et de son assureur :

3. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

4. La CAPI fait valoir que l'expert n'a pas procédé à la description des circonstances de l'accident. Il résulte de l'expertise que, dans la partie " commémoratifs ", l'expert a précisé que M. F... " circulait en scooter équipé, casqué " et " qu'il a glissé sur des gravillons qui venaient d'être déposés en même temps que l'enrobage de la chaussée " et a indiqué que " les lésions sont compatibles avec le mécanisme physiopathologique présenté. Le patient en scooter a glissé, il est tombé lourdement sur le côté droit expliquant les fractures de côtes, la fracture de la ceinture scapulaire et la fracture du plateau tibial recevant la moto sur le genou au moment de la chute ". Outre ce rapport d'expertise, un rapport d'enquête préliminaire de la gendarmerie nationale de Bourgoin-Jallieu a été rédigé le 10 novembre 2012. Ce rapport décrit les circonstances exactes de l'accident après audition de la victime, d'un agent de maîtrise de la CAPI et d'un témoin. Par suite, le tribunal administratif de Grenoble disposait des pièces lui permettant de déterminer les responsabilités respectives de la CAPI et de M. F... dans l'accident survenu le 3 octobre 2012.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'enquête préliminaire de la gendarmerie nationale de Bourgoin-Jallieu qui était présente sur les lieux peu après l'accident, que, le 3 octobre 2012 vers 18h40, M. F... a perdu le contrôle de son scooter alors qu'il circulait sur la chaussée des Saules en raison de la présence de graviers en quantité variable sur toute la largeur de la chaussée et a chuté. Lors de l'audition d'un agent de maîtrise de la CAPI, celui-ci a reconnu avoir procédé au rebouchage d'un trou sur la chaussée des Saules avec du bitume garni de graviers et avoir oublié d'installer des panneaux de signalisation attirant l'attention des usagers sur la présence de graviers. La présence de graviers en quantité significative sur toute la largeur de la voie excède les obstacles ou défectuosités que les usagers de la voie publique doivent normalement s'attendre à rencontrer. En l'absence de toute signalisation du risque que présentait la circulation en raison de la présence de cette couche de graviers, la CAPI et son assureur n'établissent pas, alors que la charge de la preuve leur incombe, avoir entretenu normalement l'ouvrage public.

6. Si M. F... avait connaissance des travaux entrepris dans le secteur du stade de la Prairie, il n'est pas sérieusement contesté qu'il ignorait, lorsqu'il a emprunté la chaussée des Saules à 18h30, la présence sur cette voie de graviers qui avaient été répandus, selon les attestations produites en première instance, après son passage pour se rendre à son travail, en début d'après-midi par un agent de la CAPI, qui avait rebouché un trou situé au centre de la chaussée.

7. Il n'est pas établi par les pièces du dossier que M. F... aurait circulé sur l'axe central de la chaussée, alors au demeurant que les gendarmes ont constaté que les graviers étaient répandus de façon plus ou moins importante sur toute la largeur de la voie, ni qu'il aurait fait preuve d'une imprudence en freinant, alors qu'il circulait à une vitesse qui n'était pas excessive, avant d'aborder le virage en courbe modérée où a eu lieu l'accident et en contrebraquant par réflexe au moment où le scooter s'est dérobé.

8. Si la compagne de M. F... a déclaré lors de l'expertise que son époux était sous Tussipax, il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence de toute mention à ce sujet lors de l'examen médical, que M. F... aurait manqué de vigilance sous l'effet de son traitement antitussif qui peut induire un risque de somnolence.

9. Si le rapport de l'expert automobile, M. I..., du 29 novembre 2012 indique " usure des pneus avant 70 % et arrière 30 % ", il résulte des constatations effectuées par la gendarmerie nationale le jour de l'accident que les pneumatiques étaient en bon état. Au demeurant, il n'est pas sérieusement contesté que, selon les propres déclarations de M. F..., " son scooter s'est dérobé à droite par l'arrière ". Ainsi, l'accident ne saurait être regardé comme imputable même partiellement à une usure anormale des pneumatiques du véhicule.

10. Par suite, la présence non signalée d'une couche de graviers sur la largeur de la voie litigieuse constitue un défaut d'entretien normal de nature à engager l'entière responsabilité de la CAPI et de son assureur, en l'absence de toute faute de M. F....

Sur l'étendue de la subrogation de la société AXA France Iard et l'évaluation des préjudices :

11. L'article L. 121-12 du code des assurances dispose dans son premier alinéa que : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". L'assureur qui bénéficie de la subrogation instituée par les prescriptions de l'article L. 121-12 du code des assurances dispose de la plénitude des droits et actions que l'assuré qu'il a dédommagé aurait été admis à exercer à l'encontre de toute personne responsable, à quelque titre que ce soit, du dommage ayant donné lieu au paiement de l'indemnité d'assurance. Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré.

12. Il résulte de l'instruction que la société Axa France Iard justifie avoir versé la somme de 310,50 euros au titre de l'assistance par une tierce personne en février 2013 et de la livraison de repas en mars 2013, la somme de 2 979,08 euros au titre des travaux de réparation du scooter, déduction faite de la franchise de 300 euros, et la somme de 840 euros au titre des frais d'expertise. Par suite, la société Axa France Iard justifie être subrogée dans les droits de la victime à hauteur de ces sommes.

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des dépenses de santé :

13. M. F... n'établit ni même n'allègue avoir supporté des dépenses de santé restées à sa charge.

14. La CPAM du Rhône justifie suffisamment, par un état détaillé de ses débours et une attestation d'imputabilité établie par son médecin-conseil le 12 novembre 2015, avoir exposé pour le compte de son assuré à la suite de son accident les sommes de 59 867,30 euros au titre des frais hospitaliers, de 869,67 euros au titre des frais médicaux, de 1 073,59 euros au titre des frais pharmaceutiques, de 463,02 euros au titre des frais d'appareillage et de 5 356,15 euros au titre des frais de transport. Le poste de préjudice correspondant aux dépenses de santé s'élève ainsi à la somme totale de 67 629,73 euros.

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne :

15. M. F... fait valoir qu'il est fondé à demander une indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne sur la base d'1h30 par jour et pour la période comprise entre le 3 novembre 2012 et le 1er avril 2013, date à partir de laquelle il n'a plus eu recours à l'utilisation de deux cannes.

16. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise établi par le professeur Fessy que l'assistance de M. F... par une tierce personne a été nécessaire à hauteur de 1h30 par jour du 3 novembre 2012 au 31 janvier 2013, ce qui correspond à la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 75 %. L'expert indique encore que M. F... ne peut pas utiliser les cannes à l'issue de son hospitalisation du fait de sa fracture claviculaire et " qu'il est en fauteuil jusqu'à la fin de janvier 2013. Il marche avec deux cannes jusqu'au 1er avril 2013 et passe à une canne qu'il lâche définitivement le 1er mai 2013 ". Par suite, eu égard au fait que l'intéressé doit s'aider de deux cannes pour marcher et qu'il présente un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 50 % du 1er février au 1er avril 2013, il y a lieu de retenir pour la période comprise entre le 3 novembre 2012 et le 1er avril 2013 un besoin en assistance par une tierce personne de 1h30 par jour. Sur la base de 412 jours par an pour tenir compte du coût lié aux congés payés et jours fériés et du coût horaire moyen du SMIC majoré des cotisations sociales évaluées à 12 euros pour cette période, les frais au titre de l'assistance par une tierce personne s'établissent à la somme de 2 950 euros. Par ailleurs, la société Axa assurance Iard justifie avoir réglé au titre de ce chef de préjudice la somme de 310,50 euros. Il s'ensuit qu'il y a lieu de condamner la CAPI et son assureur à verser à la société Axa assurances Iard la somme de 310,50 euros et à M. F... la somme de 2 639,50 euros.

S'agissant de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle :

17. D'une part, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que celle-ci n'a subi que la perte d'une chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

18. D'autre part, la rente d'accident du travail prévue par l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale doit, en raison de la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions qui l'institue et de son mode de calcul, appliquant le taux d'incapacité permanente au salaire de référence défini par l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice. En particulier, une telle rente ne saurait être imputée sur un poste de préjudice personnel.

19. M. F... fait valoir qu'il aurait bénéficié d'une transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée dès le 1er janvier 2013 et qu'il a donc perdu des gains entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013 et peut prétendre au remboursement de la somme de 469,80 euros.

20. M. F... se prévaut d'un revenu de référence de 1 422,80 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que la moyenne des revenus perçus entre juin et septembre 2012 est de 1 455 euros par mois. Dès lors, le montant que M. F... aurait dû percevoir du 1er janvier au 31 décembre 2013, s'il n'avait pas été victime d'un accident du travail, sera justement évalué à la somme de 17 460 euros. Il résulte également de l'instruction que M F... a perçu de la CPAM du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2013 la somme de 21 498,75 euros, la CPAM précisant que cela équivaut à 48,75 euros par jour. Par suite, au titre de l'année 2013, M. F... a perçu des indemnités journalières d'un montant de 17 793 euros et n'a subi aucune perte de revenus susceptible d'être indemnisée.

21. Par ailleurs, M. F... indique que s'il a pu reprendre une activité professionnelle de chauffeur dans le cadre de son contrat à durée déterminée, l'exercice de son activité professionnelle est plus difficile compte tenu de la difficulté à mobiliser l'épaule droite et du déficit de flexion au niveau du genou droit. L'expert a évalué le déficit fonctionnel permanent à 10 %. En fixant à 3 000 euros le montant du préjudice d'incidence professionnelle, le tribunal administratif de Grenoble en a fait une évaluation qui n'est ni excessive ni insuffisante. Toutefois, il résulte de l'instruction que la CPAM a versé à M. F... une rente accident du travail sous forme de capital d'un montant de 3 486,62 euros et que la perception de cette rente couvre en totalité le préjudice d'incidence professionnelle. Par suite, la demande indemnitaire au titre de l'incidence professionnelle ne peut être accueillie.

22. La CPAM justifie avoir versé à M. F... des indemnités journalières d'un montant de 22 535,59 euros du 4 octobre 2012 au 31 décembre 2013 et un capital pour l'incapacité permanente à la suite de l'accident de travail à hauteur de 3 486,62 euros. Le préjudice de la victime évalué à 3 000 euros ayant été intégralement réparé par l'allocation de cette rente, la CPAM du Rhône a droit au versement d'une indemnité de 3 000 euros. Par suite, la CAPI et son assureur doivent être condamnés à verser à la CPAM du Rhône la somme de 25 535,59 euros.

S'agissant des frais divers :

23. Il résulte de l'instruction que la société d'assurance a pris en charge le coût de la réparation du scooter, déduction de la franchise de 300 euros, pour un montant non contesté de 2 979, 08 euros.

24. Il résulte également de l'instruction que M. F... a réglé des frais de télévision durant son hospitalisation du 4 au 30 octobre 2012 pour un montant de 132,60 euros. La CAPI et son assureur ne contestent pas la demande de M. F... tendant au remboursement des vêtements découpés lors de son hospitalisation pour un montant de 420 euros. Si M. F... demande également la prise en charge du préjudice financier résultant de l'annulation d'un voyage à Londres prévu le 30 décembre 2012, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante ou excessive de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 430 euros compte tenu de ce que ce voyage concernait également une quatrième personne pour laquelle il n'est pas établi que M. F... avait qualité pour demander la réparation du préjudice subi du fait de l'annulation du voyage.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux de M. F... :

25. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. F... a subi un déficit fonctionnel permanent durant les périodes d'hospitalisation du 3 octobre au 2 novembre 2012 et du 5 au 7 novembre 2013 ; que le déficit fonctionnel temporaire partiel est évalué à 75 % pour la période du 3 novembre 2012 au 31 janvier 2013, à 50 % du 1er février au 1er avril 2013, à 25 % du 2 avril au 2 mai 2013, à 10 % du 3 mai jusqu'au 4 novembre 2013. L'expert retient également un déficit fonctionnel temporaire partiel à l'issue de l'ablation du matériel du 8 au 30 novembre 2013 à hauteur de 25 % et un déficit fonctionnel temporaire partiel du 1er au 30 décembre 2013 à hauteur de 10 %. La date de consolidation de l'état de santé de M. F... a été fixée au 31 décembre 2013. Les premiers juges ont correctement évalué ce préjudice en le fixant à la somme de 2 384 euros. L'expert retient également un déficit fonctionnel permanent qui tient compte du flexum du genou, du déficit en flexion du genou droit, des douleurs thoraciques, des déficits en mobilité de l'épaule droite chez un droitier en l'évaluant à 10 %. Les premiers juges ont correctement évalué ce préjudice en allouant à la victime la somme de 12 000 euros.

26. L'expert a retenu également que s'agissant des souffrances endurées, " le patient a eu un polytraumatisme avec fracture des côtes, fracture du plateau tibial. Il a bénéficié de la mise en place d'un train thoracique et d'un passage en réanimation pendant une dizaine de jours. Il a été réalisé une ostéosynthèse à ciel ouvert de la fracture du plateau tibial. Le patient est resté longtemps sans appui. Pour toutes ces raisons, les souffrances endurées sont évaluées à 4 sur une échelle de 7 " en tenant compte des troubles psychologiques. Les premiers juges ont évalué ce préjudice à la somme de 6 000 euros. M. F... a subi un préjudice esthétique, constitué par une légère boiterie, des cicatrices thoraciques et autour du genou, une bosse sur l'hémithorax droit, du cal hyperthrophique et un affaissement de la ceinture scapulaire, évalué par l'expert à 2 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont évalué ce préjudice à la somme de 1 500 euros. Enfin, le tribunal administratif de Grenoble a évalué le préjudice d'agrément de M. F... à la somme de 2 000 euros en tenant compte du fait qu'il ne peut plus pratiquer la course à pied, que la pratique de la moto n'est pas recommandée et que ses séquelles font partiellement obstacle à une activité de bricolage. Cette évaluation des préjudices effectuée par les premiers juges, et ce alors que M. F... n'apporte en appel aucun élément nouveau au soutien de ses prétentions indemnitaires, n'apparaît ni insuffisante ni disproportionnée.

27. Il suit de là que le montant total des préjudices subis par M. F... s'élève à la somme de 27 506,10 euros, le montant de l'indemnité due à Axa France Iard s'élève à la somme de 3 289,58 euros et le montant total de l'indemnité due à la CPAM en remboursement de ses débours s'élève à la somme de 93 165,32 euros.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

28. Le tribunal administratif a accordé à la caisse, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, une somme de 1 055 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 26 décembre 2016 alors en vigueur ; si le plafond a été réévalué par la suite, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors que la somme qui lui est allouée en appel est inférieure à celle accordée en première instance.

Sur les intérêts :

29. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution. Par suite, la demande de M. F... et de la société Axa France Iard tendant à ce que leur soient alloués, à compter de la notification de l'arrêt, des intérêts au taux légal sur les sommes qui leur sont dues, sont dépourvues de tout objet et doivent donc être rejetées.

Sur les frais d'expertise :

30. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 840 euros par ordonnance du 20 octobre 2014 du président du tribunal administratif de Grenoble à la charge de la CAPI et de son assureur au bénéfice de la société Axa France Iard.

31. Il résulte de tout ce qui précède que la CAPI et son assureur sont seulement fondés à demander que l'indemnité qu'ils ont été condamnés à verser à M. F... soit ramenée de 30 686,60 euros à 27 506,10 euros et celle due à la CPAM de 93 651,94 euros à 93 165,32 euros, l'indemnité due à la société AXA France Iard étant maintenue à 4 129,58 euros, soit 3 289,58 euros auxquels s'ajoute la somme de 840 euros en remboursement des frais d'expertise. Les conclusions d'appel incident de M. F... et de son assureur doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés au litige :

32. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la CPAM de l'Isère et à celle du Rhône.

Article 2 : La somme de 30 686,60 euros que la CAPI et son assureur ont été condamnés in solidum à verser à M. F... est ramenée à la somme de 27 506,10 euros.

Article 3 : La somme de 93 651,94 euros que la CAPI et son assureur ont été condamnés in solidum à verser à la CPAM de l'Isère est ramenée à la somme de 93 165,32 euros.

Article 4 : Les frais d'expertise sont maintenus à la charge de la CAPI et de son assureur au bénéfice de la société Axa France Iard.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Les conclusions de la CAPI et de son assureur présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : L'appel incident de M. F... et de la société Axa France Iard et les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Les conclusions de la CPAM du Rhône sont rejetées.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Porte de l'Isère, à la SMACL Assurances, à M. A... F..., à AXA France Iard SA, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 novembre 2019.

2

N° 18LY01020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01020
Date de la décision : 08/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BDL AVOCATS - ME BARIOZ ET ME PHILIP DE LABORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-08;18ly01020 ?
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