Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de la SAS Gilibert.
Par un jugement n° 1900387 du 15 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2019, présentée pour M. E..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1900387 du 15 avril 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler la décision d'homologation du 19 novembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'une insuffisance de motivation et d'une motivation erronée, quant à la consultation du représentant du personnel, alors que la SAS Gilibert n'était pas dotée de représentants du personnel et que la décision ne mentionne pas les circonstances et les motifs justifiant le défaut d'établissement d'un procès-verbal de carence ;
- la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière quant à la consultation des institutions représentatives du personnel, dont est dépourvue l'entreprise et alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi ; aucun texte ne prévoit de dérogation en cas de carence du comité économique et social et aucun motif ne justifiait le défaut d'établissement de ce procès-verbal ;
- les mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi sont insuffisantes, au regard des sociétés composant le groupe Pichon, des sociétés tierces tel le repreneur du groupe, et des moyens financiers du groupe.
Par un mémoire, enregistré le 24 juillet 2019, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 25 juillet 2019, présenté pour la SAS Gilibert, représentée par Me B... et Me A..., co-mandataires liquidateurs, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance en date du 18 juin 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 26 juillet 2019, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
- le code du travail ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- les observations de Me Germain-Phion, avocat du requérant, et de Mme D..., représentant le ministre du travail ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Gilibert, qui exerçait une activité de fabrication et de distribution de véhicules roulants agricoles, a été rachetée, en 2015, après une procédure de liquidation judiciaire et un plan de cession, par le groupe Pichon, à la tête duquel se trouve la société Etablissements Michel Pichon, laquelle a été placée, par un jugement du tribunal de commerce de Rennes du 7 novembre 2018, en situation de redressement judiciaire. Par un jugement du même jour, ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Gilibert, sans poursuite d'activité, compte tenu d'une demande orale exprimée le même jour par la société Etablissements Michel Pichon. Par une décision du 19 novembre 2018, le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document élaboré par les mandataires liquidateurs de la SAS Gilibert, fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de cette société. M. E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité externe de la décision :
2. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail relatif à la motivation des décisions qui statuent sur une demande d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi : " L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours (...) et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l'autorité administrative est motivée ". Ces dispositions imposent à l'administration de motiver sa décision d'homologuer comme de refuser d'homologuer un plan de sauvegarde de l'emploi. Lorsque l'administration homologue la décision de l'employeur fixant le plan de sauvegarde de l'emploi, il lui appartient, sans prendre nécessairement parti sur le respect de chacune des règles dont il lui revient d'assurer le contrôle, de faire en sorte que les personnes, autres que l'employeur, auxquelles est notifiée cette décision favorable à ce dernier, puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. A ce titre, elle doit faire figurer dans la motivation de sa décision les éléments essentiels de son examen et, notamment, ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe, ainsi que ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement.
3. La décision d'homologation contestée, qui vise notamment les articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4 et L. 1233-58 du code du travail relatifs au licenciement pour motif économique, les articles L. 626-1, L. 631-17, L. 631-19, L. 641-4, L. 641-10 et L. 642-5 du code de commerce, ainsi que la procédure relative à l'élection du représentant des salariés et sa désignation en date du 12 novembre 2018, la réunion de consultation sur les orientations stratégiques, marche générale de l'entreprise et sur les conséquences sociales du PSE, en date du 16 novembre 2018, et les procès-verbaux de la réunion du représentant du personnel au titre du Livre 2 et du Livre 1, mentionne ainsi, au titre de la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, que les mandataires liquidateurs ont procédé à la consultation de ces instances. Par suite, eu égard à la circonstance qu'en l'absence de comité social et économique ou de toute autre institution représentative du personnel au sein de la SAS Gilibert, faute en particulier d'élections organisées par l'employeur à l'expiration du mandat du comité d'entreprise en novembre 2017, seul le représentant des salariés, désigné le 12 novembre 2018, exerçait les fonctions dévolues à ces institutions, et en dépit de la mention erronée de la présence du " représentant du personnel " à la réunion du 16 novembre 2018, à laquelle avait participé ledit représentant des salariés, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté, alors même que ladite décision ne comporte aucune mention relative à l'absence de représentants du personnel, à l'absence de procès-verbal de carence joint à la demande d'homologation ou aux circonstances et motifs justifiant le défaut d'établissement du procès-verbal de carence.
Sur la légalité interne de la décision :
4. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-24-4 dudit code : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. " Aux termes de l'article L. 1233-57-3 de ce code : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. (...). ". Aux termes de l'article L. 1233-58 dudit code : " I.- En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en oeuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. (...) / II.- Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. / Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. / A titre exceptionnel, au vu des circonstances et des motifs justifiant le défaut d'établissement du procès-verbal de carence mentionné à l'article L. 2324-8, l'autorité administrative peut prendre une décision d'homologation. / Les délais prévus au premier alinéa de l'article L. 1233-57-4 sont ramenés, à compter de la dernière réunion du comité social et économique, à huit jours en cas de redressement judiciaire et à quatre jours en cas de liquidation judiciaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 1235-15 du code du travail : " Est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité social et économique n'a pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi. (...) ". Aux termes de l'article L. 2314-9 du code : " Lorsque le comité social et économique n'a pas été mis en place ou renouvelé, un procès-verbal de carence est établi par l'employeur. L'employeur porte à la connaissance des salariés par tout moyen permettant de donner date certaine à cette information, le procès-verbal dans l'entreprise et le transmet dans les quinze jours, par tout moyen permettant de conférer date certaine à l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1. Ce dernier communique une copie du procès-verbal de carence aux organisations syndicales de salariés du département concerné. "
En ce qui concerne la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'au terme des mandats confiés à des salariés à la suite des dernières élections au comité d'entreprise au sein de la SAS Gilibert, qui avaient eu lieu le 12 novembre 2013, et qui arrivaient normalement à échéance au mois de novembre 2017 mais avaient été automatiquement prorogés jusqu'au 31 décembre 2017 en application de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, l'entreprise aurait dû mettre en place un comité social et économique au 1er janvier 2018, ce qu'elle n'a pas fait, sans pour autant établir un procès-verbal de carence. Il en ressort également que les mandataires liquidateurs de la SAS Gilibert, après avoir, dans un premier temps, déclenché le processus électoral, qui n'a toutefois pas été conduit à son terme, ont invité le représentant des salariés, qui avait été désigné le 12 novembre 2018, à une réunion, le 16 novembre 2018, portant sur les orientations stratégiques et la marche générale ainsi que sur les conséquences d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Eu égard aux délais nécessaires à l'organisation des élections d'un nouveau comité social et économique comme à l'établissement d'un procès-verbal de carence, qui n'étaient compatibles ni avec les délais de mise en oeuvre d'une procédure de liquidation judiciaire, notamment au regard de la prise en charge des créances salariales par l'Assurance de Garantie des Salaires (AGS), ni avec ceux, très brefs, prescrits en pareille circonstance à l'administration par les dispositions du code du travail, l'administration du travail a pu, à bon droit, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 1233-58 du code du travail, prendre la décision d'homologation contestée, en dépit de l'absence d'établissement d'un procès-verbal de carence, qu'il incombait au demeurant à l'employeur d'établir avant l'intervention du jugement du tribunal de commerce de Rennes prononçant la mise en liquidation judiciaire de la SAS Gilibert et désignant les mandataires liquidateurs.
6. En second lieu, il ressort également des pièces du dossier que le représentant des salariés qui avait été désigné le 12 novembre 2018, et qui exerçait, en vertu des dispositions de l'article L. 641-1 du code de commerce applicables en cas de liquidation judiciaire, les fonctions normalement dévolues au comité social et économique, lequel doit être consulté, en application des dispositions de l'article L. 1233-30 du code du travail, sur l'opération projetée et le projet de licenciement collectif, a été convoqué, ainsi qu'il a été dit au point 5, à deux réunions organisées le 16 novembre 2018 portant respectivement, d'une part, sur les orientations stratégiques et la marche générale et, d'autre part sur les conséquences sociales. Il ressort des mentions de la convocation remise en main propre à ce salarié le 12 novembre 2018, portant comme objet " liquidation judiciaire / projet de licenciement pour motif économique ", que la consultation du représentant des salariés a bien porté sur les éléments visés à l'article L. 1233-30 du code du travail. Contrairement à ce que soutient le requérant, il n'est pas établi que ce salarié n'aurait pas reçu tous les renseignements utiles ni été mis à même de demander des compléments d'information, alors que la convocation mentionne que les réunions se dérouleront " selon les ordres du jour et documentation fournis ". Il ressort, enfin, de l'ordre du jour que celui-ci prévoyait, pour chaque réunion, un " avis du représentant des salariés " sur les conséquences économiques et sociales de la liquidation judiciaire, sur le projet de licenciement collectif pour motif économique découlant de la liquidation judiciaire et sur " les différents points à l'ordre du jour ", dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas été émis par le représentant des salariés, alors qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte des procès-verbaux signés par le représentant des salariés que ce dernier a reconnu, compte tenu de la situation économique respective de la société Pichon et de la SAS Gilibert, le caractère inévitable du licenciement du personnel, et n'a signalé aucune anomalie de procédure.
7. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de l'information et de la consultation des instances représentatives du personnel doit être écarté.
En ce qui concerne le contrôle par l'administration des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi :
8. Le moyen tiré du caractère insuffisant du contrôle exercé par l'administration du travail du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens de l'employeur et du groupe auquel appartenait l'entreprise doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
9. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant une somme au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par la SAS Gilibert, représentée par Me B... et Me A..., co-mandataires liquidateurs.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SAS Gilibert, représentée par Me B... et Me A..., co-mandataires liquidateurs, tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., au ministre du travail et à Me B... et Me A....
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 septembre 2019.
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N° 19LY02249
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