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12/09/2019 | FRANCE | N°19LY01529

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 12 septembre 2019, 19LY01529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1901395 du 20 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 avril 2019, le préfet du Rhône demande à la cour :

) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 20 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1901395 du 20 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 avril 2019, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 20 mars 2019 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que l'annulation prononcée repose sur les seules allégations de l'intéressée, orales et non vérifiables, et qu'elle n'avait pas fait état antérieurement des éléments retenus par le premier juge.

Par un mémoire enregistré le 15 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me Huard, avocat, conclut :

- à titre principal, au non lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;

- à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le délai d'exécution de la décision de transfert étant expiré, la France est responsable de sa demande d'asile ; une attestation de demande d'asile en procédure normale lui a été remise ; ainsi, la requête est devenue sans objet ;

- subsidiairement, la décision méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- elle reprend les moyens invoqués en première instance, tirés de ce que : le préfet n'a pas communiqué l'intégralité du dossier ; le préfet du Rhône est incompétent compte tenu du décret du 23 janvier 2019 ; la décision est insuffisamment motivée ; le préfet ne pouvait pas se fonder sur l'article 18-1-b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en l'absence d'une demande d'asile dans un autre Etat ; la décision méconnaît les articles 4, 5, 16, 23 et 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; elle méconnaît l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ; l'existence d'une demande de reprise en charge n'est pas établie.

Par des mémoires enregistrés les 17 et 26 juillet 2019, le préfet du Rhône conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que la France ne s'est nullement reconnue responsable de l'examen de la demande d'asile de Mme A... et il s'en rapporte à ses précédentes écritures pour surplus.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;

- l'arrêté du 12 décembre 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Auvergne-Rhône-Alpes ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante camerounaise, née le 22 août 1998, est entrée irrégulièrement en France le 27 octobre 2018 et a déposé une demande d'asile à la préfecture de l'Isère. Le 18 février 2019, le préfet du Rhône a décidé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Ce préfet relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Sur les conclusions de Mme A... à fin de non lieu à statuer :

2. Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des articles L. 742-3 et L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre une décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

3. En l'espèce, le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, interrompu par le recours de Mme A... devant le tribunal administratif, a recommencé à courir le 20 mars 2019, date à laquelle lui a été notifié le jugement attaqué. Ce délai n'est pas expiré à la date du présent arrêt. Par ailleurs, Mme A... s'est vu remettre, le 12 juin 2019, une nouvelle attestation de demande d'asile " procédure Dublin ". Dès lors, contrairement à ses allégations, la France ne s'est pas reconnue responsable de sa demande d'asile. Par suite, contrairement à ce qu'elle soutient, la requête du préfet du Rhône n'est pas devenue sans objet.

Sur la légalité de la décision en litige :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

5. La faculté laissée à chaque Etat membre, par le 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

6. Selon le jugement attaqué, Mme A... a indiqué lors de l'audience qu'elle a fui son pays en 2016 en raison de violences subies de la part d'un homme à qui elle avait été mariée de force, qu'elle a rejoint la Libye où elle a accouché, le 22 juin 2017, dans des conditions particulièrement difficiles, qu'elle en a conservé d'importantes séquelles, qu'arrivée en Italie, elle est restée environ un an dans un centre de rétention où les autorités n'ont pas pris en compte son état de santé, où elle n'a pas pu consulter de médecin et où elle s'est soignée par elle-même avec des médicaments achetés dans une pharmacie. Le jugement relève également que, si elle n'a pas d'attaches particulières en France, elle parle parfaitement le français, alors qu'elle ne parle pas du tout l'italien. Toutefois, ni lors de l'entretien qu'elle a eu le 22 janvier 2019 avec un agent de la préfecture de l'Isère, ni dans ses écritures devant le tribunal administratif, Mme A... n'a fait état des conditions de son accueil en Italie. Ses allégations ne sont assorties d'aucun élément probant dont il résulterait que son dossier ne serait pas traité par les autorités italiennes dans des conditions répondant à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce que, en ne faisant pas application des dispositions du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A....

En ce qui concerne la communication par le préfet de l'intégralité du dossier de Mme A... :

8. L'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. (...) ". Le II de l'article L. 742-4 du même code prévoit que : " Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus au III de l'article L. 512-1. (...) ". Aux termes du troisième alinéa du III de l'article L. 512-1 dudit code : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. "

9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a communiqué au tribunal, avec son mémoire en défense, l'ensemble des pièces sur la base desquelles a été prise la décision contestée et que l'ensemble de ces productions a été communiqué au conseil de Mme A....

En ce qui concerne la compétence du préfet du Rhône :

10. Aux termes de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour renouveler l'attestation de demande d'asile en application de l'article L. 742-1, procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. (...) ".

11. Aux termes de l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, dans sa rédaction résultant du décret du 23 janvier 2019 : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements. "

12. L'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à celle résultant du décret du 23 janvier 2019 prévoyait que : " L'autorité compétente pour (...) prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. (...) /Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements. "

13. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 12 décembre 2018, pris sur le fondement de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le préfet du département du Rhône est compétent (...) pour : (...) 3° prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du code précité. " En l'absence, à la date de la décision de transfert en litige, de nouvel arrêté intervenu postérieurement au décret du 23 janvier 2019, les dispositions de cet arrêté du 12 décembre 2018 sont demeurées en vigueur. Par suite, le préfet du Rhône était compétent pour prendre cette décision de transfert.

En ce qui concerne la motivation :

14. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

15. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

16. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

17. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

18. La décision de transfert en litige vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et indique que la consultation du système Eurodac a révélé que Mme A... avait antérieurement demandé l'asile en Italie, qui est l'Etat responsable en application de l'article 18-1-b) de ce règlement. Ainsi, cette décision satisfait à l'exigence de motivation qu'impose l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les informations préalables au relevé des empreintes :

19. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013, qui sont substantiellement identiques à celles prévues par l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 auxquelles elles se sont substituées, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Par suite, les requérants ne peuvent utilement faire valoir, pour contester les décisions litigieuses, qu'ils n'auraient pas reçu les informations concernant l'application du règlement " Eurodac ". En conséquence, le moyen tiré de ce que Mme A... n'a pas reçu ces informations avant le relevé de ses empreintes est inopérant.

En ce qui concerne l'application de l'article 18 du règlement n° 604/2013 :

20. Les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge de Mme A... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et ces autorités ont implicitement donné leur accord. Si l'intéressée affirme qu'aucune demande d'asile n'étant en cours en Italie, le préfet ne pouvait décider son transfert sur ce fondement, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du relevé Eurodac produit par le préfet, que ses empreintes digitales ont été relevées en Italie à l'occasion d'une demande d'asile.

En ce qui concerne l'application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

21. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

22. Il ressort des pièces produites par le préfet devant le tribunal administratif que ces dispositions ont, en l'espèce, été appliquées.

En ce qui concerne l'application de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

23. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

24. Il ressort des pièces produites par le préfet devant le tribunal administratif que Mme A... a, en l'espèce, bénéficié des garanties que prévoient ces dispositions.

En ce qui concerne la saisine des autorités italiennes :

25. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement. (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse. "

26. Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

27. L'article 19 du même règlement prévoit que : " 1. Chaque Etat membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. / 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. / 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante. "

28. Le préfet a produit devant le tribunal administratif le formulaire de demande de reprise en charge et les courriels attestant d'échanges entre la préfecture et le point d'accès national français le 24 janvier 2019, s'agissant de la requête à fin de reprise en charge de Mme A... et à nouveau le 15 février 2019 s'agissant du constat d'un accord implicite des autorités italiennes. Il n'a été fait état ni devant le tribunal administratif ni devant la cour d'aucun élément permettant de penser que les autorités italiennes n'auraient pas été effectivement saisies, le 24 janvier 2019, d'une demande de reprise en charge et, le 15 février 2019, du constat d'un accord implicite. Dès lors, la réalité de la saisine des autorités italiennes est établie.

En ce qui concerne l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

29. L'article 23, paragraphe 2 du règlement Dublin III fait obstacle à ce qu'une requête aux fins de reprise en charge puisse être valablement formulée plus de trois mois après l'introduction d'une demande de protection internationale, même si cette requête est formulée moins de deux mois après la réception d'un résultat positif Eurodac, au sens de cette disposition.

30. En l'espèce, la demande de reprise en charge de Mme A..., adressée aux autorités italiennes le 24 janvier 2019, est intervenue dans le délai de trois mois suivant sa demande d'asile, du 22 janvier 2019, et dans le délai de deux mois suivant le résultat positif Eurodac, qui est de la même date.

En ce qui concerne les autres moyens :

31. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16, relatif aux personnes à charge, du règlement (UE) n° 604/2013, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

32. Si Mme A... soutient que la décision litigieuse ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'elle comprend, en méconnaissance de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité.

33. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en litige.

34. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de Mme A... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 20 mars 2019 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 septembre 2019.

N° 19LY01529 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01529
Date de la décision : 12/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-09-12;19ly01529 ?
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