Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 juin 2014 par lesquelles l'agence régionale de santé Rhône-Alpes a abrogé l'arrêté du 28 février 2012 et a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie de la SNC Pharmacie A... E... dans un local situé 26 avenue Rockefeller à Lyon et d'enjoindre à l'agence régionale de santé Rhône-Alpes de fermer la SNC Pharmacie A... E... située 26 avenue Rockefeller.
Par un jugement n° 1406667 du 25 juillet 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande présenté par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 septembre 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 17 octobre 2018, le conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes, représenté par la SELARL Sapone-Blaesi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 juillet 2017 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 juin 2014 par laquelle la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) Rhône-Alpes a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie de la SNC Pharmacie A...-E... dans un local situé 26 avenue Rockefeller à Lyon ;
3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à la fermeture de la SNC Pharmacie A...-E... à l'emplacement du transfert ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas possible de considérer que l'administration se trouvait saisie à nouveau de la demande du 29 octobre 2011, après le jugement d'annulation du 3 juin 2014, dès lors que l'annulation portait sur un arrêté d'octroi et non sur un arrêté de refus ; si l'autorité administrative est tenue de réexaminer la demande initiale et de statuer à nouveau en cas d'annulation d'une décision administrative rejetant une demande de transfert, il n'en est pas de même lorsqu'une autorisation a été accordée et que cette autorisation a été annulée à la suite d'un recours juridictionnel ; Mme A... et E... n'ont pas confirmé leur demande auprès de l'ARS et le tribunal n'a pas fait injonction à l'administration d'instruire la demande ; la décision a méconnu l'article L. 5125-4 du code de la santé publique dès lors que l'administration n'a pas respecté la procédure consultative alors que 27 mois se sont écoulés entre les deux arrêtés de transfert ; la pharmacie revendiquait un élément nouveau ; l'ARS a commis une erreur de droit en abrogeant dans son arrêté du 16 juin 2014 l'arrêté du 28 février 2012 ; en procédant à l'abrogation de la précédente autorisation de transfert alors même que celle-ci a été annulée, l'ARS entend valider les effets d'ores et déjà produits par le transfert de la pharmacie ; on ne peut abroger un acte illégal individuel créateur de droit que dans le délai de 4 mois suivant l'intervention de cette décision ;
- l'ARS a statué en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée ; le juge administratif avait considéré que le transfert sollicité ne remplissait pas les conditions fixées par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique aux motifs que la population de passage du cabinet médical et des hôpitaux alentours ne peut justifier ce transfert, que le quartier d'accueil est essentiellement composé des hôpitaux publics et privés ainsi que des établissements d'enseignement qui sont de grands espaces fermés, que cette configuration ne facilite pas l'accès de la population à cette officine, que la desserte en transports en commun est réduite et l'accès en véhicule particulier peu pratique, que la majorité de la population évaluée est éloignée de la nouvelle officine du fait de la configuration des lieux, que ce transfert n'apporte qu'une amélioration relative de la desserte en médicaments de la population ; ces motifs, qui demeurent valables, font obstacle à la délivrance de l'autorisation sollicitée ;
- le tribunal administratif a délimité le quartier d'accueil et cette délimitation est infondée ; cette délimitation ne correspond à aucune unité urbaine au sein du quartier ; de grands espaces fermés entourent la pharmacie et créent une discontinuité urbaine flagrante autour de l'emplacement du transfert ; le tribunal s'appuie, par une contradiction de motifs, sur le chiffre de 3 500 habitants, soit en se référant sur la population résidant dans un secteur plus vaste que celui retenu par la pharmacie ; cette délimitation est incohérente ;
- le transfert ne répond pas à une desserte optimale mais relative et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; le tribunal a considéré, à tort, que ce transfert bénéficiera aux 3 500 habitants du quartier d'accueil alors que l'arrêté de l'ARS a estimé la population du quartier d'accueil comme étant de 2 300 habitants ; l'administration tient compte de la totalité des IRIS 302 et 804 ; la pharmacie seule revendique une population de 3 589 habitants ; le tribunal s'est fondé sur les données INSEE de 2008 alors même qu'il a été constaté depuis cette date une baisse de population dans le secteur ; s'agissant de l'IRIS 302, le transfert ne va profiter qu'à quelques centaines d'habitants dès lors que la majorité de population de cet IRIS réside dans des immeubles collectifs situés dans la partie sud à proximité d'autres pharmacies ; s'agissant de l'IRIS 804, le transfert n'est pas situé au sein de l'IRIS mais en périphérie, à l'extrémité sud-ouest ; la population au sud de la rue Claude Farrère ne représente que 727 habitants ; la population de passage doit être écartée ; le fait d'indiquer que ces ensembles résidentiels sont délimités par des axes implique ipso facto que ces ensembles doivent être individualisés puisqu'ils ne constituent pas une unité humaine et géographique ; le chiffrage de 3 589 habitants ne correspond pas au quartier d'accueil mais à la population résidente d'une zone beaucoup plus large qui s'étend au nord au-delà de la rue Trarieux ;
- la fermeture de la pharmacie mutualiste ne peut justifier l'implantation d'une officine à l'emplacement souhaité dès lors que ces pharmacies ne sont pas comptabilisées comme officines de pharmacie quand il s'agit d'apprécier la possibilité d'ouverture d'une pharmacie supplémentaire dans une commune en raison de leur accessibilité limitée à leurs ressortissants ; cette pharmacie mutualiste a été créée pour la patientèle de la clinique mutualiste située à proximité et a dû fermer à la suite de la création d'une pharmacie interne à la clinique mutualiste ; la zone de chalandise de la pharmacie mutualiste ne peut pas se superposer à celle revendiquée par les pétitionnaires ;
- l'accessibilité ne concerne que quelques centaines d'habitants ; l'IRIS 804 n'est pas desservi par les transports en commun ; la desserte en véhicule n'est pas possible en l'absence de parking devant la pharmacie ;
- l'environnement existant est suffisant pour desservir dans des conditions optimales la population revendiquée ;
- il entend reprendre le bénéfice de l'ensemble des moyens d'illégalité externe soulevés à l'appui de sa requête introductive devant le tribunal administratif de Lyon, l'incompétence du signataire de l'arrêté, l'absence de saisine régulière de l'ARS, l'absence de respect de la procédure consultative ; l'illégalité de l'abrogation de l'arrêté du 28 février 2012 ;
- l'analyse du fichier client de l'officine n'est pas un élément pertinent pour apprécier la légalité de l'autorisation dès lors qu'il s'agit d'un élément postérieur et que la clientèle ne tient pas compte de la notion théorique de quartier fixée par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique.
Par des mémoires, enregistrés le 24 septembre et le 21 décembre 2018, la SNC Pharmacie A...-E..., représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il ressort de la jurisprudence qu'après une annulation contentieuse, l'autorité administrative est ressaisie de la demande d'autorisation ;
- la demande ne devait pas faire l'objet d'une nouvelle instruction en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait ; les consultations ont eu lieu lors de l'instruction de la demande avant l'annulation de l'autorisation pour incompétence du signataire ; le conseil régional de l'ordre des pharmaciens n'établit pas qu'un changement de circonstances se serait produit ;
- concernant l'abrogation de l'arrêté du 28 février 2012, l'abrogation est intervenue à une date à laquelle l'annulation de l'arrêté du 28 février 2012 n'était pas définitive et avait un sens dans l'hypothèse d'une réformation du jugement alors qu'une nouvelle autorisation était intervenue ; en tout état de cause, l'annulation a fait disparaitre rétroactivement l'arrêté et l'abrogation était dépourvue de tout effet et les conclusions dirigées contre elles sont irrecevables ; le conseil régional de l'ordre des pharmaciens est dépourvu d'intérêt à solliciter l'annulation d'un acte procédant à une abrogation de l'arrêté et répondant ainsi à sa demande contentieuse ;
- l'autorisation sollicitée tient compte des motifs de l'arrêt de la cour administrative d'appel ; les motifs pour lesquels le tribunal administratif a rejeté le recours contre la nouvelle autorisation intervenue après un changement des circonstances de fait ne méconnaît pas l'autorité qui s'attache à l'arrêt de la cour du 12 juillet 2012 ;
- concernant la délimitation du quartier d'accueil, les IRIS ne correspondent pas nécessairement au secteur desservi par une ou plusieurs pharmacies ; le quartier d'accueil d'une pharmacie peut se superposer partiellement au quartier d'accueil d'une autre pharmacie ; le quartier d'accueil est un ensemble résidentiel d'habitations individuelles et de quelques grands immeubles collectifs, desservi par le tramway, délimité par des axes ;
-concernant la desserte de la population résidente, l'IRIS 804 accueille 2 000 habitants environ et l'IRIS 302 comptait, en 2013, 3 570 habitants au total ; ni l'autorité administrative, ni le tribunal administratif n'ont additionné l'ensemble des deux IRIS pour évaluer la population desservie ; si le quartier d'accueil était délimité au nord par la rue Claude Farrère, la fermeture de la pharmacie mutualiste a conduit a un redéploiement de sa patientèle de sorte que la population desservie est plus importante ; l'ARS a indiqué que la population desservie sera supérieure à 2 300 habitants et le tribunal a évalué à environ 3 500 habitants cette population ; ce chiffrage correspond à l'étude du cabinet Territoires et Marketing ; la différence d'appréciation entre l'autorité administrative et le tribunal est sans incidence dès lors que l'évaluation minimale opérée par l'autorité administrative suffit à justifier le transfert, l'évaluation retenue par le tribunal correspond à ce qui a été anticipé par l'étude du cabinet Territoires et Marketing ;
- concernant la fermeture de la pharmacie mutualiste, ces pharmacies desservent les adhérents des mutuelles mais s'adressent également à la patientèle non adhérentes et les adhérents mutualistes peuvent choisir d'être desservis par une pharmacie classique ; la pharmacie mutualiste était située à trois minutes à pied au nord de l'IRIS 804 et à 650 mètres au nord du coeur de cet IRIS ; la pharmacie A...-E... est située à 500-550 mètres à pied du même coeur de cet IRIS 804 ; c'est sans erreur que la fermeture de la pharmacie mutualiste a été prise en compte et la desserte de la patientèle résidente et non de passage justifie le transfert ;
- concernant l'accessibilité de la pharmacie, il existe un passage piétonnier permettant de franchir la voie de tramway puis l'avenue Rockefeller ; il existe des places de stationnement dont une place pour personne à mobilité réduite au droit du bâtiment où se trouve la pharmacie ; une station de tramway se trouve à quelques dizaines de mètres de la pharmacie ;
- les quatre autres pharmacies les plus proches sont situées à une distance à pied de 700, 750, 800 et 1 000 mètres ; l'implantation de la pharmacie améliore la desserte et apporte une réponse optimale au besoin de la population résidente ; la discontinuité urbaine alléguée est sans incidence dès lors qu'elle ne concerne que des espaces situés en bordure du quartier d'accueil ;
- l'analyse de la patientèle ne porte que sur les résidents de la zone d'accueil revendiquée dans la demande et non sur l'ensemble de la patientèle ;
- même en retenant la délimitation du quartier d'accueil faite par le tribunal, plus étroite que celle retenue par la pharmacie dans sa demande, la population potentiellement desservie justifie le transfert ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le code de la santé publique ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Vigier-Carriere, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la SNC Pharmacie A... E....
Considérant ce qui suit :
1. Le 29 octobre 2008, Mmes A... et E... ont demandé l'autorisation de transférer leur officine de pharmacie située 35 rue Sainte-Hélène à Lyon 2ème dans un local situé 36 avenue Rockefeller, devenu le 26 avenue Rockefeller, à Lyon 8ème, au rez-de-chaussée d'une maison médicale. Par arrêté du 12 février 2009, le préfet du Rhône a rejeté la demande d'autorisation de transfert. A la suite du recours hiérarchique formé par Mmes A... et E..., le ministre en charge de la santé, par arrêté du 10 juin 2009 modifié le 8 juillet suivant, a annulé l'arrêté du préfet du Rhône du 12 février 2009 et autorisé le transfert de la pharmacie A...-E... au 26 avenue Rockefeller. Par un jugement du 18 octobre 2011, le tribunal administratif de Lyon a annulé les arrêtés des 10 juin et 8 juillet 2009 du ministre en charge de la santé. Par un arrêt du 12 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de la SNC Pharmacie A... et E... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 octobre 2011. Par une décision du 27 mai 2013, le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi en cassation présenté par cette même société. Le 29 octobre 2011, Mme A... et E... ont présenté une demande actualisée d'autorisation de transfert. Par arrêté du 28 février 2012, la directrice adjointe de l'efficience de l'offre de soins de l'agence régionale de santé (ARS) Rhône-Alpes a abrogé l'arrêté du 4 janvier 2012 et a accordé le transfert de l'officine au 26 avenue Rockefeller. Par un jugement du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 28 février 2012 pour le motif tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté. Par un arrêt du 4 février 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé ce jugement. Par un nouvel arrêté du 16 juin 2014, le directeur général adjoint de l'ARS Rhône-Alpes a abrogé l'arrêté du 28 février 2012 et autorisé le transfert de l'officine exploitée par la SNC Labbe-E... au 26 avenue Rockefeller. Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes relève appel du jugement du 25 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2014 du directeur général adjoint de l'ARS Rhône-Alpes.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre l'arrêté du 16 juin 2014 en tant qu'il abroge l'arrêté du 28 février 2012 :
2. La décision du 28 février 2012 par laquelle la directrice adjointe de l'efficience de l'offre de soins de l'ARS Rhône-Alpes a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie exploitée par la SNC A...- E... au 26 avenue Rockefeller a été annulé par un jugement du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Lyon en raison de l'incompétence du signataire de l'arrêté. La cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 4 février 2016, confirmé ce jugement. Compte tenu des effets attachés à une annulation juridictionnelle, l'arrêté du 28 février 2012 doit être regardé comme n'étant jamais intervenu. Par suite, l'arrêté du 16 juin 2014 en tant qu'il abroge l'arrêté du 28 février 2012, lequel avait disparu de l'ordonnancement juridique, n'est pas susceptible de faire grief. Il s'ensuit que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du 16 juin 2014 en tant qu'elle abroge l'arrêté du 28 février 2012 sont irrecevables, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif.
Sur la légalité de l'arrêté du 16 juin 2014 en tant qu'il autorise le transfert de pharmacie :
3. Il ressort de ses mentions que l'arrêté contesté du 16 juin 2014 a été signé, par délégation, par le directeur général adjoint de l'ARS Rhône-Alpes, M. C... G.... Par un arrêté du 2 avril 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 35 le 4 avril 2014, la directrice générale de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes a donné délégation de signature à M. C... G... en cas d'absence ou d'empêchement pour les matières relevant de la compétence du directeur général de l'agence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté comme manquant en fait.
4. L'annulation, par le jugement du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Lyon, de l'arrêté du 28 février 2012 par lequel la directrice adjointe de l'efficience de l'offre de soins de l'ARS Rhône-Alpes a autorisé le transfert au 26 avenue Rockefeller de l'officine exploitée par la SNC A...-E... obligeait, même en l'absence d'injonction en ce sens, l'autorité administrative, qui demeurait saisie de la demande de la société, à procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que la société ne soit tenue de la confirmer et peu important à cet égard que la décision annulée soit une décision d'autorisation de transfert et non de refus. Par suite, l'ARS n'a commis aucune erreur de droit en estimant qu'elle demeurait saisie de la demande d'autorisation de transfert présentée le 29 octobre 2011 par la société SNC A...-E....
5. En l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait entre l'arrêté du 28 février 2012 et l'arrêté contesté du 16 juin 2014, la circonstance que le directeur général adjoint de l'ARS Rhône-Alpes n'a pas procédé à une nouvelle consultation des organismes visés à l'article L. 5125-4 du code de la santé publique qui avaient été consultés préalablement à la décision du 28 février 2012 sur la demande d'autorisation présentée le 29 octobre 2011 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté intervenu le 16 juin 2014. Contrairement à ce que soutient le conseil régional de l'ordre des pharmaciens, il ne ressort pas des pièces du dossier que le délai écoulé était tel qu'il imposait, à peine d'irrégularité, de consulter à nouveau les organismes mentionnés à l'article L. 5125-4 du code de la santé publique.
6. Par un jugement du 18 octobre 2011, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 12 juillet 2012 et revêtu de l'autorité absolue de chose jugée, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du ministre en charge de la santé du 10 juin 2009 autorisant le transfert de la pharmacie A...-E... au 26 avenue Rockefeller au motif que le projet de transfert d'officine ne répondait pas de façon optimale aux besoins de la population du quartier d'accueil au sens de l'article L. 5123-3 du code de la santé publique. De même que l'arrêté du 28 février 2012, l'arrêté contesté du 16 juin 2014 fait état de ce que " la fermeture de la pharmacie mutualiste constitue le fait nouveau permettant la ré-instruction du dossier ". La pharmacie mutualiste desservait les habitants de l'IRIS 804, qui constitue pour partie le périmètre du quartier d'accueil de la pharmacie A...-E... et était située à 1 kilomètre du projet de transfert de cette pharmacie. Sa fermeture, le 29 novembre 2010, postérieurement à l'arrêté du 10 juin 2009 du ministre en charge de la santé annulé par le jugement du 18 octobre 2011 du tribunal administratif de Lyon, lequel a statué au vu de la situation de fait et de droit existant à la date de la décision contestée, constituait une circonstance de fait nouvelle qu'elle pouvait prendre en compte dans l'instruction de la demande dont elle demeurait saisie dès lors que pour apprécier le caractère optimal de la réponse aux besoins en médicaments, il appartient à cette même autorité, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte, notamment, de la présence d'autres officines à proximité du lieu de transfert autorisé. Ainsi elle a pu sans méconnaître l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Lyon dans son jugement du 18 octobre 2011 et qui s'attachait au motif d'annulation qui en constituait le support nécessaire, statuer à nouveau et retenir un motif identique, dès lors qu'existait une modification intervenue dans les circonstances de fait.
7. L'article L. 5125-14 du code de la santé publique autorise le transfert d'une officine de pharmacie au sein d'une même commune s'il respecte les prescriptions de l'article L. 5125-3 du même code. Aux termes de cet article : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines (...) ".
8. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier les effets du transfert envisagé sur l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine et du quartier de destination de l'officine qui doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments. La population résidente, au sens des mêmes dispositions, doit s'entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée .dans ces quartiers ou y ayant une résidence stable L'administration peut toutefois tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de transfert ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d'origine.
9. Il ressort des plans versés au dossier que le quartier d'accueil, délimité au nord par la rue Claude Farrère, à l'est par le Boulevard Pinel, au sud par la rue Laennec et à l'ouest par la rue Nungesser et Coli, l'avenue Rockefeller et la rue Viala, est constitué d'une partie des " îlots regroupés pour des indicateurs statistiques " (IRIS) 302 et 804. Ces IRIS, définis par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui constituent des unités de base pour le recueil des données statistiques, n'ont ni pour objet ni pour effet de donner une unité géographique et humaine aux zones qu'elles comprennent et ne sauraient, par suite, être regardés comme délimitant en soi des quartiers distincts. Si le conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes fait valoir que le quartier tel que délimité ne présenterait pas d'unité spatiale, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avenue Rockefeller séparant l'IRIS 804 de l'IRIS 302 ou encore la ligne de tramway constitueraient pour les habitants un obstacle infranchissable compte tenu de la présence de nombreux passages piétons. La circonstance qu'au sein du périmètre délimité coexistent des zones résidentielles ou d'habitat collectif et des zones dédiées à la faculté de médecine et de pharmacie et aux hôpitaux n'interdit pas de regarder le quartier dont il s'agit comme présentant une unité géographique et humaine suffisante.
10. Il ressort également des pièces versées au dossier que le quartier d'accueil tel que délimité au point 9 regroupe la population d'une partie de l'IRIS 804 située au sud de la rue Claude Farrère, soit 727 habitants ainsi que 65% de l'IRIS 302 comportant 3 791 habitants soit 2 464 habitants. Il s'ensuit que ce quartier d'accueil compte près de 3 200 habitants et ne comporte pas d'officine en son sein. Par ailleurs, si à la suite de la fermeture, le 20 novembre 2010, de la pharmacie mutualiste située 37 rue des Peupliers dans le 3ème arrondissement, une pharmacie interne a été ouverte au sein de la clinique mutualiste, celle-ci a seulement vocation à desservir les patients hospitalisés au sein de cette clinique à la différence de la pharmacie mutualiste fermée. La fermeture de cette pharmacie mutualiste peut être prise en compte pour apprécier le caractère optimal de la réponse aux besoins en médicaments de la population de ce quartier, quand bien même l'autorisation d'ouverture de ce type de pharmacie est soumise à d'autres dispositions du code de la santé publique, dès lors qu'il n'est pas établi que les adhérents de la société mutualiste, qui sont également des assurés sociaux susceptibles à ce titre d'être desservis par des officines ordinaires, auraient accès à une autre pharmacie mutualiste à proximité du quartier d'accueil. En outre, le transfert de l'officine, situé au coeur du quartier, permet également de répondre, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges et qu'en atteste l'audit de zone de la pharmacie Labbé Dutilleul réalisé en septembre 2012 par un cabinet d'études, aux besoins de la population résidant à proximité de l'ancienne pharmacie mutualiste. Par ailleurs, les quatre pharmacies les plus proches du lieu du transfert sont situées à une distance comprise entre 700 et 1000 mètres selon un constat d'huissier réalisé le 19 mars 2018. Le nouvel emplacement de la pharmacie A...-E..., qui répond aux besoins de la population âgée ainsi que l'audit de zone le démontre, est aisément accessible et dispose de nombreuses places de parking. Par suite, le directeur général adjoint de l'ARS Rhône-Alpes a pu sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation estimer qu'en l'espèce le transfert de l'officine permettait de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes n'est pas fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société SNC A...-E... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes la somme de 1 500 euros à verser à la société SNC A...-E... sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête du conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes est rejetée.
Article 2 : Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes versera à la société SNC A...-E... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au conseil régional de l'ordre des pharmaciens Rhône-Alpes, au ministre des solidarités et de la santé, à la SNC Pharmacie A...-E.... Copie sera adressée à l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 29 août 2019.
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N° 17LY03450