Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 58-336 du 29 mars 1958 portant loi de finances pour 1958 ;
- le décret n° 59-645 du 16 mai 1959 ;
- le décret du 8 mai 1967 autorisant la construction et l'exploitation d'une conduite d'intérêt général destinée au transport d'hydrocarbures liquides de Fos-sur-Mer à la vallée du Rhône et à Genève ;
- l'arrêté du 4 août 2006 portant règlement de la sécurité des canalisations de transport de gaz combustibles, d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés et de produits chimiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Drouet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Terrade, rapporteur public,
- et les observations de Me Annoot, avocat (SCP Boivin et Associés), pour la Société du pipeline Méditerranée Rhône.
Considérant ce qui suit :
1. Après avoir été autorisée par le décret susvisé du 8 mai 1967 à construire et exploiter un réseau d'intérêt général destiné au transport d'hydrocarbures liquides de Fos-sur-Mer à la vallée du Rhône et à Genève, la Société du pipeline Méditerranée-Rhône a implanté en 1968 une conduite de transport d'hydrocarbures sur le territoire de la commune de Poisy (Haute-Savoie), sur des parcelles appartenant alors au domaine privé de cette commune. Au cours des années 2000, le département de la Haute-Savoie et la communauté d'agglomération d'Annecy ont respectivement décidé de construire un collège et un gymnase à proximité de cette conduite. Les parcelles destinées à supporter la voie de desserte du collège et du gymnase, dont certaines sont traversées par la conduite de la Société du pipeline Méditerranée Rhône, ont été intégrées au domaine public de la commune de Poisy par une délibération du conseil municipal du 22 septembre 2009, en raison de leur affectation à l'usage commun du public et au service public de l'éducation. La construction du collège, sous maîtrise d'ouvrage du département de la Haute-Savoie, et celle du gymnase, sous maîtrise d'ouvrage de la communauté d'agglomération d'Annecy, ont été respectivement autorisées par deux permis de construire délivrés le 5 décembre 2007 et assortis chacun d'une réserve fondée sur un avis émis le 2 août 2007 par la Société du pipeline Méditerranée-Rhône et relative à la réalisation d'une dalle disposée sur le sol, à la verticale de la conduite, pour assurer la protection de cette conduite et la sécurité des personnes devant fréquenter le collège et le gymnase. Cette société a fait réaliser à ses frais cette dalle en août 2010, avant l'ouverture du collège à la rentrée scolaire 2010. Par un jugement n° 1100134 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné in solidum le département de la Haute-Savoie et la communauté d'agglomération d'Annecy à payer à la Société du pipeline Méditerranée-Rhône une indemnité de 147 746,16 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2011 et capitalisation des intérêts à compter du 10 janvier 2012, en remboursement des frais de construction de la dalle. Par un arrêt n° 14LY03514 du 15 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête d'appel du département de la Haute-Savoie et de la communauté d'agglomération d'Annecy dirigée contre ce jugement. Par une décision n° 408099 du 6 avril 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi de Grand Annecy Agglomération, venant aux droits de la communauté d'agglomération d'Annecy, a annulé cet arrêt en tant qu'il a rejeté l'appel de ladite communauté d'agglomération et renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour.
Sur les fins de non-recevoir opposées par la communauté d'agglomération d'Annecy aux conclusions indemnitaires de la demande de première instance dirigées contre cette collectivité publique :
2. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du dossier de première instance, que la Société du pipeline Méditerranée-Rhône a, par courrier du 7 janvier 2011, saisi la communauté d'agglomération d'Annecy d'une demande préalable d'indemnisation qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet née, avant la lecture du jugement attaqué, du silence gardé pendant deux mois par ladite communauté d'agglomération sur cette demande préalable. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux doit être écartée.
3. D'autre part, la circonstance que serait erroné le fondement de responsabilité pour dommages de travaux publics invoqué par la Société du pipeline Méditerranée-Rhône dans sa demande indemnitaire de première instance n'a pas pour effet de rendre celle-ci irrecevable.
Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires de la demande de première instance dirigées contre la communauté d'agglomération d'Annecy :
4. En premier lieu, la communauté d'agglomération d'Annecy soutient que la Société du pipeline Méditerranée-Rhône devait garder à sa charge le coût des travaux de protection de l'ouvrage qu'elle exploite, en vertu des régimes particuliers applicables aux installations comportant occupation d'une dépendance du domaine public.
5. D'une part, en vertu de l'article 1er du décret du 16 mai 1959 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'article 11 de la loi de finances du 29 mars 1958 relatif à la construction dans la métropole des pipe-lines d'intérêt général destinés aux transports d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés sous pression, les dispositions de ce décret, alors en vigueur et dont les dispositions sont désormais reprises au chapitre V du titre V du livre V de la partie réglementaire du code de l'environnement, sont applicables à la fois à la construction et à l'exploitation de telles conduites. Le titre III de ce décret, qui comprend les articles 23 à 32, détermine les conditions dans lesquelles le bénéficiaire de l'autorisation a, contre versement d'une redevance annuelle, le droit d'occuper le domaine public là où la conduite autorisée le traverse. Aux termes de l'article 28 dudit décret, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article R. 555-36 du code de l'environnement : " Le bénéficiaire est tenu de déplacer ses conduites à toute demande des autorités dont relève le domaine public emprunté par elles, ou de l'un des ingénieurs en chef chargés du contrôle. / Le déplacement ou la modification des installations sont exécutés aux frais du bénéficiaire de l'autorisation, s'ils ont lieu dans l'intérêt de la sécurité publique ou bien dans l'intérêt de l'utilisation, de l'exploitation ou de la sécurité du domaine public emprunté par les canalisations ou affecté par leur fonctionnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'elles ne sont applicables au bénéficiaire d'une autorisation de construction et d'exploitation d'un oléoduc que si, au moment où il est saisi d'une demande de déplacement ou de modification de cet ouvrage, celui-ci se trouve dans l'emprise du domaine public.
6. Il est constant que la modification des installations de la Société du pipeline Méditerranée-Rhône situées à Poisy, par ajout d'une dalle de protection, était la conséquence directe de l'édification d'un collège et d'un gymnase à proximité de la conduite. A la date de délivrance des permis de construire, le 5 décembre 2007, qui doit être retenue comme étant celle à partir de laquelle devait intervenir une demande de modification de l'ouvrage exploité par la société, dès lors que ces deux autorisations d'urbanisme avaient été assorties d'une réserve tenant à la protection de la canalisation, celle-ci ne se situait pas dans l'emprise du domaine public de la commune. Dans ces conditions, la communauté d'agglomération d'Annecy ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l'article 28 du décret du 16 mai 1959, qui ne sont pas applicables en l'espèce. La circonstance que les terrains traversés par la canalisation de la Société du pipeline Méditerranée-Rhône, et sur lesquels la dalle de protection a été édifiée, ont, par délibération du conseil municipal du 22 septembre 2009, été ultérieurement classés dans le domaine public et avant le commencement effectif des travaux de construction de cette dalle, est également sans incidence sur le droit à indemnisation de ladite société.
7. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire, et notamment pas celles de l'arrêté du 4 août 2006 portant règlement de la sécurité des canalisations de transport de gaz combustibles, d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés et de produits chimique, ne détermine les conditions de la prise en charge financière du coût des mesures compensatoires, définies par ledit arrêté comme des aménagements spécifiques, tels que la pose de dalles destinées à réduire le risque d'atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Par suite, la communauté d'agglomération d'Annecy ne peut utilement invoquer, pour s'opposer aux conclusions indemnitaires de la Société du pipeline Méditerranée-Rhône, les dispositions dudit arrêté ministériel. L'appelante ne saurait utilement se prévaloir des termes de la circulaire BSEI n° 254 du 4 août 2006 relative au porter à connaissance à fournir dans le cadre de l'établissement des documents d'urbanisme en matière de canalisations de transport de matières dangereuses (gaz combustibles, hydrocarbures liquides ou liquéfiés, produits chimiques), lesquels sont dépourvus de caractère impératif.
8. En deuxième lieu, il est constant que les travaux de construction du collège et du gymnase, à l'égard desquels la Société du pipeline Méditerranée-Rhône a la qualité de tiers, ont rendu nécessaire l'aménagement de l'oléoduc, situé à une cinquantaine de mètres de l'emprise de ces bâtiments, par la pose d'une dalle de protection au dessus de la canalisation afin de limiter les effets des phénomènes accidentels notamment en cas de brèche de l'oléoduc. La prise en charge de ces travaux de protection par ladite société revêt pour elle le caractère d'un préjudice grave et spécial compte tenu de leur ampleur et du choix des maîtres d'ouvrage de construire ces équipements recevant du public au voisinage de l'oléoduc implanté en 1968 et dans un secteur non construit. Dans ces conditions, la Société du pipeline Méditerranée-Rhône est fondée à demander, sur le terrain de la responsabilité sans faute pour dommages permanents de travaux publics, le remboursement du montant des travaux de fabrication et de pose de la dalle de protection, dont elle a dû supporter la charge pour permettre la réalisation desdits bâtiments publics.
9. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du décompte général des travaux, que le coût des 500 mètres linéaires de dalle de béton posée à la verticale de la canalisation s'élève à la somme non sérieusement contestée de 147 746,16 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération d'Annecy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée, in solidum avec le département de la Haute-Savoie, à payer à la Société du pipeline Méditerranée-Rhône une indemnité de 147 746,16 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2011 et capitalisation des intérêts à compter du 10 janvier 2012. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions présentées devant la cour et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Grand Annecy Agglomération, venant aux droits de la communauté d'agglomération d'Annecy, la somme que la Société du pipeline Méditerranée-Rhône demande au titre des frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération d'Annecy devant la cour sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la Société du pipeline Méditerranée-Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Grand Annecy Agglomération et à la Société du pipeline Méditerranée-Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 juillet 2019.
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N° 18LY01361