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04/07/2019 | FRANCE | N°17LY02396

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 17LY02396


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C..., épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du préfet de la Loire du 24 mars 2015, abrogeant sa décision du 19 septembre 2014 faisant droit à sa demande de regroupement familial au profit de ses deux filles Eben et Miraldie nées le 12 décembre 1996.

Par un jugement n° 1504241 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 juin 2017, Mme D..., représent

ée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C..., épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du préfet de la Loire du 24 mars 2015, abrogeant sa décision du 19 septembre 2014 faisant droit à sa demande de regroupement familial au profit de ses deux filles Eben et Miraldie nées le 12 décembre 1996.

Par un jugement n° 1504241 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 juin 2017, Mme D..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mai 2017 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à son profit, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet a commis une erreur de droit en abrogeant une décision créatrice de droit au-delà du délai de quatre mois à compter de son édiction ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2019 le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pommier, président.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante de la République démocratique du Congo où elle est née le 12 mars 1973, a épousé, le 5 août 2008, un compatriote naturalisé français le 20 août 2009. Elle a obtenu une carte de résident valable dix ans à compter du 6 juillet 2009. Le 25 février 2014, elle a déposé une demande de regroupement familial au bénéfice de ses deux filles jumelles, Eben et Miraldie, nées le 12 décembre 1996. Par une décision du 19 septembre 2014, le préfet de la Loire a fait droit à sa demande. Par un arrêté du 24 mars 2015, le préfet de la Loire a abrogé sa décision du 19 septembre 2014 au motif de l'existence d'une fraude aux documents d'état civil des enfants. Mme D... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision d'abrogation.

Sur la décision abrogeant l'autorisation de regroupement familial :

2. D'une part, un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors que les délais encadrant le retrait d'un acte individuel créateur de droit sont écoulés, il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte que de l'intention du demandeur de la tromper, pour procéder à ce retrait.

3. D'autre part, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ; l'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties ; pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

4. Pour abroger, au motif qu'elle avait été obtenue par la production de documents d'état civil frauduleux, l'autorisation de regroupement familial qu'il avait accordée à Mme D... au profit de ses deux filles Eben et Miraldie, nées le 12 décembre 1996, le préfet de la Loire a retenu que Mme D...n'avait pas mentionné ces enfants lors du dépôt de sa demande d'asile en 2008 et que son époux français ne les avait pas davantage mentionnées dans sa demande de naturalisation. Dans ses écritures de première instance, le préfet de la Loire a ajouté que Mme D...et M. D...avaient produit à l'appui de leurs demandes respectives de regroupement familial et de visa au profit de leurs enfants, des actes de naissance congolais du 12 septembre 2012 portant le même numéro et mentionnant, comme père des enfants, pour les uns, M. D...et, pour les autres, M. A... B....

5. Il ressort des pièces du dossier que ce n'est que par un jugement du tribunal de paix de Kinshasa en date du 5 juin 2012 que M. D... a adopté les enfants Eben et Miraldie, soit postérieurement à sa naturalisation, obtenue par décret du 20 août 2009 ; il ne pouvait donc pas mentionner ces enfants, qu'il n'avait pas encore adoptées, dans sa demande de naturalisation. Il ressort également des résultats de l'enquête de police diligentée pour faux et usage de faux, que si Mme D...n'a pas mentionné l'existence de ses jumelles dans l'imprimé de demande d'admission au séjour au titre de l'asile renseigné le 20 mai 2008, elle a fait état de leur existence dans l'imprimé de demande d'asile adressé à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qu'elle a signé, en indiquant toutefois une date de naissance erronée au 12 décembre 2000.

6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante et son époux français, M. D..., ont chacun produit à l'appui de leurs demandes respectives de regroupement familial et d'obtention de visa au profit de ces fillettes, des actes de naissance de ces dernières, délivrés le 12 septembre 2012 par la même autorité signataire, à la demande de l'oncle maternel des enfants, qui comportent des mentions différentes quant à l'identité du père des fillettes et sur lesquels la signature de l'oncle maternel des enfants, sur la déclaration duquel les actes de naissance ont notamment été dressés, diffère. Au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties et nonobstant l'enquête par voie d'huissier diligentée à Kinshasa le 10 avril 2015 à la demande de l'oncle maternel des enfants, les actes de naissance des deux fillettes fournis par Mme D... à l'appui de sa demande de regroupement familial, ne peuvent être regardés comme authentiques et exacts. Ainsi le préfet de la Loire apporte la preuve qui lui incombe de l'existence d'une fraude imputable à Mme D... dans la production des actes de naissance des enfants Eben et Miraldie au soutien de la demande de regroupement familial sollicitée à leur profit. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet de la Loire a commis une erreur d'appréciation en abrogeant la décision du 19 septembre 2014 faisant droit à sa demande de regroupement familial au motif du caractère frauduleux des actes de naissance produits.

7. L'autorisation de regroupement familial ayant été obtenue par fraude, le préfet de la Loire n'a pas commis d'erreur de droit en l'abrogeant passé le délai de quatre mois suivant son octroi.

8. S'agissant des moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, qui ont été écartés à bon droit par le tribunal administratif de Lyon, il y a lieu d'adopter les motifs du jugement attaqué, à l'encontre desquels la requérante ne formule aucune critique utile ou pertinente.

9. Enfin Mme D...ne peut utilement se prévaloir de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'abrogation de l'autorisation de regroupement familial, qui ne met pas en oeuvre le droit de l'Union.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, premier conseiller,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

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N° 17LY02396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02396
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005 Étrangers. Entrée en France.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: Mme TERRADE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-04;17ly02396 ?
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