Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 juillet 2014 et 14 juin 2016, le syndicat CGT FerroPem a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler la décision du directeur général du travail du ministère du travail, de l'emploi, et du dialogue social du 27 avril 2014 ;
2°) d'ordonner au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social d'inscrire l'établissement FerroPem situé à Gavet sur la liste des établissements de flocage et calorifugeage susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante annexée à l'arrêté du 7 juillet 2000 dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1404105 du 11 juillet 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande du syndicat CGT FerroPem.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 septembre 2016, 16 juillet 2018, 31 octobre 2018, 11 décembre 2018, le syndicat CGT FerroPem, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1404105 du tribunal administratif de Grenoble du 11 juillet 2016 ;
2°) d'annuler la décision du ministre du travail en date du 27 avril 2014 refusant d'inscrire l'établissement FerroPem sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;
3°) d'ordonner au ministre du travail d'inscrire l'établissement FerroPem situé à Gavet sur la liste des établissements de flocage et de calorifugeage susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, au titre de la période courant de 1970 à 1992, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a, à juste titre, admis que l'établissement doit être regardé comme ayant effectué des opérations de calorifugeage ;
- les interventions de décalorifugeage, la préparation d'une longueur de toile amiantée par découpage au couteau, la fixation par du cordon amianté coupé au couteau, la mise en place de toiles et le découpage à des fins d'isolation thermique sont des opérations de calorifugeage au sens de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;
- toutes les opérations dans l'usine qui impliquaient l'utilisation de l'amiante doivent être prises en compte dans le cadre du dispositif prévu à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 car elles visaient à isoler des éléments d'une source de chaleur ;
- l'inscription d'un établissement sur la liste de l'article 41 ne dépend pas de sa branche d'activité, mais du fait que son activité impliquait des opérations significatives de calorifugeage, même si le calorifugeage ne constitue pas son activité principale ;
- le rapport de l'inspecteur démontre que de hautes températures étaient nécessaires pour la production, or ces températures provoquant la délitation rapide des calorifuges au-dessus des fours, les opérations de calorifugeage étaient donc d'une fréquence significative ;
- l'arrêt de certains fours ne peut emporter la conviction du caractère non significatif des opérations de calorifugeage car leur utilisation est nécessaire à l'activité de carbo-réduction, et notamment pour la production de silicium ;
- doit être prise en compte, pour l'inscription sur la liste des établissements pouvant bénéficier du droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, l'exposition de tous les salariés engendrée par les opérations de calorifugeage ;
- la proportion des salariés affectés aux opérations de calorifugeage à l'amiante et la fréquence de ces dernières peuvent être prouvées par des attestations des salariés et des bons de commande d'amiante, ainsi que par leurs bordereaux de suivi des déchets ;
- un nombre significatif de salariés était affecté à des opérations de calorifugeage ;
- l'employeur n'a pas fait connaître le nombre de salariés de l'entreprise pour les années antérieures à 1970, or, au cours des années 1970, il y avait environ 350 salariés dans l'entreprise et compte tenu des effectifs connus de l'année 1981, 1985, et 1990, la moyenne de l'ensemble des salariés sur la période de 1981 à 1992 était de 163 salariés ;
- cinquante-neuf salariés étaient placés en surveillance renforcée amiante, représentant ainsi une proportion de 22 % de l'effectif total ;
- les critères démontrant le caractère significatif des opérations de calorifugeage à l'amiante sont notamment l'exposition de tous les salariés engendrée par les opérations de calorifugeage, le nombre de maladies professionnelles, ou encore l'exposition environnementale, or, en l'espèce, les maladies professionnelles et l'exposition environnementale sont la conséquence d'activités significatives à l'amiante et ne sont pas dues à une exposition à l'amiante dans un cadre différent ;
- les maladies professionnelles constituent une preuve irréfutable d'une exposition à l'amiante et renforcent le caractère significatif des opérations de calorifugeage ;
- les quinze maladies professionnelles reconnues, soit 4,2 % du personnel, sont un indice de l'existence d'activités significatives de calorifugeage ;
- le caractère significatif de la proportion de salariés affectés aux travaux de calorifugeage à l'amiante peut se déduire de tout élément du dossier sans qu'il soit besoin de fixer un pourcentage du personnel directement affecté auxdites opérations ;
- la fréquence des opérations de calorifugeage ne doit pas être confondue avec l'intensité de l'exposition ; la notion de régularité et de quasi-quotidienneté est suffisante pour caractériser le caractère significatif des opérations exposantes à l'amiante ;
- la notion d'habitude est nécessaire et suffisante pour apprécier la fréquence des activités de calorifugeage à l'amiante et, en l'espèce, la fréquence habituelle desdites opérations se déduit du nombre de fours utilisés, de l'absence de contestation sur la fréquence habituelle de plusieurs fois par semaine et des températures extrêmes qui régnaient au sein des fours démontrant une utilisation de l'amiante à des fins d'isolation thermique ;
- la société ne démontre pas que les opérations de calorifugeage étaient réalisées à une fréquence moindre que plusieurs fois par semaine ;
- la fréquence est corrélée avec le fonctionnement des fours puisque les activités de calorifugeage de la société FerroPem sont axées autour desdits fours. A cet égard, les fours n° 3 et 4 n'ont jamais cessé de fonctionner au cours de la période en cause, tandis que l'arrêt des autres fours, au cours des années 1980, correspondait à la baisse des effectifs ;
- les allégations de la société FerroPem eu égard au pourcentage du temps d'exploitation des fours par des opérations de calorifugeage, à l'intensité d'exposition et à la substitution de produits ne sont pas fondées ;
- la société reconnait que les arrêts des fours étaient de quatre heures par semaine, or les opérations de calorifugeage étaient exécutées pendant l'arrêt des fours, donc leur fréquence était habituelle ;
- le fait que sa réclamation préalable ne fixait pas de limite dans le temps ne l'empêche pas de déterminer une date d'inscription dans le cadre de la procédure d'appel de sorte qu'il sollicite une injonction d'inscription de 1970 à 1992 dans la mesure où le rapport de l'inspecteur du travail prend en compte cette date pour la substitution des produits en amiante par des produits réfractaires ;
- l'usine des Clavaux a commandé des produits amiantés en 1988 ;
- la société FerroPem n'a pas respecté les dispositions de l'arrêté du 25 août 1977 si bien qu'elle ne peut fournir des relevés d'empoussièrement utiles à l'instruction du présent litige ;
Par un mémoire enregistré le 10 juillet 2017, régularisé le 13 juillet 2017, le ministre du travail conclut au rejet de la requête formée par le syndicat CGT FerroPem ;
Il soutient que :
- le dispositif de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a été conçu pour les salariés les plus exposés lors des activités liées l'amiante et une activité accessoire à l'activité principale d'une entreprise ne peut justifier l'inscription de l'établissement sur la liste de ceux bénéficiant de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante que si cette activité accessoire correspond aux activités visées par l'article 41 précité et qu'elle représente une part significative eu égard à sa fréquence et sa proportion de salariés qui y sont affectés ;
- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en considérant que l'exposition environnementale n'a pas à être prise en compte pour apprécier le caractère significatif de l'exposition à l'amiante si bien que la présence de poussières d'amiante dans les ateliers de l'établissement était à l'origine d'expositions indirectes qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 41 ;
- l'existence de maladies professionnelles liées à l'amiante n'est pas de nature à justifier l'inscription de l'établissement sur la liste de l'article 41 ouvrant droit au bénéfice de l'allocation en litige ;
- les éléments recueillis au cours de l'enquête administrative locale n'ont pas permis de démontrer qu'une partie significative de l'activité de l'établissement était consacrée à des activités exposantes à l'amiante au sens de l'article 41 précité.
Par des mémoires enregistrés les 16 mai 2017 et 20 septembre 2018, la société FerroPem, représentée par MeA..., demande à la cour :
A titre principal :
1°) d'infirmer le jugement n° 1404105 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a considéré que l'existence de maladies professionnelles liées à l'amiante pouvait constituer un élément d'appréciation pour l'application de l'article 41-1 de la loi du 23 décembre 1998 ;
2°) de confirmer le jugement n° 1404105 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a rejeté la requête aux fins d'annulation de la décision du ministre du travail, de l'emploi, et de la formation professionnelle en date du 27 avril 2014 ;
3°) de rejeter les conclusions du syndicat CGT tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre du travail, de l'emploi, et de la formation professionnelle d'inscrire l'établissement FerroPem, usine des Clavaux, sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;
4°) de rejeter la requête du syndicat CGT ;
A titre subsidiaire :
- de juger que la date de fin d'exposition ne peut aller au-delà de 1988.
Enfin, de mettre à la charge du syndicat CGT FerroPem la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a retenu que les données afférentes au nombre de salariés ayant subi une maladie liée à l'amiante constitue un critère opérant pour l'application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;
- le syndicat n'apporte pas la preuve matérielle des périodes d'embauche des personnels atteints de maladies professionnelles liées à l'amiante ;
- l'exposition à l'amiante de certains des salariés provient de leur activité au sein d'autres sites industriels ;
- les activités de calorifugeage à l'amiante ne concernaient qu'une partie des fours et installations de l'usine, si bien qu'elles étaient limitées ;
- les opérations exploitant de l'amiante au sein de l'usine étaient limitées eu égard à leur fréquence car elles n'avaient lieu que pendant le temps d'arrêt des fours, soit quatre heures par semaine maximum, et le syndicat CGT n'apporte pas de preuve d'une fréquence très élevée desdites opérations ; de même, l'existence de températures élevées, non démontrées, ne permet pas d'établir une éventuelle fréquence importante de ces opérations ;
- le syndicat CGT n'apporte pas d'éléments sérieux tendant à démontrer qu'une part significative de salariés de l'usine était affectée aux tâches de calorifugeage ; au contraire, les opérations de calorifugeage n'ont pu mobiliser qu'un nombre très limité de salariés et, en tout état de cause, non significatif ;
- la période d'exposition retenue par le requérant est erronée, et aucun élément ne vient établir que les opérations de calorifugeage ont débuté en 1945 et ont pris fin en 1992 ; le terme de la période d'exposition ne saurait être postérieur à 1988 ;
- si l'activité exercée par la société FerroPem a pu induire l'utilisation de matériaux amiantés, elle n'a jamais été opérée dans des dimensions et conditions comparables aux activités industrielles ; aucun établissement exerçant des activités telles que celles pratiquées par la société n'a fait à ce jour l'objet d'une inscription sur la liste ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi du n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pommier, président,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant le syndicat CGT FerroPem et de Me A..., représentant la société FerroPem.
Considérant ce qui suit :
1. L'usine des Clavaux, créée en 1898 et située à Gavet, sur le territoire de la commune de Livet-et-Gavet (département de l'Isère), est un site électrométallurgique appartenant depuis 2006 à la société FerroPem, dont l'exploitation était dévolue à la production de carbure de calcium, de ferro-alliage, de sillico-alliage, et d'abrasif et qui est aujourd'hui spécialisée dans la production de silicium métal. Le délégué du syndicat CGT de l'usine des Clavaux, a, par courrier du 7 mai 2013, demandé l'inscription de ce site sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Par une décision du 27 avril 2014, notifiée le 6 mai 2014 au syndicat CGT FerroPem, le directeur général du travail du ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a refusé l'inscription de l'établissement sur cette liste au motif que la part représentée par les activités exposantes à l'amiante, au sens du dispositif précité, n'était pas significative. Le syndicat CGT FerroPem relève appel du jugement du 11 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et demande qu'il soit enjoint au ministre du travail d'inscrire l'usine des Clavaux sur la liste des établissements de flocage et de calorifugeage ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, au titre de la période courant de 1970 à 1992.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 modifiée : " I. - Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que peuvent seuls être légalement inscrits sur la liste qu'elles prévoient les établissements dans lesquels les opérations de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté sur la période en cause une part significative de l'activité de ces établissements. Il en va ainsi alors même que ces opérations ne constitueraient pas l'activité principale des établissements en question. En outre, les opérations de calorifugeage à l'amiante doivent, pour l'application de ces dispositions, s'entendre des interventions qui ont pour but d'utiliser l'amiante à des fins d'isolation thermique et ne sauraient, par suite, ouvrir droit à l'allocation prévue par ce texte les utilisations de l'amiante à des fins autres que l'isolation thermique, alors même que, par l'effet de ses propriétés intrinsèques, l'amiante ainsi utilisée assurerait également une isolation thermique.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'activité principale exercée par la société FerroPem dans l'usine Les Clavaux, au cours de la période courant de 1970 à 1992, n'était ni une activité de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, ni une activité de flocage et de calorifugeage à l'amiante, mais une activité de production de silicium métal par réduction carbothermique de quartz. Toutefois, il ressort du rapport en date du 2 septembre 2013 établi par l'inspecteur du travail que plusieurs tâches effectuées au sein de l'usine au cours de cette période constituaient des opérations de calorifugeage au sens de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, notamment le calorifugeage du plafond des hottes des fours, la mise en place d'une toile amiantée autour des resistos des fours, de toiles autour des flexibles des machines de piquage DERRUPE des fours 1 et 2, de toiles autour des flexibles hydrauliques des chargeuses WEILMAN, de toiles autour des liaisons électriques des perceuses de becs de coulée des fours 1 à 4, la pose et dépose de tuyaux de caoutchouc amianté de refroidissement du système d'électrodes des fours, de tuyaux de caoutchouc amianté pour arrosage de la cuve du four 5, et la démolition des réfractaires sur cuves, becs, chenal et poche au sein de l'atelier de fumisterie. En outre, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, les opérations de découpe de plaques ou de tresses amiantées à l'aide d'un couteau avaient pour conséquence la dispersion de fibres d'amiante. Ainsi, l'amiante utilisé sur le site l'était notamment à des fins de calorifugeage. Au demeurant, ni la société FerroPem, ni le ministre du travail ne contestent l'existence d'activités de calorifugeage dans l'établissement en cause au cours de la période 1970 à 1992.
5. Il ressort des pièces versées au débat, notamment du dossier de demande de classement présenté par le syndicat, des réponses apportées par la société FerroPem et du rapport de l'inspecteur du travail en date du 2 septembre 2013, que plusieurs fours ont été arrêtés ou ont cessé de fonctionner pendant cette période : les fours 1 et 2 ont été arrêtés respectivement de 1980 à 1992 et de 1980 à 1988, les fours 3 et 4 ont été arrêtés en 1991, le four 5, qui avait remplacé les fours 8 et 9 démolis en 1969, a été arrêté en 1986, les fours 6 et 7 ont été arrêtés en 1980. Ainsi il peut être retenu qu'entre 1970 et 1980 les fours 1 à 7 ont fonctionné, que de 1980 à 1986 seuls les fours 3, 4 et 5 ont fonctionné et que de 1988 à 1991 les fours 2, 3, 4 ont fonctionné mais sans amiante pour le four 2 et avec une réduction de l'utilisation de produits amiantés pour les deux autres fours et qu'en 1992 seul le four 2 fonctionnait.
6. S'il résulte du rapport de l'inspecteur du travail en date du 2 septembre 2013 que les opérations de calorifugeage étaient effectuées par des équipes mixtes, à savoir des salariés de l'atelier maintenance et de l'atelier production, et si le médecin du travail indique que tous les opérateurs de production étaient affectés à ces tâches, il n'est toutefois pas précisé quel était le nombre de salariés travaillant au sein desdits ateliers, ou le nombre d'opérateurs de production. En outre, si dans la partie 3 intitulée " salariés concernés " du dossier de demande de classement le syndicat CGT FerroPem indique que tous les agents de fabrication ou de maintenance ont été exposés à des inhalations de fibres d'amiante et que toutes les personnes ayant travaillé sur le site ont été également indirectement exposées, cette argumentation n'est pas suffisamment étayée par des éléments précis et concordants. En particulier, les attestations de salariés produites et les bons de commande d'amiante versés au débat ne peuvent suffire en l'espèce à démontrer que la proportion de salariés affectés aux opérations de calorifugeage serait significative.
7. S'il ressort des pièces du dossier que quinze maladies professionnelles, reconnues entre 1984 et 1992 au sein de l'usine Clavaux, sont imputables à l'utilisation de l'amiante, l'existence de maladies professionnelles liées à l'amiante n'est pas, par elle-même, de nature à justifier légalement l'inscription de cet établissement sur la liste prévue à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1999. Par ailleurs, la société fait valoir que sur les 15 cas 8 provenaient d'autres sites industriels. Enfin, si les pièces versées au débat font apparaître que, dans les années 1970, l'effectif moyen de l'entreprise était de 350 salariés, qu'en 1981, 1985, 1988, 1989, et 1990, l'entreprise comptait respectivement 240 salariés, 196 salariés, 126 salariés, et deux années de suite 136 salariés, ces seules données ne permettent pas de déterminer l'effectif total des salariés de l'usine sur la période de 1970 à 1992 ni la part des salariés affectés aux opérations de calorifugeage, de sorte que la proportion de maladies professionnelles liées à l'amiante ne peut être appréciée de façon précise. Il en va de même de la circonstance que 59 salariés ont été placés sous surveillance renforcée à compter de 2002 par le médecin du travail,
8. Le syndicat CGT FerroPem soutient encore que les opérations de calorifugeage étaient réalisées au moins plusieurs fois par semaine, et que cette fréquence se déduit du nombre de fours utilisés pendant la période de 1970 à 1992, mais aussi des températures de plus de 1 000 degrés régnant dans les fours et qui dégradaient l'amiante présente. Cependant et ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces versées au débat que le fonctionnement de plusieurs fours a été interrompu ou a cessé au cours de cette période. En outre, en se bornant à indiquer que de nombreuses opérations de calorifugeage étaient pratiquées lors de l'arrêt des fours, soit une moyenne de quatre heures par semaine, et alors que l'entreprise fait valoir qu'en tout état de cause les quatre heures correspondaient au temps d'arrêt des fours et non à la durée d'intervention des personnels au cours de ces périodes et que s'agissant des opérations de découpe l'inspecteur du travail dans son rapport du 17 décembre 2013 a retenu qu'il n'apparaissait pas qu'elles aient eu un caractère fréquent, le syndicat CGT FerroPem, qui par les pièces qu'il produit n'apporte pas d'éléments suffisamment probants au soutien de son allégation, n'établit pas que les opérations de calorifugeage au sein de l'usine des Clavaux étaient fréquemment exécutées au cours de la période de 1970 à 1992.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CGT FerroPem n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés à l'occasion du litige par le syndicat requérant. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du syndicat CGT FerroPem le versement à la société FerroPem d'une somme au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête du syndicat CGT FerroPem est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société FerroPem tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT FerroPem, à la société FerroPem et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.
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N° 16LY03137
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