Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A...D...a demandé le 18 novembre 2016 au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler la décision du 4 juillet 2016 par laquelle le préfet de la Drôme a refusé le regroupement familial demandé en faveur de M. C...B..., son époux ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui accorder le regroupement familial demandé dans un délai de trente jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1606537 en date du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 4 juillet 2016 du préfet de la Drôme et lui a enjoint d'accorder le regroupement familial demandé par Mme D...en faveur de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 16 janvier 2018 sous le n° 18LY00191, le préfet de la Drôme demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1606537 du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme D...en première instance.
Il soutient que :
- les juges de première instance ont, à tort, estimé que sa décision du 4 juillet 2016 méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés par la requérante en première instance sont mal fondés pour les mêmes raisons que celles qu'il a exposées devant le tribunal administratif de Grenoble.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2018, MmeD..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement n° 1606537 du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet sont mal fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une décision du 6 mars 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à MmeD....
II. Par une requête enregistrée le 12 avril 2018 sous le n° 18LY01326, Mme D...demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement n° 1606537 du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet sont mal fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Joseph Pommier, président,
Considérant ce qui suit :
1. Le document enregistré sous le n° 18LY01326 constitue en réalité le double du mémoire en défense présenté par Mme D...et enregistré comme tel le 12 avril 2018 dans l'instance n° 18LY00191. Par suite, ce document doit être rayé du registre du greffe de la cour et joint à l'instance enregistrée sous le n° 18LY00191 sur laquelle il est statué par le présent arrêt.
2. Mme A...D..., ressortissante algérienne née le 14 avril 1984, est titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'au 8 juin 2021. Par une décision du 4 juillet 2016, le préfet de la Drôme a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle a présentée en faveur de son époux, M. C...B.... Par un jugement n° 1606537 du 29 décembre 2017, dont le préfet de la Drôme relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.
Sur la légalité de la décision en litige du 4 juillet 2016 :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
4. Pour annuler la décision rejetant la demande de regroupement familial présentée par Mme D...en faveur de son époux, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce que ce refus portait une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale dès lors, d'une part, que le couple eu un enfant le 18 mai 2015 et s'est marié le 10 octobre suivant, d'autre part, que si les revenus de Mme D...sont insuffisants pour obtenir le regroupement familial, ils perdront ce caractère une fois que M. B...aura vu sa situation régularisée et pourra exercer son métier de boucher.
5. S'il est établi que M. B...a reconnu son enfant avant sa naissance, et s'il est marié avec Mme D...depuis le 10 octobre 2015, aucun autre élément n'est versé au dossier pour établir la réalité de la vie conjugale entre M. B... et Mme D...ainsi que le fait qu'il s'occupe de son enfant. La circonstance que M. B...est titulaire d'une promesse d'embauche en qualité de boucher au sein de la société " Le Beau marché " ne peut suffire à démontrer que la décision litigieuse méconnaitrait le droit à la vie privée et familiale de MmeD.... Dans ces conditions, et eu égard notamment au caractère récent du mariage, la décision contestée du 4 juillet 2016 ne porte pas une atteinte excessive au droit de la requérante au respect de sa vie familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour ce motif sa décision du 4 juillet 2016 rejetant la demande de regroupement familial présentée par Mme D...en faveur de son époux, M.B....
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour.
8. En premier lieu, Mme D...soutient que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que, si les avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 25 février 2016 et du maire de Valence sont mentionnés dans l'arrêté en cause, leur existence n'est pas établie. Toutefois, le préfet de la Drôme a versé au dossier de première instance ces avis. Le moyen doit donc être écarté comme manquant en fait.
9. En deuxième lieu, Mme D...soutient que la décision contestée est entachée d'un défaut de base légale dès lors qu'elle vise l'accord franco-tunisien alors que seul l'accord franco-algérien est applicable. S'il ressort des énonciations de la décision attaquée que celle-ci vise, à tort, l'accord franco-tunisien, cette mention ne résulte toutefois que d'une simple erreur de plume dès lors qu'il ne ressort ni des motifs de la décision contestée ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Drôme n'aurait pas fait application de l'accord franco-algérien pour examiner la demande de MmeD.... Ce moyen doit donc être écarté.
10. En troisième lieu, Mme D...soutient que les motifs qui fondent la décision contestée sont entachés d'inexactitude en tant qu'ils précisent, d'abord, que son acte de naissance n'est pas conforme et constitue seulement une traduction en langue française, ensuite, que l'acte de naissance de son époux ne fait pas mention de leur mariage et ne serait pas conforme à la réglementation marocaine, de plus, que les actes d'état civil méconnaissent les dispositions du 1° de l'article R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, enfin, que ses ressources sont insuffisantes.
11. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le regroupement ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont également applicables aux ressortissants algériens dès lors qu'elles sont compatibles avec les stipulations de l'accord franco-algérien : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; (...) ".Aux termes du 1° de l'article R. 421-4 du même code dont les dispositions sont également applicables aux ressortissants algériens : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : 1° Les pièces justificatives de l'état civil des membres de la famille : l'acte de mariage ainsi que les actes de naissance du demandeur, de son conjoint et des enfants du couple comportant l'établissement du lien de filiation (...). 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens (...) ".
12. D'une part, et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Grenoble, il ressort des pièces du dossier que les actes d'état civil de Mme D...et de M. B...sont conformes aux dispositions susmentionnées du 1° de l'article R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par conséquent, le motif de refus opposé à Mme D...fondé sur le caractère incomplet du dossier de demande de regroupement familial est erroné.
13. D'autre part, Mme D...ne conteste pas que ses ressources pour la période de référence comprise entre novembre 2014 et décembre 2015 s'élèvent à 841,76 euros brut. Ces ressources sont sensiblement inférieures à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. De plus, il ressort des pièces du dossier que les sommes perçues par Mme D...au titre de l'aide de retour à l'emploi ont, contrairement à ce qu'elle soutient, été prises en compte dans le calcul de ses ressources.
14. Par conséquent, il résulte de ce qui précède que la décision contestée repose pour partie sur des motifs inexacts. Cependant, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision, s'il avait retenu le seul motif tiré de l'insuffisance des ressources de Mme D.... Dès lors, les moyens tirés de l'inexactitude des motifs de la décision litigieuse doivent être écartés.
15. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 4 juillet 2016 par laquelle Mme D...a vu sa demande de regroupement familiale rejetée.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à Mme D...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1 : La production n°18LY01326 sera rayée du registre du greffe de la cour pour être jointe à la requête n° 18LY00191.
Article 2 : Le jugement n° 1606537 du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2017 est annulé.
Article 3 : La demande de première instance présentée par Mme D...ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2019.
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N°s 18LY00191,...