Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 13 juillet 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.
Par un jugement n° 1806766 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 février 2019, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 janvier 2019 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que le motif d'annulation du refus de titre de séjour retenu par le tribunal administratif est infondé.
Par un mémoire enregistré le 22 mars 2019, le préfet de l'Isère indique que la demande d'asile déposée par M. A... est en cours d'instruction par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Par un mémoire enregistré le 1er mai 2019, qui n'a pas été communiqué au préfet, M. A..., représenté par Me Mathis, avocate, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé les décisions en litige.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président ;
Considérant ce qui suit ;
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 5 mai 2000, déclare être entré en France le 6 mars 2017, alors qu'il était encore mineur et a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance. Le 22 mars 2018, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 13 juillet 2018, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé un pays de destination. Le préfet relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix -huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. "
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix -huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
4. Il ressort des pièces du dossier que durant l'année 2016-2017, M. A... a suivi des cours de français dispensés par une association. En octobre 2017, il a intégré une classe de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS). Il a obtenu un diplôme d'études en langues française, ainsi qu'un certificat de formation générale avec une moyenne de 17,5/20. Il a également effectué plusieurs stages dans le domaine de l'électricité et de la boulangerie et a donné entière satisfaction. Au titre de l'année 2018-2019, il est inscrit en préparation au certificat d'aptitude professionnelle de maintenance des bâtiments de collectivités. Toutefois, le 13 juillet 2018, date des décisions en litige, il ne suivait pas depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Dès lors, il ne remplissait pas l'une des conditions requises pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans les circonstances de l'espèce, le refus d'un tel titre, que lui a opposé le préfet, n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé. Dès lors, c'est à tort que pour annuler ce refus et, par voie de conséquence, les autres décisions en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M.A....
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
6. La décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et des éléments de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
7. La légalité d'une décision administrative s'apprécie compte tenu de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle elle est prise. Il ressort des pièces du dossier que le13 juillet 2018, date de la décision qu'il conteste, M. A... n'était pas inscrit en préparation au certificat d'aptitude professionnelle de maintenance des bâtiments de collectivités, formation qu'il n'a suivie qu'à compter de l'année scolaire 2018-2019. Le préfet n'a commis aucune erreur de fait en retenant qu'à la date de sa décision, l'intéressé était scolarisé en classe de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS).
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
9. Compte tenu notamment de la durée du séjour en France et de l'âge de M.A..., et eu égard aux buts poursuivis par l'auteur du refus de titre de séjour en litige, ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale garanti par ces stipulations.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".
11. Le 13 juillet 2018, M. A..., ressortissant guinéen, qui s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, se trouvait dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.
12. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, l'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé.
13. Au termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. "
14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité l'asile et que le préfet de l'Isère lui a remis, le 24 septembre 2018, une attestation de demande d'asile lui permettant de se maintenir sur le territoire français. Cette circonstance, postérieure à la décision en litige, reste toutefois sans incidence sur sa légalité, et fait seulement obstacle à son exécution jusqu'à l'intervention de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
15. Les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués plus haut dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
16. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé et de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
17. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination méconnaît ces stipulations.
18. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige.
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. A... au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 janvier 2019 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2019.
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N° 19LY00739