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28/05/2019 | FRANCE | N°18LY02391

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 18LY02391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 2 février 2016 par laquelle la directrice interrégionale de l'administration pénitentiaire de Rhône-Alpes-Auvergne a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle qu'il a sollicitée le 15 janvier 2015 ;

- d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice de lui accorder la protection fonctionnelle et de s'engager à prendre en charge tous les frais auxquels il a dû faire face depuis le 13 janvi

er 2016.

Par un jugement n° 1604046 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de L...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 2 février 2016 par laquelle la directrice interrégionale de l'administration pénitentiaire de Rhône-Alpes-Auvergne a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle qu'il a sollicitée le 15 janvier 2015 ;

- d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice de lui accorder la protection fonctionnelle et de s'engager à prendre en charge tous les frais auxquels il a dû faire face depuis le 13 janvier 2016.

Par un jugement n° 1604046 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision et enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice d'accorder à M. C... la protection sollicitée.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 juin 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 avril 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal administratif.

Elle soutient que les agissements pour lesquels M. C... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel revêtent le caractère d'une faute personnelle détachable du service.

Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2018, M. C..., représenté par Me Collomb, avocate, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de lui accorder la protection sollicitée dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

- de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a commis aucune faute personnelle détachable du service ;

- il n'a fait l'objet d'aucune mesure de suspension, ni d'une sanction disciplinaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 97-3 du 7 janvier 1997 portant déconcentration de la gestion de certains personnels relevant du ministère de la justice ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., premier surveillant de l'administration pénitentiaire, affecté à la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône, a été placé en garde à vue puis mis en examen pour des faits de violence commis sur un détenu dans la nuit du 24 au 25 octobre 2015. La protection fonctionnelle lui a été refusée par une décision de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Rhône-Alpes-Auvergne du 2 février 2016. Ce refus a été implicitement confirmé par la garde des sceaux, ministre de la justice. Celle-ci relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision du 2 février 2016 et lui a enjoint d'accorder à M. C... la protection sollicitée.

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...). La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle est saisie d'une demande visant au bénéfice de la protection prévue par celles-ci, l'administration ne peut refuser d'y faire droit qu'en opposant, si elle s'y croit fondée au vu des éléments dont elle dispose à la date de la décision, le caractère de faute personnelle des faits à l'origine des poursuites au titre desquelles la protection est demandée. Dans le cas où, à l'inverse, elle a accordé la protection, elle peut mettre fin à celle-ci pour l'avenir si elle constate postérieurement, sous le contrôle du juge, l'existence d'une faute personnelle.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'un détenu de la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône, où M. C... exerce ses fonctions, a déposé plainte auprès du procureur de la République, le 2 novembre 2015, en déclarant avoir été frappé par sept surveillants qui étaient entrés dans sa cellule alors qu'ils étaient alcoolisés, dans la nuit du 24 octobre 2015. M. C... a été placé en garde à vue, puis mis en examen. Par une ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône du 9 janvier 2018, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours, par personne dépositaire de l'autorité publique et dans un local de l'administration. Selon cette ordonnance, produite pour la première fois en appel, M. C... a giflé à deux reprises le détenu concerné, sans justification. Ce comportement revêt le caractère d'une faute personnelle détachable du service, même si l'intéressé n'a fait l'objet ni d'une mesure administrative de suspension, ni d'une sanction disciplinaire. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif a estimé qu'elle était entachée d'une erreur d'appréciation.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C....

6. Par un arrêté du 12 mars 2009, publié au Journal officiel de la République française le 26 mars 2009, pris sur le fondement du décret du 7 janvier 1997 portant déconcentration de la gestion de certains personnels relevant du ministère de la justice, le garde des sceaux, ministre de la justice a donné délégation aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires pour prendre, notamment, les décisions accordant ou refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Par décision du 28 mai 2015, publiée au Recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Rhône-Alpes du 1er juin 2015, la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Rhône-Alpes-Auvergne a donné délégation à Mme B... A..., directrice des services pénitentiaires et chef du département des ressources humaines, aux fins de signer certaines décisions individuelles, au nombre desquelles ne figurent pas, toutefois, celles accordant ou refusant aux fonctionnaires le bénéfice de la protection fonctionnelle. Dès lors, Mme A... n'était pas compétente pour signer la décision du 2 février 2016.

7. Il résulte de ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en litige.

8. Eu égard au motif sur lequel repose l'annulation de la décision du 2 février 2016, tel qu'il résulte du présent arrêt, cette annulation implique non que l'administration accorde à M. C... la protection fonctionnelle, mais implique seulement que l'administration se prononce à nouveau sur la demande présentée à cette fin. Dès lors, la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif lui a enjoint d'accorder à M. C... cette protection.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. C...au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 avril 2018 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la garde des sceaux, ministre de la justice est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de M. C... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. D... C....

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

4

N° 18LY02391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02391
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : KARINE COLLOMB

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-28;18ly02391 ?
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