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28/05/2019 | FRANCE | N°17LY01996

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 17LY01996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'État à lui verser une somme de 70 000 euros majorée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis à raison de faits de harcèlement moral et de fautes commises dans la gestion de sa carrière.

Par un jugement n° 1404851 du 10 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir condamné l'État à verser à M. A... une somme de 2 000 euros et mis à la charge de l'État une somme de 1 200 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'État à lui verser une somme de 70 000 euros majorée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis à raison de faits de harcèlement moral et de fautes commises dans la gestion de sa carrière.

Par un jugement n° 1404851 du 10 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir condamné l'État à verser à M. A... une somme de 2 000 euros et mis à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mai 2017 et le 27 novembre 2018, M. A..., représenté par Me Brun, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 mars 2017 en tant qu'il a limité à 2 000 euros l'indemnité qu'il a condamné l'État à lui verser ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 70 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en ne lui laissant qu'un délai d'un mois pour répliquer au mémoire en défense du ministre, le tribunal a méconnu le droit à un procès équitable ;

- en le privant des fonctions auxquelles il avait été régulièrement affecté, le chef d'établissement de Saint-Quentin-Fallavier a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'État ;

- il a été privé des fonctions qu'ils devaient exercer, ainsi que des primes correspondantes ; de plus, il a fait l'objet de mesures vexatoires et d'une attitude méprisante et a rencontré les plus grandes difficultés à obtenir un accord sur les dates de ses congés ; ces faits de harcèlement moral engagent également la responsabilité de l'État ;

- il justifie d'un préjudice moral à hauteur de 40 000 euros, ainsi que d'un préjudice de carrière à hauteur de 30 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas méconnu le principe du contradictoire ;

- le requérant n'apporte pas d'élément probant nouveau au soutien de ses allégations, de nature à faire présumer l'existence de faits de harcèlement ;

- le montant des préjudices dont l'indemnisation est demandée n'est pas justifié.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

- les observations de Me Brun, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., titulaire du grade de directeur technique de 2ème classe de l'administration pénitentiaire, était affecté au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, au poste de responsable des services techniques. A la suite de la suppression de ce poste, il a été muté sur sa demande au sein de cet établissement en qualité de responsable du suivi de la gestion déléguée, à compter du 1er juin 2011, par arrêté du ministre de la justice du 13 juin 2011. Par courrier du 4 novembre 2013, la directrice interrégionale des services pénitentiaires de la région Auvergne -Rhône-Alpes a rejeté sa demande tendant au versement d'une indemnité compensatrice de la diminution de son régime indemnitaire dont il estimait avoir été victime du fait de son affectation à des fonctions ne correspondant pas au poste auquel il avait postulé et sur lequel il avait été nommé. Le 5 mars 2014, M. A... a adressé à l'administration une réclamation indemnitaire tendant à la réparation des préjudices subis du fait de la mauvaise gestion de sa carrière et de faits de harcèlement moral. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 mars 2017 en tant qu'il a limité à 2 000 euros l'indemnité qu'il a condamné l'État à lui verser en réparation des préjudices qu'il a subis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. (...). "

3. L'article R. 612-6 de ce code prévoit que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. "

4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) ".

5. L'article R. 613-3 du même code, dans sa version alors applicable, ajoute que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. " Aux termes de l'article R. 613-4 de ce code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties. "

6. Dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser.

7. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

8. Il ressort des pièces du dossier que le garde des sceaux, ministre de la justice, à qui une mise en demeure de produire un mémoire a été adressée le 11 septembre 2015, a produit un premier mémoire en défense devant le tribunal administratif le 6 janvier 2017, soit après la clôture de l'instruction qui avait été fixée au 29 juillet 2016 par une ordonnance du président de la formation de jugement. Le 9 janvier 2017, ce mémoire a été communiqué à l'avocat du requérant et l'audience initialement fixée au 12 janvier 2017 a été reportée au 9 février 2017. La communication du mémoire en défense du ministre, qu'imposaient, en l'espèce, tant les dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative que les exigences d'une bonne justice, a eu pour effet de rouvrir l'instruction. Il appartenait, dès lors, à M. A..., s'il l'estimait opportun, de répliquer à ce mémoire avant la clôture automatique de l'instruction devant intervenir, à défaut de décision expresse, trois jours francs avant l'audience fixée au 9 février 2017, soit dans un délai suffisant pour lui permettre d'y répliquer.

9. Si le requérant fait valoir que le ministre a bénéficié d'un délai anormalement long pour produire son mémoire en défense et qu'il aurait pu être réputé avoir acquiescé aux faits, ces circonstances ne suffisent pas à établir qu'il n'aurait pas lui-même bénéficié d'un délai suffisant pour répliquer à ce mémoire. Par suite, le tribunal administratif n'a méconnu ni le principe du caractère contradictoire de la procédure ni le droit à un procès équitable.

Sur le bien-fondé du jugement :

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'alors que M. A... avait été nommé par arrêté ministériel en qualité de responsable du suivi de la gestion déléguée, à compter du 1er juin 2011, le directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier lui a confié des fonctions moins importantes et comportant moins de responsabilités que celles qui avaient été initialement prévues. Il n'est pas contesté qu'en procédant à cette affectation, l'administration a commis un faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de l'intéressé.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la perte de responsabilités dont le requérant fait état découle directement du choix de la direction de l'établissement de confier le suivi de la gestion déléguée à une attachée d'administration et d'intendance, alors que l'intéressé devenait " responsable du contrôle et de l'évaluation des prestations techniques du marché de gestion déléguée ". Si cette répartition des tâches a pu faire obstacle à ce que M. A... soit l'interlocuteur de la gestion déléguée et l'a privé des missions d'encadrement qu'il exerçait auparavant, elle ne saurait, de ce seul fait, être regardée comme procédant d'une volonté de lui nuire.

12. En troisième lieu, M. A... fait état de faits qui constitueraient, selon lui, des mesures destinées à l'humilier et à entraîner une dégradation de ses conditions de travail. Il résulte toutefois de l'instruction que l'obligation qui lui a été faite de " badger ", ou de partager son bureau avec un collègue de grade inférieur au sien ainsi que la disparition de son bureau d'un climatiseur mobile ou de son fauteuil constituent des mesures d'organisation matérielle du service et non des mesures vexatoires destinées à lui nuire. Il n'est pas établi que la dégradation de la plaque apposée sur la porte de son bureau relèverait d'un acte de malveillance, ni qu'un refus de changer cette plaque lui aurait été opposé. De même, les documents produits ne permettent pas d'établir que les réponses tardives qu'il a obtenues sur sa demande de consultation de son dossier administratif ou sur des demandes de congés procéderaient d'une intention de lui nuire. S'il résulte de l'instruction qu'il existait un climat de tension entre le requérant et le directeur du centre pénitentiaire, il n'est pas établi que ce dernier aurait favorisé des moqueries à son encontre de la part de certains de ses collègues, ou aurait formulé des commentaires injustifiés et déplacés sur sa proposition de passage au grade de directeur technique de première classe. Enfin, si M. A... fait valoir qu'il n'a bénéficié d'aucune notation depuis l'entrée en fonction du nouveau directeur du centre pénitentiaire, il ne résulte pas de l'instruction que cette situation, qui est directement liée au fait qu'il a cumulé cent quarante-six jours d'absence hors congés annuels en 2012 et cent dix jours en 2013, constituerait une mesure vexatoire.

13. En dernier lieu, le requérant n'établit pas l'existence de préjudices de carrière et de retraite. S'il fait état de la baisse de son régime indemnitaire, il résulte de l'instruction que cette situation est directement liée à la disparition de la mission d'encadrement du personnel qui lui était auparavant confiée, du fait de la mise en oeuvre de la gestion déléguée au sein de l'établissement. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal a limité à 2 000 euros le montant de l'indemnité que l'État doit être condamné à lui verser au titre de son préjudice moral.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à l'intégralité des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

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N° 17LY01996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01996
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : BRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-28;17ly01996 ?
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