Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite de rejet du 25 mars 2017 par laquelle le préfet de la Loire a rejeté son recours gracieux à l'encontre de la décision du 15 décembre 2016 par laquelle il a ordonné son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 1702455 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2017, M. C...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 novembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté son recours gracieux à l'encontre de la décision du 15 décembre 2016 ordonnant son expulsion du territoire français ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Loire a omis de prendre en compte les dispositions dérogatoires de l'alinéa 4 de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est âgé de 27 ans et est arrivé en France à l'âge de 15 ans ; il est donc présent en France depuis près de 12 années et n'est plus retourné vivre dans son pays d'origine ; l'ensemble de ses attaches familiales sont en France ; il est le père d'un enfant français ; les faits à l'origine de son incarcération ont eu lieu en 2009 ; son comportement ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision fait état d'incidents graves qui ne sont pas établis et ce alors qu'il a bénéficié d'une réduction de peine ; il n'existe pas de menaces à l'ordre public ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il est père d'une enfant née le 29 janvier 2015 ; depuis sa libération, il consacre une grande partie de son temps à s'occuper de sa fille ; il a débuté un contrat de formation professionnelle auprès du centre de formation Saint-Claire ; il a signé un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel avec une société de nettoyage
Par un mémoire, enregistré le 26 mars 2019, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête n'apporte aucun élément susceptible de conduire à une analyse différente de celle effectuée par le juge de première instance ; les éléments produits par le requérant sont postérieurs à la décision critiquée ;
- l'intéressé ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 521-2-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la gravité des faits reprochés à l'intéressé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant algérien né le 11 mai 1990, est entré en France à l'âge de 15 ans. Il a été condamné, une première fois, le 5 janvier 2010, par le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance de Saint-Etienne à 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'extorsion avec violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, une deuxième fois à une peine d'emprisonnement de trois ans avec sursis partiel pour une durée de dix-huit mois et mise à l'épreuve dans les conditions prévues par les articles 132-43 et 132-44 du code pénal par le même tribunal le 18 juillet 2011 pour des faits d'extorsion avec violences ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours et une troisième fois, le 6 janvier 2012 par le même tribunal, à une amende de 500 euros pour des faits de violence dans un établissement d'enseignement ou d'éducation ou aux abords à l'occasion de l'entrée ou de la sortie des élèves suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours. Le 24 janvier 2012, la Cour d'assises de la Loire l'a condamné à six ans d'emprisonnement pour des faits de vol avec arme. Sur saisine du préfet, la commission d'expulsion du département de la Loire a émis, le 7 décembre 2016, un avis favorable à la mesure d'expulsion envisagée à l'encontre de l'intéressé. Par arrêté du 15 décembre 2016, le préfet de la Loire a prononcé l'expulsion de M.C.... Le 20 janvier 2017, l'intéressé a formé un recours gracieux auprès du préfet de la Loire qui l'a rejeté par une décision implicite. M. C...relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté son recours gracieux à l'encontre de la décision du 15 décembre 2016 ordonnant son expulsion du territoire français.
Sur la légalité de la décision implicite de rejet du recours gracieux :
2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ".
3. M. C...fait valoir qu'à la date de la décision attaquée, il résidait en France régulièrement depuis plus de dix ans, qu'il est père d'un enfant français et qu'il établit participer à son entretien et son éducation. Si le requérant soutient, sans être contredit, être entré en France en 2005 pour rejoindre sa mère dans le cadre d'un regroupement familial, il ressort des pièces du dossier qu'il a été incarcéré, à ...incarcéré à.... Par suite, M. C...n'établit pas qu'il résidait en France régulièrement depuis plus de dix ans à la date de la décision critiquée dès lors que les périodes de détention ne peuvent être prises en compte dans le calcul de la durée de résidence en France. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance du 4° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation commise par le préfet de la Loire doivent être écartés.
4. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 1 que M. C...a été condamné en récidive pour des faits d'extorsion avec violence et des faits de vol avec arme. Pendant son incarcération, même s'il a bénéficié de plusieurs crédits de réduction de peine, il a fait l'objet de plusieurs retraits de réduction de peine compte tenu d'incidents émaillant sa détention ainsi que d'une nouvelle condamnation prononcée à son encontre le 14 juin 2011 pour remise irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet. Ainsi, eu égard aux faits reprochés et à l'ensemble des informations dont il pouvait disposer sur le comportement de l'intéressé pendant son incarcération, le préfet de la Loire a pu à bon droit estimer que, dans les circonstances de l'espèce, la présence de M. C...sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public.
6. Aux termes de l'article 8 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. C...fait valoir que toutes ses attaches familiales sont en France et qu'il consacre, depuis sa libération, une grande partie de son temps à s'occuper de sa fille née le 29 janvier 2015 ; qu'il a débuté un contrat de formation professionnelle auprès du centre de formation Saint-Claire et a signé un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel avec une société de nettoyage. Toutefois, l'ancienneté et la stabilité de ses liens avec sa compagne ne sont établies par aucune pièce versée au dossier et ce alors que la commission d'expulsion a noté que " l'identité de sa concubine est trouble car en mai 2016 et en juin 2016, ce n'est pas la même personne ". Concernant sa fille née le 29 janvier 2015, M. C...se borne à produire des factures d'achats d'articles pour enfant ou des " mandats cash " de 50 euros émis au bénéfice de la mère de sa fille Leya et tous postérieurs à la décision d'expulsion du 15 décembre 2016 et ce alors qu'il percevait une rémunération au centre de détention de Roanne comme auxiliaire d'étage depuis juillet 2015. Par suite, il n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Par ailleurs, la commission d'expulsion du département de la Loire a noté que l'intéressé disposait encore d'attaches familiales en Algérie. Enfin, les circonstances qu'il a débuté une formation professionnelle ou encore qu'il bénéficie d'un contrat de travail à durée déterminée ne sont pas de nature à établir une intégration sociale particulièrement forte en France. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à la gravité des faits reprochés à M. C...compte tenu de son âge au moment de leur commission et à leur caractère répété, la décision litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, que ce soit le fait des institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre l'arrêté du préfet de la Loire du 15 décembre 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 mai 2019.
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N° 17LY04325