La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2019 | FRANCE | N°18LY03473

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 16 mai 2019, 18LY03473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B..., représentée par Me C..., a demandé le 16 juin 2018 au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros

par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 800 euros en application...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B..., représentée par Me C..., a demandé le 16 juin 2018 au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Par jugement n° 1800984 du 10 août 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2018, Mme B..., représentée par la société d'avocats Canis et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral du 23 mai 2018 portant obligation de quitter le territoire et abrogeant l'attestation de demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide judiciaire provisoire et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle a été contrainte de quitter son pays d'origine, l'Algérie, pour échapper au mariage forcé prévu par son père et que son admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2018, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ont rejeté ses demandes d'asile ;

- les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas fondés ;

- le moyen tiré de la de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé.

Par décision du 17 octobre 2018, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Cottier, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne, née le 12 janvier 1988 à Batna (Algérie) est entrée en France le 30 décembre 2016. Elle a présenté le 31 janvier 2017 une demande d'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 29 septembre 2017. Par un arrêt du 28 février 2018, la Cour nationale du droit d'asile a déclaré irrecevable du fait de sa tardiveté le recours de Mme B... contre la décision du 29 septembre 2017. Par un arrêté du 23 mai 2018, le préfet du Puy-de-Dôme a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 10 août 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation desdites décisions préfectorales.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Mme B... ayant été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 octobre 2018, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont sans objet.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un État pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet État, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'État de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

4. Mme B... soutient qu'elle serait exposée à des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine, qu'elle indique avoir quitté à la suite d'une tentative de mariage forcé. Toutefois, alors que sa demande d'asile a été rejetée le 29 septembre 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides au motif du caractère peu vraisemblable et peu étayé de ses déclarations relatives à un risque de mariage forcé et de violences familiales en cas de refus d'un tel mariage, la requérante ne démontre, ni par son récit, ni par les témoignages qu'elle produit notamment en appel de sa soeur Farida résidant en France et de courriers présentés comme émanant de sa mère et d'une soeur vivant en Algérie, lesquels sont insuffisamment circonstanciés, la réalité des faits allégués à savoir une tentative de mariage forcé et son refus l'ayant conduite à rejoindre la France, et l'existence de risques actuels et personnels en cas de retour en Algérie. Par suite, dans les circonstances décrites, le préfet du Puy-de-Dôme, en prenant la décision contestée désignant l'Algérie comme pays de destination, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En second lieu, Mme B... fait valoir qu'elle est entrée en France le 30 décembre 2016 munie d'un visa Schengen de quatre-vingt-dix jours valable jusqu'au 25 juin 2017 et qu'elle s'est insérée socialement en s'engageant notamment dans différentes actions de bénévolat au sein de plusieurs associations. Elle fait également état du fait que sa candidature à un poste de secrétaire administrative a été retenue par un employeur mais qu'elle n'a pas pu donner suite à cette proposition en l'absence de régularisation administrative. Toutefois, de tels éléments ne sauraient suffire à établir que le préfet du Puy-de-Dôme aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée en lui faisant obligation de quitter le territoire français et en fixant l'Algérie comme pays de destination.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées par son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'elle soit admise provisoirement à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mai 2019.

1

4

N° 18LY03473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03473
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme CARAËS
Avocat(s) : CABINET J.F. CANIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-16;18ly03473 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award