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16/05/2019 | FRANCE | N°17LY04394

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 16 mai 2019, 17LY04394


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B..., représentée par Me E..., a demandé, le 26 janvier 2017, au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions du 3 janvier 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, sous astre

inte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B..., représentée par Me E..., a demandé, le 26 janvier 2017, au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions du 3 janvier 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour Me E... de renoncer à percevoir la part contributive de l'État.

Par jugement n° 1700644 du 22 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2017 et un mémoire enregistré le 6 mars 2019, Mme B... , représentée par la SCP Couderc Zouine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 mai 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du 3 janvier 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sans délai un récepissé d'une demande de carte de séjour ;

4°) en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B...soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de certificat de résidence :

- elle est entachée d'une erreur de fait sur sa séparation d'avec son concubin ;

- le préfet ayant omis de procéder à l'examen particulier de sa situation, elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnaît les stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.

Par ordonnance du 28 novembre 2017, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté le recours introduit par Mme B... contre la décision du 3 juillet 2017 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a refusé sa demande d'aide juridictionnelle.

Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2019, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- et les observations de Me C..., représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante algérienne née le 13 juillet 1977, est entrée en France le 23 juillet 2006 sous couvert d'un visa de court séjour. Par décision du 2 octobre 2012 dont la légalité a été confirmée respectivement par le tribunal administratif de Lyon et par la cour administrative de Lyon les 8 janvier 2013 et 11 juin 2013, le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français. Par décisions du 20 février 2014, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai de départ volontaire. Ces décisions du 20 février 2014 ont également été jugées légales par le tribunal administratif de Lyon et par la cour administrative de Lyon respectivement les 8 juillet 2014 et 21 juillet 2015. Mme B... a sollicité le 13 juin 2016 un certificat de résidence sur le fondement des points 1 et 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par des décisions en date du 3 janvier 2017, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 22 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation desdites décisions préfectorales du 3 janvier 2017.

Sur la légalité de la décision portant refus de certificat de résidence :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet a rappelé les différentes décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de certificat de résidence ayant été prises à l'encontre de la requérante depuis février 2012, a fait état de la naissance de ses filles en France le 21 décembre 2011 ainsi que de sa déclaration du 2 octobre 2012 aux policiers sur sa séparation d'avec M. D..., a mentionné ses attaches familiales en Algérie et a procédé à une analyse de ces éléments dans le cadre de l'examen de la demande de certificat de résidence formulée par Mme B.... Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

3. En deuxième lieu, en se bornant à indiquer que la requérante avait indiqué aux services de police lors de son audition du 2 octobre 2012 ne plus vivre avec son ex-concubin, élément établi par le procès-verbal d'audition signé par l'intéressée et non utilement contredit par cette dernière, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

5. Mme B... indique être entrée en France le 23 juillet 2006 sous couvert d'un visa de court séjour et n'avoir pas quitté le territoire français depuis cette date. Toutefois, en ce qui concerne l'année 2006, elle se borne à produire un seul document établi début août 2006 concernant la délivrance de médicaments courants sur lequel figure un nom différent de celui dont elle se prévaut dans ses écritures. Par la production d'une ordonnance de novembre 2007 et d'une attestation de l'association Médecins du Monde établie le 5 octobre 2012, soit postérieurement à son audition par les services de police le 2 octobre 2012, portant sur des visites qui auraient eu lieu auprès de cette association entre janvier et mars 2007, elle ne justifie pas davantage d'une résidence stable en France en 2007. Pour l'année 2008, Mme B... ne verse que divers certificats médicaux n'établissant aucun suivi médical dans la durée et une note correspondant à l'achat d'un sac. Comme l'ont également relevé les premiers juges, Mme B... n'établit pas pour les années 2010, 2011 et 2013 une résidence continue en France. Par suite, la requérante, qui ne justifie pas remplir la condition de dix ans de résidence en France, n'est pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations du 1) de l'accord franco-algérien en refusant de lui délivrer un certificat de résidence.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

7. Mme B... se prévaut d'une présence en France depuis dix ans et de liens familiaux du fait de la présence de M. D..., son concubin ressortissant algérien disposant à la date de la décision en litige d'un certificat de résidence d'un an, de la scolarisation de ses filles nées en France et de liens avec sa soeur l'ayant hébergée. Toutefois, comme il a été dit plus haut, Mme B... n'établit pas résider habituellement en France depuis dix ans. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressée a indiqué le 2 octobre 2012 aux policiers être séparée de M.D.... Comme le fait valoir le préfet, sans être utilement contredit par la requérante qui se borne à indiquer que les tensions au sein du couple se sont apaisées, la stabilité et la continuité de sa relation avec M. D... ne sont pas suffisamment établies par les pièces du dossier. Il est constant que ce dernier n'a reconnu qu'en avril 2012 les deux filles de la requérante nées en décembre 2011. Il n'est pas démontré que ces enfants, dont la scolarité est récente, ne pourraient poursuivre leurs études en Algérie, pays dont elles ont la nationalité. La requérante ne fait état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie, pays dont ses filles mais également M. D... ont la nationalité. Elle n'établit pas être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, où elle a indiqué aux policiers s'être mariée, et où il n'est pas sérieusement contesté qu'y résident deux frères et cinq soeurs. La requérante ne se prévaut d'aucune insertion sociale et professionnelle particulière en France et la circonstance qu'elle entretienne des liens forts avec sa soeur résidant en France et avec laquelle elle indique avoir vécu à Givors puis à Lyon ne saurait démontrer à elle seule l'existence de liens intenses, stables et durables dans ce pays. Dans ces circonstances, le refus de certificat de résidence opposé à Mme B...n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants, regardés comme tels jusqu' à leur majorité légale, dans toutes les décisions les concernant.

9. Mme B... n'établit pas que ses enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité en Algérie. Si elle fait valoir qu'elles sont nées prématurées, elle n'établit pas qu'elles devraient faire l'objet d'un suivi médical particulier qui ne pourrait être effectué dans ce pays. Par ailleurs, le refus de certificat de résidence n'a par lui-même ni pour objet ni pour effet de séparer ces enfants de leurs parents et, ainsi qu'il a été dit, l'intéressée ne fait état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie.

10. En dernier lieu, et eu égard aux motifs énoncés aux points 7 et 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante en lui refusant un titre de séjour.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

12. En second lieu, en l'absence de tout élément particulier invoqué spécifiquement à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précisés aux points 7, 9 et 10.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mai 2019.

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N° 17LY04394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04394
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme CARAËS
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-16;17ly04394 ?
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