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09/05/2019 | FRANCE | N°18LY03539

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 09 mai 2019, 18LY03539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le centre hospitalier de Crest a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de condamner les sociétés SMA, son assureur dommage-ouvrage, et Ganon, entreprise en charge du lot 11/sols souples, M.C..., la société CBXS et le cabinet D...-B..., membres du groupement de maîtrise d'oeuvre et la société APAVE chargée du contrôle technique à lui verser une provision de 959 175,55 euros sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative au titre de la garantie décenn

ale des constructeurs pour les défauts constatés sur les sols souples d'un no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le centre hospitalier de Crest a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de condamner les sociétés SMA, son assureur dommage-ouvrage, et Ganon, entreprise en charge du lot 11/sols souples, M.C..., la société CBXS et le cabinet D...-B..., membres du groupement de maîtrise d'oeuvre et la société APAVE chargée du contrôle technique à lui verser une provision de 959 175,55 euros sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative au titre de la garantie décennale des constructeurs pour les défauts constatés sur les sols souples d'un nouveau bâtiment du centre hospitalier.

Par ordonnance n° 1801273 du 13 septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent les conclusions dirigées contre la société SMA, condamné, d'une part, la société Ganon à verser au centre hospitalier une provision de 47 723,87 euros et d'autre part, la société D...B...et la société CBXS à verser au même une provision de 9 544,77 euros.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés sous le n° 18LY03539 les 18 septembre, 25 octobre, 5 novembre 2018 et 4 janvier 2019 le centre hospitalier de Crest, représenté par MeI..., demande a la cour :

1°) de réformer l'ordonnance n° 1801273 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'elle a rejeté les conclusions dirigées contre la compagnie d'assurances SMA ;

2°) statuant à nouveau, de mettre à la charge de la SMA le versement d'une provision d'un montant de 901 909,91 euros, assorti des intérêts au taux légal, qui seront capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la SMA la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière faute pour le juge de ne pas avoir informé les parties qu'il relèverait l'incompétence de la juridiction administrative concernant les conclusions dirigées contre la SMA, et ce alors en tout état de cause que le contrat qui le lie à la SMA est un contrat administratif, car passé en application du code des marchés publics et dont pouvait connaître le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble ;

- une provision de 901 909,91 euros doit lui être accordée au titre de la garantie " dommage ouvrage " ainsi que démontré devant le premier juge en se fondant notamment sur les constatations de l'expert ;

- il n'existe aucune contestation sérieuse sur le principe et le montant des provisions demandées au titre des travaux réparatoires à mettre en oeuvre dans les zones identifiées " blocs 1 et 2 ".

Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique enregistrés le 24 octobre 2018 et le 14 janvier 2019, la société Apave Sudeurope, représentée par MeH..., conclut :

- au rejet des conclusions dirigées contre elle par M.D..., Mme B...et la société CBXS ;

- à ce que la société Ganon la garantisse de toute condamnation éventuelle ;

- à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire du centre hospitalier de Crest, de M.D..., Mme B...et la société CBXS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que l'ordonnance n'est pas contestée en tant qu'elle a été mise hors de cause, les appels présentés à titre incident par le groupement de maîtrise d'oeuvre ne sont pas recevables comme portant sur un litige distinct, l'appel en garantie formé contre elle n'est en tout état de cause pas fondé et elle devrait le cas échéant être garantie par la société Ganon.

Par des mémoires enregistrés les 29 octobre 2018 et le 4 janvier 2019, la société CBXS, M. D...et MmeB..., représentés par MeG..., concluent :

- au rejet des conclusions dirigées contre eux par la société SMA SA Lyon, comme irrecevables ou subsidiairement comme infondées au-delà de la somme de 108 446,98 euros ;

- à la condamnation de la société Ganon à les garantir à hauteur de 50 % de toute condamnation prononcée contre eux ;

- à la condamnation de M. C...à les garantir à hauteur de 15 % de toute condamnation prononcée contre eux ;

- à la condamnation de la société APAVE Sudeurope à les garantir à hauteur de 20 % de toute condamnation prononcée contre eux ;

- à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société SMA SA Lyon ou de toute partie perdante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires enregistrés le 5 novembre 2018 et le 4 janvier 2019, la société Ganon, représentée par MeF..., conclut au rejet des demandes présentées contre elle par le centre hospitalier de Crest et au rejet des conclusions en garantie dirigées contre elle par la société SMA SA.

Elle fait valoir que ces prétentions ne sont pas fondées.

Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2018, la société SMA SA Lyon, représentée par la Selarl Piras et Associés, conclut :

- à titre principal, au rejet des conclusions du centre hospitalier de Crest tendant à sa condamnation au versement d'une provision ;

- à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Ganon, CBXS, M. D...et Mme B...la garantisse de toute conclusion prononcée contre elle.

- à la condamnation de tout succombant à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'il existe une contestation sérieuse sur la portée de ses obligations de garantie des dommages constatés, qui sont toujours en cours d'expertise.

La clôture de l'instruction, fixée au 7 janvier 2019, a été reportée au 28 janvier 2019 à 16h30 heures par ordonnance du 9 janvier 2019.

Les mémoires présentés le 28 janvier 2019 pour, respectivement, d'une part, la société CBXS, M. D...et Mme B...et, d'autre part, la société SMA SA Lyon n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Hervé,

- les conclusions de MmeE...,

- et les observations de Me I...représentant le centre hospitalier de Crest, celles de MeF..., représentant la société Ganon et celles de Me A...représentant la société Apave Sudeurope.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Crest a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'une demande, présentée sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, pour obtenir la condamnation, ensemble, de la société SMA, assureur dommage-ouvrage, de la société Ganon, entreprise titulaire du lot 11/sols souples, de M. C..., la société CBXS et le cabinet D...-B..., membres du groupement de maîtrise d'oeuvre et de la société APAVE chargée du contrôle technique, ou de " qui des six mieux le devra ", à lui verser une provision de 959 175,55 euros. Cette demande est fondée sur l'affirmation du caractère décennal des dommages affectant les sols souples du nouveau bâtiment hospitalier, objet du marché dont le lot 11, attribué le 8 octobre 2010 à la société Ganon, a été réalisé sous la maitrise d'oeuvre du groupement constitué en juin 2008 dont la société CBXS était mandataire et dont étaient notamment membres le cabinet D...etB..., le BET Egis Bâtiments et M.C..., économiste.

2. Après avoir rejeté les conclusions dirigées contre la société SMA SA Lyon, pour un motif tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître du litige opposant le centre hospitalier et son assureur " dommage-ouvrage " liés par un contrat d'assurance, le juge des référés a mis à la charge de la société CBXS et du cabinet Gamiche-B..., en leur qualité de membres du groupe de maitrise d'oeuvre, et de la société Ganon, entreprise chargée de la réalisation des sols souples, le versement au centre hospitalier de provisions au titre du dommage affectant une partie de ces sols souples. Le montant de ces provisions, respectivement de 9 544,77 euros et de 47 723,87 euros a été fixé dans l'ordonnance attaquée au regard de la nature des dommages en litige et du montant de la réparation que l'assureur aurait indiqué être d'accord pour prendre en charge, circonstances permettant au juge des référés de déterminer l'étendue de la réparation résiduelle pouvant donner lieu à provisions.

3. Les conclusions en appel présentées par le centre hospitalier de Crest tendent exclusivement à la réformation de l'ordonnance du 13 septembre 2018 en tant qu'elle a rejeté les conclusions dirigées contre la société SMA SA Lyon et à ce que soit mis à la charge de cette dernière une provision d'un montant de 901 909,91 euros.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Par application du code des marchés publics alors en vigueur, les contrats conclus en application de ce code sont des contrats administratifs et il appartient au juge administratif de connaître des litiges nés de leur exécution. Le contrat d'assurance conclu entre le centre hospitalier de Crest et la société SAGEBAT, aux droit de laquelle vient la société SMA SA Lyon, et dont le lot 2 était relatif à la garantie dommages-ouvrage et dont la mise en oeuvre fait en partie l'objet du litige soumis au premier juge a été conclu à titre onéreux entre un opérateur privé et un pouvoir adjudicateur en vue de répondre à ses besoins en matière de services. Il entre ainsi dans le champ d'application du code des marchés publics, et a en outre été conclu au terme d'une procédure menée selon ce code, ainsi qu'il ressort des avis et documents produits devant la cour par le centre hospitalier. Ce dernier est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, qui par ailleurs n'a pas informé les parties qu'il était susceptible d'opposer d'office l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître d'une partie du litige, a rejeté pour ce motif les conclusions dirigées contre la société SMA SA Lyon. L'article 1er de l'ordonnance du 13 septembre 2018, qui rejette ces conclusions, doit donc être annulée et il y a lieu pour le juge d'appel de se prononcer sur cette partie de la demande du centre hospitalier de Crest par la voie de l'évocation.

5. Aux termes de l'article L. 555-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. ". Selon l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de la seule obligation invoquée devant lui par la partie qui demande une provision, sans tenir compte d'une éventuelle créance distincte que le défendeur détiendrait sur le demandeur.

6. Au soutien de sa demande, le centre hospitalier qui recherche l'exécution par provision des obligations contractuelles de la SMA, son assureur " dommages ouvrage " soutient que les dommages constatés dans certains des locaux du bâtiment et affectant, selon la localisation convenue entre les parties, les " zone 1 ", (242 m²) " zone 2 " ( 1439 m²), Bloc 1 (168m²) et Bloc 2 (208 m²) et qui sont dus à la mauvaise tenue des sols souples posés par la société Ganon, compte tenu notamment de problèmes d'humidité, sont de nature décennale et sont donc couverts par la garantie souscrite auprès de la SMA.

7. Si le premier juge a écarté dans les conditions rappelées au point 4, les conclusions dirigées par le centre hospitalier contre la SMA, il a toutefois retenu pour le calcul des provisions mises à la charge résiduelle de l'entreprise Ganon d'une part et de la société CBXS et du cabinet D...-B... d'autre part, un montant des travaux de réparations qu'il a déterminé en tenant compte de l'accord donné au centre hospitalier par la SMA pour la prise en charge des dommages localisés dans les quatre parties du bâtiment précitées. Sans contester d'ailleurs ces motifs de l'ordonnance, qui lui a été régulièrement notifiée, la SMA rappelle dans son mémoire en défense devant la cour avoir effectivement accordé sa garantie pour la réparation des désordres localisés en zones 1 et 2 et blocs 1 et 2 et ne conteste pas le caractère décennal du dommage subi par le maître d'ouvrage et le principe de la mise en oeuvre de la garantie souscrite auprès d'elle.

8. Pour soutenir toutefois qu'elle n'est pas débitrice d'une obligation non sérieusement contestable envers le centre hospitalier de Crest, la SMA fait essentiellement valoir que les solutions réparatoires déjà mises en oeuvre notamment dans les blocs 1 et 2, et qu'elle a financées, ne sont pas pérennes car de nouveaux désordres sont apparus à l'issue des premières réparations. Ces circonstances permettent, selon elle, de douter du bien-fondé des options de reprise des sols retenues et de la qualité de leur mise en oeuvre. Elles font par suite naître une incertitude sur le montant du coût final des travaux à mener au sein du centre hospitalier.

9. Il résulte cependant de l'instruction que le principal de la provision que demande le centre hospitalier à la charge de son assureur est lié au coût de la remise en état de la zone 2 pour laquelle aucune solution réparatoire n'a été mise en oeuvre et dont l'état nécessitera des travaux de reprise d'un montant que les conclusions de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble permettent d'évaluer a minima, indépendamment de la technique qui sera effectivement retenue. Par ailleurs, la SMA ne conteste pas l'existence des préjudices subis par le centre hospitalier du fait des désordres apparus dans les locaux et qui l'ont conduit, ainsi qu'elle le précise dans ses écritures et ainsi que l'a constaté l'expert qui en a estimé le coût, à rechercher des solutions temporaires pour assurer la continuité des services qui ne pouvaient être temporairement dispensés dans les locaux techniques faisant l'objet des premiers travaux de reprise des sols dans les blocs 1 et 2. Dans ces conditions, l'obligation de la SMA de prendre en charge l'indemnisation des dommages de nature décennale ainsi subis par le centre hospitalier n'étant pas contestable ni contestée, il convient de mettre à sa charge le paiement au centre hospitalier de Crest d'une indemnité provisionnelle, à valoir sur celle qui sera contractuellement due, d'un montant de 700 000 euros.

Sur les appels en garantie présentés par la société SMA :

10. Si la société SMA demande à être garantie en cas de condamnation par la société CBXS, le cabinet D...et B...et la société Ganon, elle n'assortit cependant ces conclusions, qui sont par ailleurs présentées pour la première fois en appel, d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les conclusions présentées par les autres parties :

11. En l'absence de toute condamnation prononcée par le présent arrêt contre la société CBXS, M. D...et MmeB..., la société Apave Sudeurope et la société Ganon, leurs conclusions d'appels réciproques en garantie ainsi que celles dirigées contre M. C...ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais du litige :

12. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de rejeter les conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er de l'ordonnance n° 1801273 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 13 septembre 2018 est annulé.

Article 2 : La société SMA est condamnée à verser au centre hospitalier de Crest une provision de 700 000 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Crest, aux sociétés SMA, Ganon, CBXS, Apave Sudeurope, au cabinet D...-B... et à M.C....

Délibéré après l'audience du 11 avril 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président rapporteur,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2019.

7

N° 18LY03539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03539
Date de la décision : 09/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015-04 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision. Conditions.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Jean-Louis d'HERVE
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : DAUMIN et COIRATON - DEMERCIERE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-09;18ly03539 ?
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