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06/05/2019 | FRANCE | N°18LY02695

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 06 mai 2019, 18LY02695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 13 février 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Usage (Côte-d'Or) lui a enjoint d'enlever trois mobil-homes installés dans le camping " Les Herlequins " qu'elle exploite sur des parcelles propriété de la commune de Saint-Jean de Losne, ensemble la décision du 6 avril 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1801014 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.r>
Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2018, MmeA...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 13 février 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Usage (Côte-d'Or) lui a enjoint d'enlever trois mobil-homes installés dans le camping " Les Herlequins " qu'elle exploite sur des parcelles propriété de la commune de Saint-Jean de Losne, ensemble la décision du 6 avril 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1801014 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2018, MmeA..., représentée par Me Gourinat, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juin 2018 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées des 13 février et 6 avril 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Usage une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que, sur le seul constat que les articles A1 et A2 du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme approuvé le 12 juin 2008 font directement obstacle à l'installation des trois " mobil homes " sur la parcelle cadastrée section AD n° 67, les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision du maire de Saint-Usage, dès lors que le classement de cette parcelle en zone agricole, plutôt qu'en zone naturelle à l'instar des terrains de la base nautique proche, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- en outre, bien que la parcelle en cause soit classée en zone rouge au plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) approuvé le 3 avril 2008, le maire ne pouvait pas plus se fonder sur les dispositions de l'article II-1-2 applicable du règlement de ce plan, qui ne prohibe pas l'implantation dans les campings existants de " mobil homes " visés aux articles R. 111-41 et R 111-42 du code de l'urbanisme, lesquels constituent des modes " d'occupation temporaire " du sol et n'ont pas pour effet " d'augmenter l'emprise au sol des bâtiments " au sens de ces dispositions.

Par deux mémoires, enregistrés le 15 janvier et le 29 mars 2019, la commune de Saint-Usage, représentée par Me Barberousse, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête n'est pas fondée.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 6 février 2019, la commune de Saint-Jean de Losne, représentée par Me Audard, avocate, conclut à l'annulation ou, à tout le moins, à la réformation du jugement du 12 juin 2018 du tribunal administratif de Dijon, à l'annulation des décisions des 13 février et 6 avril 2018 du maire de Saint-Usage et à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Usage une somme de 3 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

Elle fait valoir que :

- son intervention doit être admise, dès lors que le camping " Les Herlequins " lui appartient et que les décisions en litige font directement obstacle à l'exercice de son droit d'exploitation commerciale ;

- ce camping a été régulièrement autorisé, notamment par un arrêté du préfet de la Côte-d'Or en date du 4 décembre 2008 qui le reclasse en catégorie trois étoiles pour cinquante-cinq emplacements " tourismes " et dix emplacements " loisirs ", lesquels sont prévus pour des caravanes ou des " mobile homes ", et les trois " mobile homes " en cause, qui peuvent être déplacés, ont été installés sur ces emplacements " loisirs " correspondants ;

- le classement en zone agricole au plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Usage des parcelles d'assiette du camping, qui ne font plus l'objet depuis 1966 d'une exploitation agricole, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, et l'application du règlement national d'urbanisme, qui résulterait de ce constat, ne fait pas obstacle à l'installation des " mobile homes ", laquelle est prévue à l'article R. 111-42 du code de l'urbanisme dans les campings régulièrement autorisés ;

- l'article II-1-2 applicable du règlement du PPRI permet l'aménagement des campings existants et, en l'espèce, il n'y pas d'extension, mais implantation des " mobile homes " sur des emplacements existants destinés à les accueillir, depuis l'autorisation délivrée le 4 décembre 2008 par le préfet de la Côte-d'Or, postérieurement au PPRI approuvé le 3 avril 2008.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code du tourisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Souteyrand, président assesseur,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Audard, avocat de la commune de Saint-Jean de Losne ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est la gérante du camping " Les Herlequins ", dont la commune de Saint-Jean de Losne est propriétaire, et qui est implanté en bordure de la Saône, sur les parcelles cadastrées section AD n° 61, 64 et 67, classées en zone agricole au plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Usage approuvé le 12 juin 2008 et en zone rouge, d'expansion des crues, au plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la Saône. Le maire de Saint-Usage, qui a estimé que l'installation par Mme A... de trois " mobile-homes ", dans ce camping méconnaissait les règles du PPRI, lui a enjoint, par une décision du 13 février 2018, de procéder à leur enlèvement, sous la menace de dresser un procès-verbal d'infraction en application de l'article L. 610-1 du code de l'urbanisme. Mme A... relève appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 13 février 2018, ensemble la décision du 6 avril 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur l'intervention de la commune de Saint-Jean de Losne :

2. La commune de Saint-Jean de Losne, étant propriétaire du camping " Les Herlequins ", a intérêt à l'annulation des décisions du maire de Saint-Usage qui ont pour effet d'en limiter les modalités d'exploitation. Son intervention doit donc être admise.

Sur la légalité des décisions en litige :

3. En premier lieu, aux termes de l'article II-1-2 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la Saône approuvé le 3 avril 2008, applicable à la zone rouge : " (...) Sont admis : (...) l'aménagement des campings existants, y compris les plantations (démolitions-reconstructions comprises) à condition de ne pas augmenter l'emprise au sol des bâtiments et de diminuer leur vulnérabilité. L'aménagement des campings pour les emplacements de tente uniquement. (...) Les activités et occupations temporaires pouvant être annulées ou interrompues avec une évacuation normale et complète des personnes et des biens dans un délai inférieur à 24 heures. "

4. Aux termes de l'article R. 111-42 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " Les résidences mobiles de loisirs ne peuvent être installées que : (...) Dans les terrains de camping régulièrement créés, à l'exception de ceux créés par une déclaration préalable ou créés sans autorisation d'aménager, par une déclaration en mairie, sur le fondement des dispositions du code de l'urbanisme dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2007 ou constituant des aires naturelles de camping ".

5. Aux termes de l'article D. 332-1-1 du code du tourisme : " Sont classés terrains de camping : a) Avec la mention " tourisme " les terrains aménagés de camping et de caravanage si plus de la moitié du nombre des emplacements dénommés emplacements " tourisme " est destinée à la location à la nuitée, à la semaine ou au mois pour une clientèle de passage ; b) Avec la mention " loisirs " les terrains aménagés de camping et de caravanage si plus de la moitié du nombre des emplacements dénommés emplacements " loisirs " est destinée à la location supérieure au mois par une clientèle qui n'y élit pas domicile. "

6. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'oppose la commune de Saint-Usage, le camping " Les Herlequins " a été régulièrement autorisé par un permis de construire délivré le 28 janvier 1971 par le maire de Saint-Usage et en vertu de trois arrêtés successifs du préfet de la Côte-d'Or en date des 1er février 1972, 4 décembre 1980 et 4 décembre 2008. Toutefois, ce dernier arrêté, intervenu postérieurement à l'entrée en vigueur du plan de prévention des risques d'inondation susmentionné, et qui reclasse le camping en catégorie trois étoiles pour cinquante-cinq emplacements " tourismes " et dix emplacements " loisirs ", catégories qui déterminent seulement des durées maximales d'occupation, inférieure à un mois pour la première et supérieure à un mois pour la seconde, prévoit que doit être affichée à l'entrée du terrain notamment la mention de la " période d'exploitation en dehors de laquelle le maintien de tentes ou de caravanes est interdit ". Ainsi, en limitant la portée de son autorisation à l'accueil des tentes et caravanes, dont l'évacuation, en cas de crue de la Saône, peut intervenir dans le délai de vingt-quatre heures précité, le préfet de la Côte-d'Or, qui a, pour ce faire, pris nécessairement en compte les prescriptions précitées du PPRI dont il était l'auteur, a entendu exclure des dix emplacements " loisirs " autorisés les " mobile homes ", dont la mobilité est bien plus réduite que celle des caravanes, puisqu'ils ne peuvent être tractés par des véhicules de tourisme. Par suite, l'installation en 2017 sur le camping " Les Herlequins " des trois " mobile homes ", qui appartiennent à la catégorie des " résidences mobiles de loisirs ", ne respecte ni les dispositions précitées de l'article R. 111-42 du code de l'urbanisme, ni celles du PPRI, dont il n'est pas excipé de l'illégalité.

7. En second lieu, aux termes du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Saint-Usage : " A 1 - Occupations ou utilisations du sol interdites : Toutes celles autres que nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole (...) A 2 - Occupations ou utilisations du sol soumises à condition : Sous réserve du respect du règlement du PPRI (...) Les (...) hébergements (...) constituant une activité dépendante de l'activité agricole (...) Les constructions et installations nécessaires au service public ou d'intérêt collectif liées : à la gestion des déchets ou de l'eau, à la mise en oeuvre et à l'exploitation des captages d'eau potable et à la distribution de l'eau, au transport de l'énergie, aux télécommunications, au transport collectif (...) Les équipements qui ne peuvent en raison de leur aspect ou des nuisances engendrées trouver place en zone urbaine existante ou à créer ".

8. Il ressort de ces dispositions qu'aucune extension du camping existant n'est permise eu égard au classement du terrain en zone A du plan local d'urbanisme. En outre, en admettant même que ce classement soit illégal, ce qui n'est pas établi dès lors que les parcelles sont bordées sur deux côtés de terres agricoles et sur un troisième par la Saône, les dispositions précitées de l'article R. 111-42 du code de l'urbanisme, qui demeuraient applicables, font, ainsi que cela l'a été dit plus haut, en l'absence d'autorisation délivrée par le préfet pour des emplacements correspondant à des résidences mobiles de loisirs, également obstacle à l'implantation des trois " mobile homes " en cause.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Usage, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à Mme A... et, en tout état de cause, à la commune de Saint-Jean de Losne, une somme au titre des frais qu'elles ont exposés à l'occasion du litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Usage tendant au bénéfice de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune de Saint-Jean de Losne est admise.

Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Jean de Losne et de la commune de Saint-Usage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et aux communes de Saint-Jean de Losne et de Saint-Usage.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Souteyrand, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mai 2019.

Le rapporteur,

E. SouteyrandLe président,

J.-P. Clot

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

4

N° 18LY02695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02695
Date de la décision : 06/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP CLEMANG-GOURINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-06;18ly02695 ?
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