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11/04/2019 | FRANCE | N°18LY00808

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 18LY00808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 octobre 2017 et 11 janvier 2018, MmeF..., représentée par MeA..., a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du préfet du Rhône en date du 27 juin 2017 rejetant sa demande de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 8 jours à compter du jugement à intervenir ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 octobre 2017 et 11 janvier 2018, MmeF..., représentée par MeA..., a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du préfet du Rhône en date du 27 juin 2017 rejetant sa demande de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 8 jours à compter du jugement à intervenir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans ou subsidiairement un titre de séjour temporaire portant la mention " artisan " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1707388 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 février 2018, MmeF..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707388 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions attaquées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans ou un certificat de résidence temporaire portant la mention sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, ou à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

- le jugement du tribunal est doit être annulé pour erreur de droit en ce qu'il n'a pas tiré les conséquences de l'article 5 de l'accord franco-algérien, en considérant qu'elle ne pouvait pas se prévaloir de sa situation administrative régulière antérieure ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, puisque le préfet ne l'a pas informé du retrait des titres de séjours qu'elle a obtenu depuis 2012 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle n'a pas commis de fraude concernant son mariage ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 5 et de l'article 7 c) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour emporte illégalité de la décision relative à l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- l'illégalité des décisions refusant le titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire emportent illégalité de la décision fixant le pays de destination ;

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties de jour de l'audience.

A été entendu :

- le rapport de M. Pommier, président rapporteur,

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...F..., ressortissante algérienne née le 14 septembre 1982, a contracté mariage en Algérie avec M. C...D..., de nationalité française, le 29 juillet 2010. Elle est entrée en France le 23 novembre 2011, sous couvert d'un visa de court séjour portant la mention " famille de français ", puis a obtenu un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " valable du 19 janvier 2012 au 18 janvier 2013, sur le fondement des stipulations de l'article 6, alinéa 2, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le 19 janvier 2013, elle a obtenu un certificat de résidence portant la mention " artisan ", renouvelé jusqu'au 28 janvier 2016. Elle a présenté, le 3 août 2016, une demande de renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des articles 5 et 7 alinéa c de l'accord franco-algérien, ainsi qu'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans en vertu de l'article 7 bis dudit accord. Par un arrêté du 27 juin 2017, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à ses demandes, et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 30 janvier 2018, dont Mme F...relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. En premier lieu, dans sa décision de refus de séjour du 27 juin 2017, le préfet du Rhône mentionne notamment les circonstances de l'entrée en France de MmeF..., précise l'évolution de sa situation matrimoniale jusqu'au prononcé, par le tribunal de grande instance de Nantes, de l'annulation de son mariage le 28 mai 2015, indique l'objet de sa demande de titre de séjour portant la mention " artisan ", expose les raisons pour lesquelles il a retenu le caractère frauduleux de ses précédentes demandes de titre de séjour, et relève qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dans l'impossibilité de voyager sans risque vers son pays d'origine où elle n'est pas dépourvue de toute attache familiale puisque ses trois frères, ses cinq soeurs et ses parents y résident. Ainsi, il ressort suffisamment des énonciations de cette décision que le préfet, qui ne s'est pas borné à retenir le caractère frauduleux du mariage, a procédé à un examen préalable et complet de la situation de l'intéressée.

3. En deuxième lieu, si la requérante soutient que le préfet aurait commis un vice de procédure en retirant les titres de séjour dont elle était titulaire sans l'en informer au préalable, il ressort clairement de ses énonciations que l'arrêté contesté n'a pas cette portée, le préfet s'étant borné à refuser de faire droit à sa demande de renouvellement de titre de séjour.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes du c) de l'article 7 du même accord : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ". L'article 9 du même accord dispose que " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ".

5. Il résulte de la combinaison de ces stipulations que la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " artisan " aux ressortissants algériens est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour. Cependant, si, en vertu de l'article 9 de l'accord franco-algérien susvisé, la première délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 5 et du c) de l'article 7 du même accord est subordonnée à la production par le demandeur d'un visa de long séjour, il en va différemment pour le ressortissant algérien déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, du certificat de résidence dont il est titulaire. En l'espèce, si Mme F...est entrée en France le 23 novembre 2011 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa C " famille de français ", lequel constitue un visa de court séjour, elle a ensuite obtenu, en tant que conjoint de français, un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " valable du 19 janvier 2012 au 18 janvier 2013, puis elle a bénéficié d'un titre de séjour " artisan " valable dès le 19 janvier 2013, qui a été renouvelé à deux reprises, jusqu'au 28 juin 2016. Ainsi, dans la mesure où elle bénéficiait d'un certificat de résidence délivrée sur un premier fondement, elle n'avait pas besoin de justifier de la détention d'un visa de long séjour pour solliciter un nouveau certificat de résidence pour un autre motif.

6. Toutefois, le préfet, pour estimer que la requérante était soumise à l'obligation de visa de long séjour, s'est fondé sur ce que les précédents titres de séjour avaient été obtenus par fraude.

7. Si un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits, un acte de droit privé opposable aux tiers l'est aussi envers l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'autorité administrative, lorsque se révèle une fraude, commise en vue d'obtenir le bénéfice de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposables aux tiers. Dès lors, s'il convient de protéger le droit de l'étranger à disposer du titre de séjour qui lui a été délivré sur la base d'un acte de droit privé, tel qu'un contrat de mariage, il en va différemment s'il est établi que cette union maritale a été célébrée en vue de tromper l'administration par fraude.

8. En l'espèce, dans le procès-verbal n°2014/043387 en date du 19 septembre 2014, la requérante expose n'avoir partagé une vie commune avec M. D...que pendant quelques jours après son arrivée en France le 23 novembre 2011. Elle a ensuite quitté le domicile conjugal, suite à plusieurs altercations avec sa belle-mère, pour aller vivre chez son oncle à Lyon. Le tribunal de grande instance de Nantes a, par un jugement du 28 mai 2015 dont l'intéressée n'a pas interjeté appel, annulé le mariage unissant Mme F...à M. D... au motif qu'elle n'avait aucune réelle intention matrimoniale, et qu'elle n'a consenti à la célébration de cette union que dans un but unique, à savoir celui d'obtenir un titre de séjour en France. Si elle soutient qu'elle aurait été contrainte à cette union pour se conformer au choix de son père, elle ne l'établit pas par les seules attestations de ses soeurs. Par suite le préfet a pu légalement estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que c'est par fraude que Mme F...a obtenu la délivrance d'un certificat de résidence en tant que conjoint de français.

9. L'obtention de ce premier titre de séjour a permis à l'intéressée d'obtenir ensuite un autre certificat de résidence portant la mention " artisan " et qui lui a été renouvelé deux fois, sans qu'elle soit soumise à l'obligation de présentation d'un visa de long séjour. La fraude entachant la délivrance du premier titre de séjour a ainsi nécessairement entaché la délivrance des autres titres de séjour dès lors que c'est parce qu'elle avait obtenu un premier titre de séjour qu'elle a été dispensée de justifier de la possession d'un visa de long séjour. C'est par suite également à bon droit que le préfet en a déduit que du fait de cette fraude, elle ne pouvait se voir renouveler son titre de séjour portant la mention " artisan " sans qu'elle justifie de la possession d'un visa de long séjour.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 bis du même accord : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande ".

11. Les actes obtenus par fraude ne créant pas de droits, le préfet a pu légalement estimer que Mme F...ne pouvait être regardée comme ayant séjourné régulièrement en France et qu'elle ne remplissait donc pas les conditions posées par l'article 7 bis de l'accord franco-algérien pour se voir délivrer un certificat de résidence de dix ans.

12. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que MmeF..., de nationalité algérienne, a travaillé en tant qu'agent de service de juin 2012 à décembre 2015, et qu'elle a immatriculé une entreprise à son nom le 17 décembre 2012, elle est célibataire et sans enfant, alors qu'elle ne conteste pas disposer de fortes attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents ainsi que ses frères et soeurs. Ainsi, elle ne démontre pas que la décision litigieuse porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ayant été écartés, Mme F...n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation de l'intéressée.

Sur la décision désignant le pays de destination :

15. Dans la mesure où, comme il a été énoncé plus haut, les décisions portant refus de certificat de résidence et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces deux décisions ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Dès lors, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce que soient mis à la charge de l'Etat les frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...F...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 avril 2019.

N° 18LY00808 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00808
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-11;18ly00808 ?
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