Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...B...et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 du préfet de la Haute-Savoie mettant en demeure les personnes appartenant à la communauté des gens du voyage occupant un terrain situé sur la zone d'activité économique de la commune de Vallières de quitter les lieux dans un délai de 24 heures.
Par un jugement n° 1804779 du 28 juillet 2018, le magistrat désigné de ce tribunal a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2018 le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. B...et autres.
Il soutient que :
- il n'a pas été mis en mesure d'être présent ou représenté à l'audience devant le tribunal administratif faute d'avoir été informé de la mise à disposition de la requête de M. B... et autres dans l'application Térecours ;
- cette requête était irrecevable ;
- l'arrêté du 25 juillet 2018 a été signé par une autorité compétente ;
- il est suffisamment motivé ;
- le risque d'atteinte à la tranquillité publique est établi ;
- le délai de 24 heures accordé pour quitter les lieux n'a porté atteinte à aucun des principes invoqués par M. B...et autres.
La requête a été communiquée à M. B...qui n'a pas produit d'observation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne,
- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 30 avril 2014, le président de la communauté de communes du canton de Rumilly, dont la commune de Vallières est membre, a réglementé le stationnement des résidences mobiles de gens du voyage sur le territoire de la communauté de communes du canton. Le 16 juillet 2018 en début d'après-midi, 173 caravanes et 184 véhicules ont été stationnés sans autorisation sur deux parcelles d'une superficie totale de 2,5 hectares situées rue de l'Artisanat sur le territoire de la commune de Vallières pour partie dans la zone d'activité économique. A la demande du président de la communauté de communes du canton de Rumilly, le préfet de la Haute-Savoie, par un arrêté du 25 juillet 2018 notifié le même jour, a mis en demeure les occupants de quitter les lieux dans un délai de 24 heures. M. B..., en qualité de représentant du groupe, a saisi le tribunal administratif de Grenoble le 26 juillet. Par un jugement du 28 juillet 2018 dont le préfet de la Haute-Savoie relève appel, le magistrat désigné a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement et de l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 9 la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : " I.-Dès lors qu'une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l'article 2, son maire ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er. Ces dispositions sont également applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil, ainsi qu'à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une telle aire ou qui appartiennent à un groupement de communes qui s'est doté de compétences pour la mise en oeuvre du schéma départemental. Les mêmes dispositions sont applicables (...) aux communes disposant d'un emplacement provisoire faisant l'objet d'un agrément par le préfet, dans un délai fixé par le préfet et ne pouvant excéder six mois à compter de la date de cet agrément (...) II.-En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques (...) ".
3. Pour mettre en demeure les occupants sans droit ni titre des parcelles situées rue de l'Artisanat à Vallières, le préfet de la Haute-Savoie a d'une part mis en avant l'absence de sanitaire, de poubelle et de branchement au réseau d'évacuation des eaux usées et le branchement sauvage à deux poteaux incendie et à un coffret EDF au moyen de rallonges électriques posées au sol et sans aucune protection. Ces faits ont été constatés le 18 juillet 2018 par un officier de police judiciaire dont le rapport est visé dans l'arrêté et dont il ressort que le risque d'électrocution était avéré compte tenu du caractère rudimentaire du raccordement au compteur EDF au moyen d'une logette électrique contenant 50 rallonges disposée à même le sol au milieu du campement et de l'entrelacement de ces rallonges avec des fils électriques et des tuyaux d'eau nécessaires à l'alimentation des caravanes. Le procès-verbal mentionne aussi que les raccordements à deux bornes incendie situées à proximité des deux parcelles compromettaient la lutte contre l'incendie dans cette zone d'activités, que l'évacuation des eaux usées se faisait à même le sol et que malgré l'installation devant le site d'une benne de stockage, l'hygiène et la salubrité des lieux et des personnes seraient exposées à un risque compte tenu du gros volume de déchets ménagers généré par le nombre important d'occupants des deux parcelles. Le préfet a d'autre part relevé que le groupe concerné avait pourtant été autorisé, à sa demande, à stationner sur l'aire d'accueil provisoire de Musièges, d'une superficie de 4 hectares, du 15 au 29 juillet 2018, mais avait refusé de s'y installer le jour de son arrivée, le jugeant trop exigu. Le préfet a également tenu compte du climat de tension observé depuis plusieurs semaines entre élus, riverains et gestionnaires des entreprises voisines des lieux de stationnement irrégulièrement occupés et des gens du voyage et de la nécessité de mettre fin au plus vite pour cette raison à ces stationnements illicites. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le stationnement du groupe était de nature à porter atteinte à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques. C'est dès lors à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé pour ce motif son arrêté du 25 juillet 2018.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...et autres devant le tribunal administratif de Grenoble.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme Florence Gouache, secrétaire générale de la préfecture, signataire de l'arrêté du 25 juillet 2018, avait régulièrement reçu délégation du préfet de la Haute-Savoie à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans ce département, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les mises en demeure prises sur le fondement de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit donc être écarté comme manquant en fait.
6. Cet arrêté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, comme cela ressort du point 3, est suffisamment motivé.
7. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la sauvegarde de la dignité humaine, du droit de mener une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'intérêt supérieur de l'enfant et de son droit à un niveau de vie suffisant protégés par le 1 de l'article 3 et l'article 27 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et du principe de non-discrimination n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut, dès lors, qu'être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 25 juillet 2018.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804779 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 28 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...et autres devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, président,
M. Chassagne, premier conseiller,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 avril 2019.
Le rapporteur,
J. Chassagne
Le président,
C. Michel Le greffier,
J. Billot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
4
N°18LY02893