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21/03/2019 | FRANCE | N°18LY01427

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 18LY01427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI La Chaumière et Mme F...C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 août 2006 du préfet de la Haute-Savoie en tant qu'il a prononcé le transfert d'office et sans indemnité dans le domaine public communal des parcelles leur appartenant cadastrées section AM n°s 174 et 176 situées rue de la Petite Taverne à Megève.

Par un jugement n° 1607373 du 20 février 2018, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enre

gistrée le 19 avril 2018, la SCI La Chaumière et Mme F...C..., représentées par MeE..., demandent ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI La Chaumière et Mme F...C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 août 2006 du préfet de la Haute-Savoie en tant qu'il a prononcé le transfert d'office et sans indemnité dans le domaine public communal des parcelles leur appartenant cadastrées section AM n°s 174 et 176 situées rue de la Petite Taverne à Megève.

Par un jugement n° 1607373 du 20 février 2018, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 avril 2018, la SCI La Chaumière et Mme F...C..., représentées par MeE..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué et l'arrêté contesté en tant qu'il a prononcé le transfert d'office et sans indemnité dans le domaine public communal des parcelles leur appartenant cadastrées section AM n°s 174 et 176 situées rue de la Petite Taverne à Megève.

2°) de mettre à la charge de commune de Megève la somme de 2 000 euros au titre des frais du litige exposés en première instance et la somme de 3 000 au titre des mêmes frais exposés en appel.

Elles soutiennent que :

- le motif d'irrecevabilité retenu par le tribunal ne pouvait être soulevé d'office qu'après sa communication préalable aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges n'ont pas répondu ou insuffisamment à leur argumentation, fondée, relative aux circonstances particulières affectant la connaissance acquise ;

- la jurisprudence Czabaj est cantonnée aux décisions administratives individuelles ; la décision de transfert d'office s'apparente à un acte ni réglementaire ni individuel ; leur demande n'était donc pas tardive ;

- l'arrêté contesté qui les exproprie sans indemnité préalable, en méconnaissance de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 545 du code civil et au prix d'un détournement de procédure, est un acte juridiquement inexistant qui pouvait faire l'objet d'un recours en annulation à tout moment ;

- il était inéquitable de mettre à leur charge la somme de 1 200 euros au titre des frais du litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2018, la commune de Megève, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI La Chaumière et de Mme C...au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SCI La Chaumière et Mme C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code civil ;

- le code l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de MmeD... ;

- et les observations de MeA..., pour la SCI La Chaumière et MmeC..., et de MeB..., pour la commune de Megève ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI La Chaumière et Mme C...relèvent appel du jugement du 20 février 2018 du tribunal administratif de Grenoble rejetant comme tardive leur demande d'annulation de l'arrêté du 3 août 2006 du préfet de la Haute-Savoie en tant qu'il a prononcé le transfert d'office et sans indemnité dans le domaine public communal des parcelles cadastrées section AM n°s 174 et 176 situées rue de la Petite Taverne à Megève.

2. Il ressort du dossier de première instance que la commune de Megève a fait valoir dans son mémoire en défense que la requête de la SCI La Chaumière et Mme C...avait été enregistrée au greffe du tribunal administratif plus de dix ans après l'expiration du délai de recours contentieux. En réponse à ce mémoire, la SCI La Chaumière et MmeC..., après avoir invoqué la décision du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016, Czabaj, n° 387763, se sont prévalues de circonstances particulières. Les requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que le motif d'irrecevabilité de leur demande de première instance sur lequel s'est fondé le tribunal administratif, dont le jugement est suffisamment motivé, tiré de ce que le principe de sécurité juridique dégagé par la décision du 13 juillet 2016 faisait obstacle à ce que l'arrêté puisse être contesté plus de dix ans après sa notification, n'a pas fait l'objet d'un débat contradictoire.

3. Aux termes de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut, après enquête publique, être transférée d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées (...) ".

4. D'une part, le délai de recours contentieux contre une décision de transfert prise sur le fondement de ces dispositions ne peut courir, pour les propriétaires intéressés, qu'à compter de la date à laquelle celle-ci leur a été notifiée, peu important que cette décision ait été par ailleurs publiée ou affichée.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...)". Il résulte des dispositions de l'article R. 421-5 du même code que ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

6. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 3 août 2006 du préfet de la Haute-Savoie a été notifié le 17 août 2006 à la SCI La Chaumière et à Mme C...par lettres recommandées avec accusé de réception. Si une telle notification était incomplète au regard des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, faute de préciser les voies et délais de recours et si, par suite, le délai de deux mois fixé par l'article R. 421-1 du même code ne leur était pas opposable, il ressort des pièces du dossier que MmeC..., en qualité de propriétaire indivisaire de la parcelle cadastrée section AM n° 28, dont sont issues les parcelles AM 173 et AM 174, et en qualité de gérante de la SCI La Chaumière, propriétaire de la parcelle cadastrée section AM n° 29, qui a été divisée en deux parcelles AM 175 et AM 176, s'est manifestée dans le cadre de l'enquête publique initiale diligentée au mois de février 2006 et a exprimé son consentement au transfert des parcelles en cause, en émettant cependant le souhait de pouvoir conserver les droits à construire qui y sont attachés. Les imperfections de rédaction de la décision en litige n'ont par ailleurs pu induire ses destinataires en erreur sur son objet et sa portée, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les conditions d'occupation de ces parcelles perduraient de longue date, sans opposition et par accord tacite des parties, la commune de Megève effectuant l'entretien et le déneigement de leur emprise depuis longtemps. Dans ces conditions, et alors que le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis de voie de fait en mettant en oeuvre cette procédure, la saisine du tribunal administratif de Grenoble par requête enregistrée le 23 décembre 2016 ne peut être considérée comme ayant été présentée dans un délai raisonnable, la SCI La Chaumière et MmeC..., qui se bornent à invoquer l'atteinte que porterait l'arrêté contesté au droit de propriété, ne justifiant d'aucune circonstance particulière.

8. Il résulte de ce qui précède que la SCI La Chaumière et Mme C...ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

9. En condamnant la SCI La Chaumière et Mme C...à verser à la commune de Megève la somme de 1 200 euros au titre des frais du litige, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation exagérée du montant des frais exposés en première instance par la commune.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme mise à la charge de la commune de Megève qui n'était pas la partie perdante en première instance et qui ne l'est pas non plus en appel. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la commune les frais du litige exposés en cause d'appel.

DÉCIDE

Article 1er : La requête de la SCI La Chaumière et de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Megève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Chaumière, à Mme F...C..., à la commune de Megève et au ministre de la transition écologique et solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 mars 2019.

4

N° 18LY01427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01427
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public artificiel - Biens faisant partie du domaine public artificiel - Voies publiques et leurs dépendances.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Point de départ des délais - Notification.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : URBAN CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-21;18ly01427 ?
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